Les rabbins aimaient faire ce qu’ils appelaient des colliers avec des Paroles des Ecritures. Ils réunissaient des Paroles qui n’avaient pas forcément un grand lien les unes avec les autres, au niveau du sens, mais qui avaient un mot en commun, une image commune. Et, ces paroles mises bout à bout, formaient un collier parce que, chaque Parole, était comme une perle précieuse, un diamant. Le livre de Ben Sirac, le sage que nous lisons en ce moment nous permet de faire l’un de ces colliers de perles de la Parole.
Quelques mots sur ce livre pour commencer. D’abord le nom, Ben Sirac le Sage, signifie, le fils de Sirac le sage, Ben, en hébreu, c’est le fils. Ce Sirac était donc un sage et il a fait un beau cadeau à son fils, il lui a transmis sa sagesse et son fils a trouvé que la sagesse reçue de son père était tellement importante qu’il la mise par écrit, nous offrant la possibilité de faire un collier avec toutes ces perles de sagesse. Autre précision que je peux apporter, c’est que ce livre porte plusieurs noms selon les Bibles utilisées : il peut s’appeler le Siracide ou l’Ecclésiastique qu’il ne faudra pas confondre avec le livre de l’Ecclésiaste appelé aussi le livre de Qohéleth.
La perle que je retiens pour moi, mais vous avez le droit d’en retenir d’autres, c’est cette invitation à CONSENTIR qui était exprimée dans le début de la lecture que je relis parce que ces paroles sont tellement importantes. Mon fils, si tu viens te mettre au service du Seigneur, prépare-toi à subir l’épreuve ; fais-toi un cœur droit, et tiens bon ; ne t’agite pas à l’heure de l’adversité. Attache-toi au Seigneur, ne l’abandonne pas, afin d’être comblé dans tes derniers jours. Toutes les adversités, accepte-les ; dans les revers de ta pauvre vie, sois patient ; car l’or est vérifié par le feu, et les hommes agréables à Dieu, par le creuset de l’humiliation. Dans les maladies comme dans le dénuement, aie foi en lui. Mets ta confiance en lui, et il te viendra en aide ; rends tes chemins droits, et mets en lui ton espérance.
Comprenons bien ces paroles, ça ne veut évidemment pas dire que si nous nous mettons au service du Seigneur, il va nous envoyer des épreuves. Mais, nous le savons par expérience, nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours ce qui signifie que ce n’est pas parce que nous choisirons de vivre dans l’amour pour mieux servir notre Dieu qui est amour que tout le monde fera le même choix que nous. Il y aura donc de l’adversité à affronter. La mission ne se passera pas comme nous l’avons rêvée, tout ne sera pas toujours tout rose. Le philosophe contemporain Martin Steffens a écrit un beau livre sur le sujet qui s’intitule de manière suggestive « la vie en bleu » parce qu’on se fait beaucoup de bleus en se cognant à la réalité !
C’est là que le verbe CONSENTIR devient si important, car, ce verbe, pour moi, c’est celui qui résume le mieux ce que doit être une vie spirituelle ajustée. Consentir, c’est accepter de renoncer à se battre contre ce qu’on ne peut pas changer et qui peut nous impacter profondément. Par exemple, j’aimerais ne pas avoir eu une maladie terrible oui, mais je l’ai eue et ça ne sert à rien de rêver à ce que j’aurais pu faire si je ne l’avais pas eue puisque je l’aie. Mieux vaut chercher comment vivre, vivre tout ce que je peux vivre avec cette maladie.
CONSENTIR, ça sera continuer à aimer le Seigneur même au cœur des épreuves de la vie qui, si je ne me révolte pas bêtement, pourront me faire grandir. Apprendre à CONSENTIR peut transformer notre vie puisqu’il s’agit de demander au Saint-Esprit de devenir capables de donner une réponse d’amour au Seigneur dans tout ce que nous vivons en croyant que jamais il ne nous abandonnera et que jamais il ne voudra autre chose pour nous que notre Bonheur. Donc même si les choses ne se passent pas comme nous l’avions prévu, même si nous vivons plus « la vie en bleu » que « la vie en rose », consentir, ça sera, continuer à croire en l’amour du Seigneur qui ne veut jamais nous faire souffrir et qui nous accompagne donc dans nos souffrances pour toujours ouvrir de nouveaux chemins de vie, des chemins souvent très inattendus, ne nous conduisant pas là où nous rêvions d’aller, mais nous conduisant vraiment au bonheur. J’arrête à pour la 1° lecture.
Dans l’Evangile, nous sommes témoins d’une dispute entre les apôtres. Dans toutes les communautés, il peut y avoir des disputes, même dans la communauté des apôtres de Jésus ! Ce qui chagrine Jésus, ce n’est pas tant qu’il y ait une dispute entre les apôtres, c’est la raison de cette dispute. St Luc, lui, situera cette dispute en plein cœur de l’institution du repas eucharistique, ce qui la rend encore plus terrible.
Jésus va beaucoup en souffrir et il nous faut essayer d’imaginer ce qu’il a pu ressentir. Lui le Fils du Dieu tout-puissant, il s’est abaissé en se faisant homme comme le dit l’hymne aux philippiens et les apôtres étaient bien placés pour savoir qu’il n’a pas triché en se faisant homme, il a vraiment tout partagé de la vie des hommes. Il aurait eu quelques bonnes raisons de réclamer des privilèges en faisant valoir tous ses titres, mais, comme le dit l’hymne aux Philippiens, mais il s’est abaissé, prenant la condition des hommes, comme un simple homme disent certaines traductions. Et lui, Jésus, il trouvait sa joie dans cette mission qu’il avait acceptée, dans ce service si humble.
Alors vous imaginez combien il devait souffrir quand il entendait ses apôtres se chamailler pour savoir qui était le plus grand ! Parce que, quand même, le plus grand, c’était lui, il n’y avait pas photo ! D’autant plus que, dans ce groupe, il n’y avait pas de très grandes lumières intellectuelles ! Malgré l’exemple de Jésus, malgré la conscience qu’ils auraient dû avoir de leurs limites, ils se chamaillaient pour savoir qui était le plus grand. Ça a dû être l’une des plus grandes souffrances que les apôtres ont infligé à Jésus. Aujourd’hui, ne soyons pas de ceux qui font souffrir Jésus en nous chamaillant pour savoir qui est le plus grand, ou en nous imaginant simplement le meilleur. Par l’intercession de Notre Dame de Laghet que la grâce nous soit donnée de nous rappeler jusqu’à notre dernier souffle que le plus grand, c’est Jésus !