mercredi 30 juin : 13° semaine ordinaire Mettre la main sur le don de Dieu, une véritable cata !

Qu’il est difficile de recevoir sans mettre la main sur ce que nous recevons, et c’est particulièrement vrai pour ce que nous recevons de Dieu. Nous sommes toujours tentés de mettre la main sur ce que Dieu nous donne, d’oublier que le don ne dure et même ne grandit que lorsque nous acceptons de le considérer comme un don sans nous estimer propriétaires de ce que nous recevons. Je pense d’ailleurs que c’est pour cela que l’image du feu est si souvent utilisée pour parler de l’Esprit-Saint qui est le don suprême de Dieu comme le dit la prière du Veni Creator. Eh bien, le feu, vous ne pouvez pas mettre la main dessus, si vous essayez de le faire, vous allez vite vous brûler et ça vous fera passer l’envie de recommencer ! Jamais nous ne devons mettre la main sur les dons de Dieu, accueillons-les avec gratitude, goûtons-les à leur juste saveur et faisons-les fructifier sans jamais nous en considérer comme les propriétaires. Il me semble que c’est l’une des leçons que l’on peut tirer de la 1° lecture.

Isaac est précisément l’enfant qui a été donné par Dieu à Abraham et Sarah, mais comme il leur sera difficile à l’un comme à l’autre de ne pas mettre la main sur cet enfant comme s’il était leur propriété. Aujourd’hui, nous sommes témoins du combat intérieur de Sarah. Demain, nous serons témoins du combat intérieur d’Abraham qui sera invité à offrir son enfant non pas comme, il le pensait au début, en le sacrifiant comme un sacrifie un animal pour obtenir des grâces de Dieu, mais il sera invité à s’en détacher, à couper le lien qu’il avait créé et qui aurait pu empêcher Isaac de vivre. Mais, ça c’est pour demain ! Aujourd’hui, c’est Sarah qui se débat pour parvenir, elle aussi, à couper le lien qui aurait pu étouffer Isaac. Ce lien trop fort risquait de ne plus lui permettre d’accueillir cet enfant comme un don de Dieu, de ne plus pouvoir laisser grandir Isaac, non pas en fonction son projet à elle, mais pour qu’il puisse répondre à ce que Dieu attendait de lui.

Je ne dis pas que cette lecture un peu psychologique du texte épuise toutes les interprétations possibles, mais elle a son intérêt parce qu’elle nous questionne profondément, comme nous le verrons. En effet, il est bien question de lien à couper puisque ce qui va être à l’origine de tous les problèmes qui vont suivre, le texte nous dit que c’est la fête donnée par Abraham pour le sevrage d’Isaac. C’était une tradition dans cette région du monde à cette époque de faire une fête pour le sevrage de l’enfant, ce moment si particulier où l’enfant est invité à grandir en se détachant du lien si fort qui l’unissait à sa mère dans l’allaitement. Pour manifester que l’enfant n’est plus un bébé, qu’il grandit, une fête est organisée, mais on peut imaginer que, pour la mère, ou du moins pour certaines mères, cette fête avait un goût amer puisqu’elle réalisait que cette grande intimité qu’elle vivait avec son enfant dans les moments d’allaitement allaient être terminée. Peu à peu, surtout s’il s’agissait d’un fils, il lui faudrait passer la main au père pour qu’il aide son enfant à grandir, notamment en commençant à travailler, petitement au départ, et de plus en plus fortement au fur et à mesure des années.

Et, c’est donc à l’occasion de cette fête, que Sarah qui a sûrement du mal à entrer dans la joie, va avoir son regard attiré par Ismaël qui, comme tous les enfants, jouait … peut-être jouait-il d’ailleurs avec Isaac puisque cette fête était sa fête, et on peut facilement imaginer qu’ils riaient ensemble comme deux frères heureux de partager des moments de complicité. Mais c’est là que tout vient se bousculer dans la tête de Sarah, en regardant Ismaël qui joue avec Isaac, elle ne voit pas un frère qui joue avec son frère, avec son fils, cadeau de Dieu, mais elle voit, nous dit le texte « ce fils qu’Abraham avait eu avec Agar, l’égyptienne. » En cet instant, tout remonte à sa mémoire : puisqu’elle ne voit plus le don de Dieu, elle repense aux si nombreuses années de stérilité qu’elle a vécues comme autant d’années d’humiliation dont elle avait imputé la responsabilité à Dieu. Elle repense à la proposition qu’elle avait faite à Abraham, la mort dans l’âme, de s’unir à sa servante pour adopter par la suite cet enfant. Elle repense au bonheur d’Abraham à la naissance de son fils et l’attention démesurée qu’il portait à la mère de son enfant. Tout remonte et provoque une bouffée d’amertume et de jalousie. Son regard s’est détourné du don de Dieu, elle ne voit plus qu’Ismaël et en lui, elle ne voit qu’un concurrent dangereux pour celui qu’elle considère désormais comme son enfant à elle, sa propriété. 

Voilà ce qui se passe quand on oublie que tout est don de Dieu : quand nous mettons la main sur les dons de Dieu, nous finissons par tout regarder, les personnes et les événements avec un regard tordu. C’est bien ce qui va se passer pour Sarah en ce jour de la fête du sevrage d’Isaac. Reconnaissant que cet enfant était un don de Dieu, elle n’aurait pas dû mettre la main sur lui et accepter ce détachement afin qu’il puisse vivre sa vie sous son regard bienveillant de mère avec l’aide de son père Abraham et de Dieu, source de tout don. Mais parce qu’elle a mis la main sur ce don, son regard et son comportement deviennent tordus. C’est ce qui conduit Sarah à faire cette demande tordue qu’elle adresse à Abraham comme un ordre, oubliant au passage qu’Ismaël est aussi le fils d’Abraham et le demi-frère d’Isaac : « Chasse cette servante et son fils ; car le fils de cette servante ne doit pas partager l’héritage de mon fils Isaac. » En ordonnant de mettre fin au jeu d’Ismaël avec Isaac, symboliquement, c’est à la fraternité qu’elle met un coup d’arrêt. Cette décision sera lourde de conséquence puisque plus jamais ceux qui se considéreront comme les descendants d’Isaac, le béni et ceux qui seront les descendants d’Ismaël, le banni, ne pourront vivre durablement dans la paix.

Vous le voyez, quand nous mettons la main sur les dons de Dieu, les conséquences ne sont pas néfastes que pour notre vie spirituelle, c’est toute notre vie qui va s’en trouver affectée et, par ricochet, la vie des autres. On le voit bien avec cette demande de Sarah qui, symboliquement, va mettre à mal l’histoire de la fraternité. Tout ce que je viens de dire peut nous conduire à nous examiner sur notre manière de réagir face aux dons de Dieu, examen qui peut devenir particulièrement fécond au cœur d’une retraite. Il me semble qu’il peut y avoir 3 grandes dérives qui sont autant de mauvaises manières de nous comporter face à Dieu. Selon nos histoires et selon les périodes de notre vie, nous pourrons nous reconnaître dans ces 3 comportements.

  • 1°, il y a ceux qui ont l’impression de ne jamais rien recevoir de Dieu. Dieu est la source de tout don, ils aimeraient y croire mais, si c’est vrai, c’est vrai pour les autres ! On le voit bien à la chapelle, ceux qui sont comblés ferment les yeux et leur visage rayonne quand les autres trouvent qu’un quart d’heure d’adoration dure le temps d’une demi-éternité ! Du coup, ils se mettent à jalouser les dons des autres, à porter un regard suspicieux sur Dieu qui n’est plus ce Père plein d’un amour généreux mais un père qui fait a ses chouchous !
  • 2°, il y a ceux qui sont des gaspilleurs de grâce, ils reçoivent, mais ils gâchent tellement vite ce qu’ils reçoivent. Ils oublient que tout leur vient de Dieu. Quand on a reçu un cadeau précieux de la main d’une personne qui nous aime beaucoup, on en prend grand soin. Eux, ils ont oublié que le donateur, c’est Dieu, du coup, ils ne prennent aucun soin de ce que Dieu leur a donné et ne cesse de leur donner, ils n’entretiennent pas tous ces dons reçus, les laissent s’étouffer au milieu des ronces de leurs péchés.
  • 3°, il y a ceux qui, à l’image de Sarah, mettent la main sur les dons de Dieu. Ils ne savent plus vivre dans la gratitude, ils sont habitués au fait que Dieu donne, ils trouvent que c’est normal, alors, tout ce qui a été reçu devient leur bien propre dont ils peuvent disposer à leur guise.

Finalement, une retraite, elle sert aussi à nous remettre sur la bonne trajectoire, à entendre ce que Jésus disait à la Samaritaine : si tu savais le don de Dieu ! Que cette retraite que vous vivez et dans laquelle nous vous accompagnons de notre prière vous aide et nous aide avec vous à reprendre conscience de tout ce que nous avons reçu et ne cessons de recevoir et de vivre dans la gratitude.

Mais pour vivre dans la gratitude et ainsi faire fructifier tous les dons reçus, il nous faudra entrer dans le combat spirituel et ne pas laisser vaincre par le Malin qui, depuis le jardin de la Genèse ne cesse de vouloir semer le doute sur la bonté de Dieu en laissant croire qu’il ne donne pas tant que ça ou que ses cadeaux sont empoisonnés. Ce combat nous était bien décrit dans l’Evangile. Ces deux hommes, possédés par le Malin ne vivaient plus, Matthieu nous dit qu’ils habitaient au milieu des tombes, autant dire qu’ils étaient comme morts et d’une agressivité telle qu’aucune relation n’était possible. Ils sont complètement enfermés dans une vie qui n’a plus aucun sens.

Entendant Jésus qui arrive, ils vont à sa rencontre, signe que quelque part dans leur conscience, il y a encore cette conviction que lui et lui seul peut leur rendre la vie. Mais arrivés devant Jésus, au lieu de se mettre humblement à genoux, au lieu de reconnaître leur pauvreté et leur soif de Salut, ils se mettent à l’accuser, à l’accabler. Et, comble de tout, par la demande étonnante qu’ils adressent à Jésus, ils signifient que la vie de cochons qu’ils mènent leur convient très bien ! Quel combat à l’intérieur de ces deux hommes : ils viennent à Jésus, mais après, ils sont incapables d’aller jusqu’au bout de la démarche. Comme nous pouvons nous reconnaître dans ce combat même s’il n’a pas forcément la même virulence en nous. Puisque nous sommes là pour cette retraite, pour cette messe, c’est le signe que nous sommes venus à Jésus, allons jusqu’au bout de la démarche, laissons-nous envahir et transformer par sa présence. Si tu savais le don de Dieu !

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