Dimanche 4 juillet : 14° dimanche ordinaire Gonflés ou dégonflés ? Voilà l’enjeu !

Je pense que vous avez déjà vu ces structures gonflables qui font la joie des enfants. J’ai vu souvent des châteaux qui permettent aux enfants de passer d’une pièce à l’autre en sautant comme sur un trampoline, des toboggans, parfois alimentés avec de l’eau pour mieux glisser. Ces structures sont très pratiques parce qu’elles se transportent facilement. Vous en conviendrez, transporter un château, c’est plus que compliqué, un toboggan aussi si on veut qu’il ait une belle pente, il sera forcément difficile de le faire tenir dans un camion. Alors que là, une camionnette suffit largement pour transporter un château et un toboggan et même éventuellement une ou deux autres structures ! Magnifique ! Mais est-ce que vous avez déjà vu ces structures quand elles sont étalées en attendant d’être gonflées ? Là, c’est nettement moins beau, nettement moins attirant, c’est plein de plis, d’enchevêtrements, d’ailleurs, on ne peut pas du tout imaginer ce que ça donnera quand elles seront gonflées. Eh bien, voyez-vous, il y a la même différence entre une structure dégonflée et une structure gonflée qu’avec les chrétiens selon qu’ils vivent avec ou sans le Saint-Esprit ! Sans le Saint-Esprit, le chrétien est un dégonflé, par contre, avec le Saint-Esprit, le chrétien est gonflé, gonflé à bloc !

Ce qui m’inspire cette réflexion, c’est le début de la 1° lecture où il est fait explicitement mention du Saint-Esprit et de sa capacité à relever ceux qu’il envahit : « En ces jours-là, l’Esprit vint en moi et me fit tenir debout. » Et la suite du texte nous laisse clairement entendre que la mission qui va être confiée à Ezéchiel ne peut pas être confiée à un dégonflé : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi. Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi. Les fils ont le visage dur, et le cœur obstiné ; c’est à eux que je t’envoie. » On sent bien que ça ne va pas être une mission de tout repos et que, pour l’accomplir, il faudra qu’Ezéchiel soit gonflé à bloc. C’est bien pour cela que le Seigneur commence par le remplir de l’Esprit-Saint : « l’Esprit vint en moi et me fit tenir debout. » Ce que je trouve très beau, c’est que le Seigneur ne dit pas : puisque ce sont des rebelles, c’est inutile d’aller vers eux. Non, et c’est même le contraire. Nous ne sommes que dans le Premier Testament, plus tard, avec Jésus nous apprendrons que Dieu ne veut qu’aucun de ses enfants soit perdu. Il n’est donc pas question d’abandonner les rebelles, par contre pour les rejoindre et leur parler, il faut envoyer des prophètes gonflés à bloc qui ne se décourageront pas : qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, le prophète devra accomplir sa mission. 

En lisant ces versets, j’ai tout de suite pensé aux franciscains du Bronx. Je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion d’en rencontrer quelques-uns ou de voir des vidéos racontant l’apostolat de ces frères hors normes. Ça vaut vraiment le coup de prendre ½ heure pour regarder l’un ou l’autre reportage parce qu’ils décoiffent ces moines tellement ils sont gonflés. Le Bronx, vous le savez, c’est l’un des pires quartiers, un quartier peuplé de rebelles. Le Seigneur a pris en pitié ces rebelles, il a donc voulu leur envoyer des prophètes, mais, évidemment, il ne fallait pas des mauviettes pour oser se frotter aux caïds de la grande délinquance. Quand on voit ces hommes, manifestement, ils n’ont pas le profil habituel du moine, en effet, la plupart sont issus de la délinquance, ils ont des tatouages plein les bras et de très gros bras. Et en plus, jamais ils ne se dégonflent, aucune situation ne leur fait peur, puisque c’est le Saint-Esprit qui les rend gonflés, ils sont gonflés à l’amour, ils partagent donc l’angoisse de Dieu, ils veulent donc qu’aucun de ces rebelles ne soit perdu, donc ils y vont et avec l’artillerie lourde n’hésitant pas à faire des processions du Saint Sacrement en sillonnant les territoires des gangs qui se livrent entre eux une guerre sans merci ! 

C’est étonnant de voir ce dont sont capables des hommes gonflés au Saint-Esprit ! Mais, il ne faut pas exagérer non plus, tous les rebelles n’ont pas le profil des grands délinquants du Bronx ! Du coup, et heureusement, le Seigneur n’est pas obligé d’appeler que des hommes bâtis comme des armoires à glace pour les envoyer comme prophètes pour lui ramener ces rebelles. Il y a des rebelles que j’oserai qualifier de plus faibles. On peut penser par exemple à tous ceux qui sont victimes de graves addictions qui les diminuent considérablement. C’est pour cela que, pour aller auprès d’eux, il a pu appeler une femme comme Sœur Elvira qui ne ressemblait en rien à Swartzenegger ! Elle a fondé la magnifique communauté du Cenacolo qui accueille ces personnes, quasi-perdues, victimes de terribles addictions comme la drogue ou l’alcool.

Elle ose ouvrir ses portes à tous ceux qui se sont fait virer de tous les lieux où on avait essayé de les mettre plus ou moins de force pour les sauver. Je peux vous dire que la petite Sœur Elvira elle n’a pas peur, elle ne se dégonfle jamais, elle ose proposer à tous ces jeunes perdus des exigences maximums et travaille sans filet. Son secret est très simple, elle croit au Saint-Esprit et c’est pour cela qu’elle est gonflée à bloc ! 

Mais tous les rebelles ne sont pas forcément gravement déviants et loin de nous dans ces centres ouverts spécialement ouverts pour eux ou dans des quartiers à la réputation fumeuse, il y en a qui sont très proches de nous, ce sont par exemple certains ados dans des familles ou de grands blessés de la vie qui sont devenus rebelles à cause de tout ce qu’ils ont souffert. Et puis il y a encore tous ceux qui sont être à proprement parlé rebelles sont carrément perdus. Eux non plus, le Seigneur ne veut pas qu’ils se perdent et auprès d’eux il veut envoyer des prophètes, le problème c’est que les rebelles ou ceux qui sont perdus ne nous attirent pas toujours et parfois même, ils nous font peur. Du coup, il y a assez peu de candidats prophètes pour aller auprès d’eux, c’est plus confortable de s’occuper des brebis bien rangées dans l’enclos, celles qui ont une laine lisse et propre parce qu’elles ne courrent pas n’importe où ! Evidemment, pour aller au-devant de ces brebis rebelles ou perdues, si nous n’avons que nos seules forces, nous risquons très vite de nous dégonfler, mais si nous croyons au Saint-Esprit, nous pouvons devenir gonflés à bloc. 

`Mais attention, être prophète, ça ne signifie pas dire nos 4 vérités à ceux qui nous fatiguent par leurs rébellions ou leurs incartades, les prendre entre 4 yeux pour leur dire tout ce qu’on pense en étant sûr que ça va nous faire tellement de bien de leur dire enfin tout ce qu’on pense ! Non, prophète, en grec ça signifie parler au nom de, en faveur de, le prophète, c’est le porte-parole de Dieu. Si nous partageons l’angoisse de Dieu devant ceux qui se perdent et s’enferment dans leur révolte ou dans leurs déroutes, si nous acceptons donc d’être envoyés en mission auprès des rebelles, c’est pour leur dire LA Parole que Dieu veut leur faire entendre. C’est ça un ministère prophétique, c’est dire des paroles de la part de Dieu, des paroles qui sortent du cœur de Dieu pour construire, reconstruire ceux qui sont en train de se perdre. Et c’est pour cela que nous devons être totalement habités par le Saint-Esprit parce que c’est lui qui, comme le dit le Veni Creator, met la Parole sur nos lèvres, la Parole juste, celle qui fait grandir parce qu’elle sort du cœur de Dieu. Je me rappelle cette prière que faisait le pape Paul VI demandant au Saint-Esprit de mettre le feu dans le cœur des chrétiens, la Parole sur leurs lèvres et la prophétie dans leurs regards car on peut parler sans paroles et s’il y a des regards qui tuent, il en est aussi qui relèvent ! Du coup, nous comprenons pourquoi Paul dit qu’après le ministère apostolique, c’est le ministère prophétique qui est le plus essentiel pour la croissance de l’Eglise. Et c’est bien parce que ce ministère est si essentiel qu’à notre Baptême nous avons reçu cette onction qui nous configure pour toujours au Christ, prêtre, prophète et roi. C’est pour ne pas laisser dormir les dons que nous avons reçus, que chaque matin, nous renouvelons notre consécration afin de mieux déployer cette grâce reçue à notre Baptême.

Cette Parole que nous aurons à dire, ce n’est pas parce qu’elle vient de Dieu, qu’elle sera pour autant une parole mièvre, molle. Non, l’amour peut bousculer, mais si c’est vraiment l’amour qui bouscule, alors la bousculade est donnée pour retrouver un équilibre perdu. C’est ainsi que le Saint-Esprit pourra mettre sur nos lèvres des Paroles qui consolent quand il le faudra, et des Paroles qui secouent quand il le faudra aussi. Et, puisque Lui, le Saint-Esprit, ces Paroles, il les puise toujours dans le cœur de Dieu, nous pouvons être sûr que ces Paroles, elles ne remonteront pas au ciel sans avoir accompli une œuvre de restauration profonde et durable dans le cœur, l’âme, l’esprit, le corps des personnes rebelles ou perdues. Le problème, c’est que des Paroles qui pourraient toucher, guérir ou relever le cœur des brebis rebelles ou perdues, le Seigneur, il en a plein en réserve mais ce qui lui manque, ce sont des prophètes pour les répercuter. Auprès d’Isaïe, il lançait un cri d’angoisse : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ou notre Prophète ? » Ce même cri d’angoisse, il le lance encore aujourd’hui. Puissions-nous, comme Isaïe, répondre : « Me voici : envoie-moi ! » 

Après avoir répondu généreusement, n’ayons pas peur de vite aller trouver le Saint-Esprit en lui disant : moi qui, d’ordinaire, suis souvent un dégonflé, je viens de m’engager pour un truc fou, et pour faire dans le vent, on peut carrément dire pour un truc de ouf, alors occupe-toi de moi, fais en sorte que je sois gonflé à bloc !

C’est l’expérience qu’a fait Paul et qui nous était si merveilleusement racontée dans la 2° lecture. Oui, si tu réponds à l’appel du Seigneur, tu verras très vite tes limites, tes pauvretés, tes fragilités et même ton péché. Mais ne t’inquiète pas le Seigneur sait accomplir des merveilles avec des personnes limitées, cabossées, pas ajustées, sa grâce fera ce que tu ne peux ou ne sait pas faire. Et ça sera peut-être encore mieux comme ça, ainsi tu n’auras jamais la tentation de t’attribuer les succès de ta prédication prophétique. Rappelez-vous, c’est ce qu’avait dit Benoit XVI le jour de son élection : « Après le grand pape Jean Paul II, Messieurs les cardinaux m’ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur. Le fait que le Seigneur sache travailler et agir également avec des instruments insuffisants me console. »

Pour ne rien cacher, il faut quand même rajouter que, c’est vrai, même en répondant généreusement, même en comptant sur la puissance du Saint-Esprit, il pourra nous arriver, comme le disent les jeunes, de prendre des râteaux, c’est-à-dire de connaître des échecs. L’Evangile nous a montré le râteau le plus douloureux que Jésus s’est pris dans sa propre patrie. Lui, Jésus a pris un râteau et pourtant s’il y en a un qui était gonflé à bloc, c’était bien lui, il était quand même le Fils de Dieu ! Mais, voilà, devant le manque d’ouverture des cœurs, Dieu lui-même, alors qu’il est Tout-Puissant, se retrouve totalement impuissant parce que sa toute-puissance n’est qu’une puissance d’amour qui respectera toujours la liberté et attendra le temps qu’il faudra, guettant la moindre ouverture pour intervenir … s’il y a un prophète disponible à ce moment-là !

Pour une part, c’est rassurant de constater cet échec de Jésus. Mais entendons jusqu’au bout ce qui nous est dit : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Il y a une zone d’échec presque assurée dans le ministère prophétique, c’est la zone où nous avons trop de proximité avec les personnes, mais toutes les autres zones nous attendent ! Et c’est bien ce que fera Jésus, parce qu’il était gonflé à bloc, après ce râteau, il n’a pas abandonné. Les brebis rebelles et perdues de Nazareth ne veulent pas ouvrir leur cœur ? Des brebis rebelles ou perdues, il y en a suffisamment ailleurs, il est donc parti à leur rencontre. Et, secrètement, il espérait qu’apprenant ce qui se passait ailleurs, ceux de sa patrie finiraient par ouvrir leur cœur. Et, finalement, on peut dire que ça n’a pas mal marché, oh pas tout de suite, mais savez-vous que, aujourd’hui, la grande ville arabe de Nazareth est dirigée par un maire chrétien alors que les musulmans sont majoritaires ? Les râteaux ne sont jamais définitifs pour ceux qui sont gonflés à bloc. 

Cet article a 2 commentaires

  1. wilhelm richard

    Votre homélie roule et tient la route : vous êtes en pleine actualité avec le Tour de France !
    Ainsi, le pois des difficultés, nous n’en faisons pas une montagne car la pression de l’Esprit-Saint nous permettra toujours de nous élever en nous interpelant : « déchaîne ton cœur !!! »
    Pour être premier à l’arrivée, en vert et contre tous, il faut savoir sprinter.
    Pour franchir le chemin de la vérité, surtout ne pas suivre la lanterne rouge qui ne cesse de s’attarder mais être plutôt derrière le maillot jaune qui lui sera toujours en tête car il sait nous éclairer.
    Rien ne remplace donc la pression de l’Esprit-Saint. Et vous, pèRe RogeR hébeRt, toujours à son écoute, vous ne manquez pas d’aiR : qui pneu le plus sera gonflé à bloc et ne restera jamais à plat en étant le plus combatif.
    Au plaisir de vous relire lors d’une prochaine étape, histoire de nous épater encore une fois. Mais pour ne pas rester bidon et éviter toute fringale, n’oubliez pas de vous alimenter.

    1. Père Roger Hébert

      Ah les commentaires de Richard commençaient à me manquer ! Merci Richard toujours le même esprit et le même Esprit !

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