4 juin : vendredi 9° semaine Temps Ordinaire Vivent les insomnies !

« Et la foule nombreuse l’écoutait avec plaisir ! » Nous, peut-être avons-nous écouté avec un peu moins de plaisir ce passage de l’Evangile que ne l’avaient écouté, en direct, les auditeurs de Jésus ! Il faut dire que, dans ces versets, Jésus pratique, à la manière des rabbins, la lecture des Ecritures. Cette manière de lire nous déconcerte souvent qu’elle soit pratiquée par Jésus dans les Evangiles ou par Paul dans un certain nombre de ses lettres. Je ne vais donc pas m’attarder sur ces versets mais sur les versets si émouvants du livre de Tobie que nous entendons en lecture continue.

Dans ces retrouvailles entre Tobie et sa famille, il y a un mot qui revient 11 fois, il faudrait donc être sourd pour ne pas l’avoir repéré ! C’est le verbe bénir ou le nom bénédiction. Et vous vous rappelez la si belle prière de Tobie que nous avons entendu hier, prière qui a permis de mettre un terme au cycle infernal des décès de tous les hommes qui s’approchaient de Sarra. Elle commençait justement par une prière de bénédiction alors que l’heure était grave puisque Tobie ne savait encore pas s’il n’allait pas subir le même sort que ses 7 prédécesseurs : « Béni sois-tu, Dieu de nos pères ; béni soit ton nom dans toutes les générations, à jamais. » Mais Tobie connaissait la puissance de la prière de bénédiction. C’est pour cela qu’au lieu de faire une prière de demande qu’on pourrait qualifier d’égoïste qui aurait été toute tournée vers lui et ses intérêts, il préfère prononcer cette prière de bénédiction qui est peut-être la manière la plus forte de poser un acte de foi en la bonté de Dieu. C’est un peu comme si Tobie avait dit : je ne sais pas ce que je vais devenir, mais, ce que je sais, c’est que tu es bon, et donc je l’affirme : rien dans ce qui pourrait m’arriver ne démentira ta bonté, je le crois. Ce n’est pas un chantage dans lequel Tobie passerait de la pommade dans le dos de Dieu pour l’amadouer, c’est un acte de foi. La bénédiction est l’une des manières les plus fortes d’exprimer sa foi : quoiqu’il m’arrive, je crois que tu es bon et que rien ne viendra jamais démentir ta bonté.

C’est bien la même foi qui habite le cœur de Tobbit, le papa qui recouvrant la vue prononce immédiatement des paroles de bénédiction : « Béni soit Dieu ! Béni soit son grand nom ! Bénis soient tous ses saints anges ! Que son grand nom soit sur nous ! Bénis soient tous les anges pour tous les siècles ! » On imagine sans peine la joie de Tobbit quand il se rend compte qu’il est en train de recouvrer la vue et qu’il distingue à nouveau les traits du visage de son fils. Mais, dans sa joie, Tobbit aurait pu dire à son fils : « Mon fils, tu es bien le meilleur des fils, tu es vraiment le fils de ton père pour avoir été capable d’un tel coup d’éclat ! » Et si j’avais pu le dire avec l’accent que prennent certains acteurs de cinéma quand ils jouent des personnages juifs, ça aurait eu encore plus de saveur ! Personne n’en aurait voulu au vieux Tobbit de prononcer de telles paroles puisqu’il n’avait aucune idée de la provenance de cet onguent qui a permis d’accomplir un tel miracle. Il ne savait pas qu’il avait été fourni à son fils par ce mystérieux compagnon qui l’accompagnait qui était l’archange Raphaël en personne. C’est donc bien clair que la guérison du vieux Tobbit était un cadeau du ciel. Eh bien, voilà que, sans en avoir le moindre indice, Tobbit ne remercie pas son fils mais le Seigneur car il est clair, pour lui, que Dieu seul est capable d’accomplir de telles prouesses, voilà pourquoi je dis que sa prière de bénédiction est un grand acte de foi : « Béni soit Dieu ! Béni soit son grand nom ! Bénis soient tous ses saints anges ! Que son grand nom soit sur nous ! Bénis soient tous les anges pour tous les siècles ! »

Avec tout ce que je viens de dire, vous comprenez pourquoi il était si important que nous, les chrétiens, retrouvions une pratique plus affirmée de la prière de bénédiction. Et c’est bien ce qui s’est passé grâce au Renouveau de l’Esprit et il est bon que lors de chaque office, nous ayons ce temps de prière de bénédiction et cette prière de louange chaque semaine, prière au cours de laquelle la bénédiction tient une grande place. La prière de bénédiction est la manière la plus juste, la plus forte d’affirmer notre foi. A vrai dire, nous ne l’avions jamais vraiment perdue, mais elle était plus discrète. C’était bien une forme de prière de bénédiction que de chanter : Tout vient de Toi, ô Père très bon, nous t’offrons les merveilles de ton amour ! Mais c’est quand même plus clair quand nous commençons ou finissons une prière par une formule explicite de bénédiction et quand c’est au début et à la fin, c’est encore mieux ! Oui, le monde connait bien des difficultés, ; oui, nos communautés traversent des moments difficiles ; oui, chacun de nous traine sa part de médiocrité ; oui, tout cela est bien vrai. Mais, parce que nous gardons confiance en Dieu, nous le bénissons. C’est la grandeur de notre liberté qui s’exprime dans ce choix de le bénir en tout temps, en tout lieu, en toutes circonstances. A chaque fois que nous le bénissons, c’est un peu comme si nous réaffirmions ce que Paul dit : « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment. » Quand nous bénissons, c’est bien ce que nous affirmons dans la foi car, bien souvent, aucun signe ne permet de l’affirmer, mais c’est notre foi, c’est notre confiance qui nous pousse à bénir Dieu car c’est bien vrai, il fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment.

La prière de bénédiction a encore bien des vertus. Je me suis inspiré de ce que propose le père Cantalamessa pour mettre au point une méthode qui permet à la fois d’occuper intelligemment nos insomnies et de guérir nos relations blessées.  Déjà, vous savez que s’il vous arrive d’avoir des insomnies, plutôt que de compter les moutons, il vaut mieux parler au berger ! Mais je vous suggère d’aller encore plus loin. Demandez au Seigneur qu’il fasse défiler devant les yeux de votre cœur toutes les personnes dont il veut que vous vous occupiez durant cette insomnie. Il y a bien des chances pour qu’il réunisse les personnes avec qui vous avez eu des difficultés et, certaines nuits ça risque de faire un bon groupe ! Mettez-les en file indienne, toujours devant les yeux de votre cœur ! Et demandez à ces personnes de s’avancer les unes après les autres. Sur chacune d’elle, exercez-vous à poser le regard que Dieu lui-même veut poser sur elle, prenez le temps de le faire et prononcez sur elle une prière de bénédiction. Quand vous avez fini avec la première, demandez à la deuxième de s’avancer la et vous continuerez tant que le sommeil n’est pas revenu ! Un regard d’amour, une prière de bénédiction sur chacune des personnes. Si le sommeil vient avant que vous n’ayez eu le temps de vous occuper de toutes les personnes que le Seigneur a réuni devant les yeux de votre cœur, essayez de vous rappeler sur qui vous vous êtes arrêté pour continuer dans la journée, par exemple au cours d’un temps d’oraison. Ce qui est sûr, c’est que, même si l’insomnie a duré, vous ne vous réveillerez pas de mauvaise humeur en accusant ces maudites insomnies qui gâchent vos nuits. Vous serez dans la gratitude dès le matin puisque vous aurez passé une partie de la nuit à bénir.

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