1° mars : vendredi 2° semaine de carême : Dieu écrit droit sur les lignes courbes de nos vies pécheresses !

Ce sont deux drames terribles qui nous sont racontés dans les textes d’aujourd’hui. Parfois certains se demandent pourquoi il y a tant d’histoires tordues dans la Bible, histoires de violence familiale ou ethnique, histoires de viols et d’incestes et tant d’autres horreurs. S’il y a tout ça dans la Bible, c’est parce qu’il y a tout ça dans l’histoire des hommes. Et Dieu n’a pas fait alliance avec des anges, mais avec des hommes dont certains connaissaient des histoires extrêmement tourmentées, soit parce qu’ils commettaient eux-mêmes des turpitudes, soit parce qu’ils en étaient victimes. La Bible, la Foi prennent donc à bras le corps cette redoutable question du mal si présente dans la vie des hommes 

Dans la 1° lecture, nous avons entendu la sordide histoire de Joseph vendu par ses frères. Joseph, c’est l’arrière-petit-fils d’Abraham. Son père, c’était Jacob qu’on appelle aussi Israël, son grand-père c’était Isaac, le fils d’Abraham. Nous sommes donc dans les tout débuts de l’histoire de la Foi, de l’Alliance, commencée avec Abraham, le père de tous les croyants. Mais, dès le début, nous le voyons, c’est une histoire compliquée. La Bible ne cache rien des difficultés de la vie. Les frères de Joseph sont malades de jalousie parce que leur vieux père a un faible pour ce dernier fils, le fils de sa vieillesse qu’il a eu avec son épouse préférée mais restée stérile si longtemps. Jacob vient de montrer sa préférence en offrant à Joseph une belle tunique. Dire qu’il préférait Joseph ne signifie pas qu’il n’aimait pas ses autres fils, la preuve, il envoie Joseph auprès d’eux, sûrement pour leur porter à manger, à boire.

Seulement voilà, les autres fils, eux, ils sont malades de jalousie et quand ils voient arriver Joseph, ils décident de le supprimer. C’est vrai que Joseph n’a pas été très fin, il aurait pu venir habillé avec un autre vêtement qu’avec cette tunique de la discorde ! Dans les conflits, il y a toujours des torts partagés ! Heureusement, l’un d’eux, Roubène qui avait quand même une conscience plus éveillée que les autres ne veut pas que son frère soit tué. Joseph sera donc mis dans une citerne et il n’y séjournera que quelques heures. Une caravane de marchands passe, ils allaient commercer avec l’Egypte, Joseph leur est vendu et va donc se retrouver en Egypte. Je n’entre pas dans les détails car le texte laisse un flou, il n’est pas sûr qu’il ait été vendu directement par ses frères qui se sont peut-être fait rouler par des Madianites !

En tout cas, c’est vraiment une situation dramatique. Oui, mais de cette situation tordue, Dieu va savoir en tirer un bien. Quand nous continuons l’histoire de Joseph, nous nous rendons compte qu’il va tenir une place très importante en Egypte. Le pharaon a des songes et aucun de ses mages ne peut les interpréter et voilà qu’on apprend, à la cour du pharaon, que Joseph, l’esclave hébreu, a ce don d’interpréter les songes, on le fait donc venir auprès de Pharaon. Pharaon en est tellement content qu’il va faire de lui l’un des membres les plus importants de son administration. Et c’est ainsi qu’il va pouvoir, après bien des péripéties, sauver sa famille qui risquait de mourir de la famine qui sévissait dans leur patrie. J’arrête là l’histoire sur laquelle, on pourrait méditer longuement. J’ai prêché, l’année dernière, toute une retraite sur cette histoire pour le prieuré des Dominicains de Rennes.

La formule qui peut résumer cette histoire est bien connue : Dieu écrit droit avec des lignes courbes ! C’est vrai, de cette histoire tordue, Dieu a su en tirer parti pour continuer à écrire l’histoire du Salut. Sans la présence de Joseph en Egypte, sa famille serait morte de faim. Mais, je le redirai en conclusion, ce n’est pas automatique que Dieu puisse écrire droit avec les lignes courbes de notre vie, pour que ça soit possible, il faudra que des personnes acceptent de donner leur vie. Et c’est bien de cela que veut nous parler l’Evangile.

Cette nouvelle parabole de Jésus nous présente un autre drame. C’est en parabole que Jésus raconte ce qui va lui arriver, qu’il annonce sa mort et une mort qui sera particulièrement injuste et violente. 

Mais là encore, ce qui aurait pu rester un drame, va devenir l’acte par lequel toute l’humanité sera sauvée, y compris ceux qui sont à l’origine de ce drame ! D’ailleurs, c’est Jésus lui-même qui tire la leçon de cette histoire en reprenant une affirmation des Ecritures : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, c’est là l’œuvre du Seigneur. »

Oui, c’est donc bien vrai, Dieu a cette capacité d’écrire droit avec des lignes courbes. Comme le disait Jésus, citant le psaume : c’est là l’œuvre du Seigneur ! On pourrait traduire, que cette capacité de tout récupérer, c’est vraiment le génie de Dieu ! La théologie donnera à cette capacité extraordinaire de Dieu, un nom, c’est la Providence. Mais attention, il ne faudrait pas en conclure qu’on peut faire n’importe quoi puisque Dieu a cette capacité de pouvoir tirer du bien même à partir d’un mal. Non ! Rappelons-nous toujours que si Dieu a cette capacité extraordinaire de tirer du bien à partir d’un mal, il ne peut pas supprimer les conséquences de nos actes mauvais. Le mal commis cause toujours des dégâts terribles. Joseph, vendu, va terriblement souffrir, son père Jacob souffrira de l’absence de ce fils qu’il croit mort et les frères souffriront des tourments infligés par leur conscience. Nos actes mauvais ont des conséquences réelles et dramatiques. Mais Dieu peut faire en sorte que là où la destruction, la mort semblaient devoir l’emporter, la vie puisse jaillir.

Cependant, comme je le disais, ça ne se fait pas automatiquement. Pour que la dramatique histoire de Joseph puisse ouvrir un avenir à son peuple, il a fallu que Joseph accepte de pardonner le mal qui lui a été fait. Pour que le meurtre de Jésus devienne source de Salut, il a fallu que Jésus consente à donner sa vie en pardonnant à tous ceux qui l’avaient mis à mort et à tous leurs complices. Il a fallu qu’il offre la puissance de cet amour rédempteur pour tous les pécheurs de tous les temps, pour tous ceux qui ne le méritaient pas, c’est-à-dire pour vous et pour moi ! Oui, Dieu a cette capacité d’écrire droit avec des lignes courbes, mais il ne peut écrire de cette manière qu’avec l’encre de nos vies, c’est-à-dire que si nous sommes prêts à nous donner dans un amour sans limite. Là où des hommes se donnent, là où des hommes pardonnent, toutes les lignes courbes peuvent être redressées. Là où des hommes se donnent, là où des hommes pardonnent, de tout mal, Dieu peut tirer un bien. 

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons d’être de ces femmes, de ces hommes qui se donnent et qui pardonnent pour que, sur les lignes courbes de nos vies de pécheur, Dieu puisse écrire droit l’histoire de son amour salvateur.

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