La prière des frères
Introduction : D’où nous vient cette démarche ?
C’est le Renouveau qui a re-popularisé cette prière mais elle ne lui appartient pas ! cf. cellules d’évangélisation, alpha qui la proposent … et certaines paroisses le font avec beaucoup de succès avant la messe … Cette prière se fonde sur un certain nombre de paroles de l’Ecriture. Je voudrais en citer deux :
- Cette parole du Premier Testament : « Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. » Is 50, 4
- Cette Parole de l’Evangile quand Jésus dit : « Amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 1819-20) Cette Parole se trouve dans le chapitre sur la vie communautaire, ce qui indique déjà que la prière des frères est un élément essentiel de la vie communautaire.
1/ Les bienfaits de la démarche
1.1 C’est un moment béni qui permet une grande avancée dans la foi :
- De la part de ceux qui prient : plongée dans la confiance, on ne peut rien préparer et croire que le Seigneur fera du neuf à chaque fois … si on répète la même chose à chaque fois, c’est le signe qu’on n’est pas à l’écoute du St Esprit mais qu’on parle « à partir de nous. » Il peut y avoir certaines formules qui reviennent mais chaque personne qui demande la prière étant unique, le Seigneur fera du sur-mesure pour chacun … les membres d’un binôme sont au service de cette bienveillance du Seigneur qui veut agir en donnant à chacun ce qu’il a besoin d’entendre. Puisque c’est un moment de foi, je peux accepter d’être dans un binôme même quand je suis dans ce que St Ignace appelle un état de désolation spirituelle. C’est même souvent dans ces moments-là que ma prière sera très bonne … puisque je ne peux pas puiser en moi, je suis obligé de puiser en Dieu !
- De la part de celui qui reçoit la prière qui doit oser se livrer à des frères (qui sont des pauvres comme lui !) et qui va constater de manière émerveillée en entendant la prière des membres du binôme que le Seigneur le connait « par le cœur » pour lui dire ceci et cela !
1.2 C’est un moment béni qui permet une grande avancée dans la fraternité :
- De la part de ceux qui prient : Notre mission principale de membres de Foyer, c’est de prendre soin des retraitants et nous le faisons chacun en accomplissant le service qui nous est confié, mais la plus haute expression de ce « prendre soin » c’est vraiment la prière des frères. Parmi les retraitants que l’on voit, il y en a certains qui attirent tout de suite notre sympathie, d’autres pas … même si ce sont des jugements à priori. Il est sûr qu’une personne pour qui on a prié va vite changer de statut pour les personnes qui auront prié pour elle.
- De la part de la personne qui reçoit la prière. Elle peut avoir de gros problèmes, souffrir d’un manque de reconnaissance, avoir l’impression que le Seigneur la délaisse … elle va expérimenter pendant quelques minutes qu’elle devient le centre du monde ! Ces inconnus qui prient pour elle la considèrent comme la personne la plus importante du moment, ils n’ont qu’elle dans le cœur et mettent toute leur foi pour demander au Seigneur de la visiter. Quelle belle expérience !
Cela suppose que lorsque la démarche est expliquée aux retraitants, on insiste sur le fait que les personnes demandent pour elles … on n’envoie pas quelqu’un d’autre se faire masser quand on est coincé !
Bien sûr, des parents peuvent être en souci pour leurs enfants et ils peuvent en parler, mais ils devront surtout parler de leurs souffrances, de leurs inquiétudes face à cette situation. C’est beau de s’oublier, mais s’ils sont venus en retraite, c’est parce que le Seigneur voulait s’occuper d’eux … avec leurs soucis mais aussi et d’abord d’eux !
C’est une belle expérience de foi et de fraternité qui transforme vraiment les personnes, c’est pourquoi il serait si important que tout le monde soit volontaire, au moins une ou deux fois par an pour la vivre en tant que priant dans un binôme et en tant que personne accueillie de temps en temps, dans des occasions qu’il faut créer.
2/ Aspects pratiques
2.1 Les lieux et les moyens
Chez nous, le sanctuaire est un bon lieu parce qu’il permet aux binômes d’être visibles (important pour qu’on ne perde pas trop de temps en laissant un binôme libre !) et il permet aussi une certaine confidentialité : on ne s’entend pas d’un binôme à l’autre.
Une musique douce, type chants de Taizé est très bonne, couvre les voix de ceux qui prient. Attention : la source de diffusion de la musique ne doit pas être trop près d’un binôme qui serait gêné. Les chants de Taizé sont intéressants par leur douceur et l’intériorisation qu’ils permettent d’un refrain répété souvent.
Le système de La Flatière avec une icône peut être intéressant car il permet de ne pas se parler directement dans le binôme mais de parler au Seigneur. L’icône de l’amitié de Taizé est, de ce point de vue, très belle, elle représente Jésus qui pose sa main sur « un ami » et sera un beau symbole de la suite de la démarche. Elle présente aussi l’avantage d’une démarche qui nous tourne vers Jésus Sauveur. Personnellement, je pense que ce temps n’est pas un temps de prière mariale, c’est à Jésus Sauveur qu’on s’adresse. Les membres du binôme pourront terminer leur prière en confiant la personne à Marie qui a le grand désir de l’accompagner et de permettre que la prière porte beaucoup de fruits.
2.2 Comment ça va se passer pour ceux qui demandent la prière ?
La personne qui anime explique le fonctionnement au début, il est bon de mettre en confiance les personnes qui ne connaissent pas cette démarche ! On peut citer les deux paroles bibliques du début et ensuite donner ces quelques points de repère :
- Ne pas choisir le binôme, quand on est prêt, on va vers le 1° binôme qui est libre, ce sont les frères que le Seigneur nous donne … il passera par eux !
- Ce sont des frères qui reçoivent un frère, des pauvres qui reçoivent un pauvre mais surtout des croyants qui se tournent vers le Seigneur parce qu’ils sont sûrs qu’il veut le meilleur pour eux.
- En arrivant devant le binôme, on se présente rapidement en disant son prénom et ensuite, avant de présenter sa demande, on dpartage ce qu’on veut de sa situation familiale, professionnelle, ecclésiale, de son histoire … sachant que cette présentation doit se faire en 2 ou 3 minutes maxi … ça peut être moins. Mais, pour prier, les personnes du binôme ont quand même besoin de quelques éléments ! On ne prie pas sur un veuf comme sur un époux !
- Lorsque la présentation sera faite, les membres du binôme qui tenaient jusqu’à maintenant l’icône la remettent entre les mains de la personne qui demande la prière pour que cette personne exprime bien sa demande au Seigneur. Les membres du binôme expliquent qu’ils vont poser leur main sur l’épaule de la personne qui demande la prière … à travers elle, c’est le Christ qui pose sa main sur elle comme on le voit sur l’icône.
Ce qui veut dire qu’on ne pose pas sa main sur l’épaule de la personne qui demande la prière dès qu’elle arrive, cette main posée est comme une imposition des mains, elle accompagne donc la prière. Mais si on a les icônes, ça devient assez naturel !
- Ensuite, on explique que ceux qui ont demandé la prière, vont se laisser porter par la prière qui leur est offerte, on pourrait même leur dire, vous laisserez bercer par cette prière !
2.3 Comment ça va se dérouler le temps de prière
Il est vraiment important que tous les membres des binômes se retrouvent dans la sacristie, avant, pour prier ensemble et, au terme de cette prière, le prédicateur leur donne une prière de bénédiction pour ce « ministère » qu’ils vont exercer, il demande aussi au Saint Esprit de leur donner tous les charismes dont ils auront besoin … et les confie à la Vierge Marie.
Il est bon de commencer ce temps de prière des frères par un petit temps de louange … il y aura suffisamment d’intercession dans les binômes !
On peut ensuite prendre une lecture de la Parole de Dieu. Choisir un texte court qui peut être l’une des lectures du jour ou de la veille, un texte pris dans un enseignement …
Ensuite l’animateur donnera les explications le plus clairement possible ! Il faut penser à celles et ceux qui ne sont pas habitués à cette démarche. Pour ces explications, on peut s’aider des repères que j’ai donnés précédemment.
Enfin, le prédicateur (ou un autre Père) appelle les personnes qui vont prier, elles se mettent en binôme devant l’autel et chaque binôme reçoit l’icône. Le prédicateur peut alors dire une prière demandant au St Esprit de permettre à ces frères et sœurs, dans leur pauvreté mais aussi dans leur foi, d’être pour ceux qui viendront demander leur prière
- les yeux de Jésus qui pose son regard d’amour
- les oreilles de Jésus qui écoute avec compassion
- les mains de Jésus qui veulent bénir
- le cœur de Jésus qui veut soulager.
Quelques repères pour le déroulement de la prière :
- Les membres du binôme désignent qui commencera la prière avec la première personne et ensuite, on change … c’est bien de changer, sauf s’il y a quelqu’un qui est en « apprentissage » et qui pourrait commencer seulement au bout de la 3° ou 4° personne qui vient. En effet, il est bon de constituer des binômes d’initiation avec une personne qui a l’expérience et une novice à qui on laisse un peu de temps pour prendre de l’assurance !
- Les membres du binôme tiennent l’icône pendant que la personne se présente. Evidemment, il faut être très attentif à ce qui est dit dans ce temps de présentation car, ensuite, il faut s’interdire de poser des questions à la personne … elle vous a dit ce qu’elle voulait vous dire … il se peut qu’au cours de la prière, la personne vous dise qu’elle a oublié quelque chose d’important et l’exprime, alors vous l’accueillez … mais de vous-mêmes, jamais de questions ! Il est parfois nécessaire d’interrompre les bavards, la présentation reste sobre !
- Quand la présentation est finie, les membres du binôme donnent l’icône à la personne pour qu’elle puisse vraiment exprimer sa prière au Seigneur. Dans ce temps si la personne s’exprime en regardant les membres du binôme ou en s’adressant à eux, il est nécessaire de lui dire : parlez à Jésus maintenant. Il faut vraiment aider les personnes ! Si, par exemple, elles disent : je voudrais demander au Seigneur … avec douceur invitez-la à dire : je te demande Seigneur !
- La personne du binôme qui a été désignée commencera par une demande de bénédiction, Avant-même de prendre en compte sa demande, on demande au Seigneur de bénir la personne parce qu’en demandant la bénédiction, on est sûr de ne jamais se tromper !
- Puis, elle fera une invocation « large et générale » à l’Esprit-Saint pour renouveler la confiance du binôme et de la personne qui demande.
- Et c’est seulement après la demande de bénédiction et l’invocation à l’Esprit-Saint qu’on commence à prier de manière plus personnalisée en fonction de la demande entendue.
- Pendant ce temps, l’autre membre du binôme prie pour celle qui parle … la prière en langues peut être très bénéfique dans ce contexte et comme on le fait en silence, on ne risque rien ! Cf. mon expérience comme aumônier de prison : je ne savais pas forcément qui j’allais voir dans cette cellule et encore moins ce qu’il allait me dire, alors prière en langues très pratique, c’est une manière de dire : St Esprit, toi qui sais, mets les bonnes paroles sur nos lèvres pour que le cœur de ce frère ou de cette sœur qui est venue à nous soit touché, consolé, guéri. Mais j’insiste, on ne le fait pas à haute voix ! Quand on a un temps de prière des frères dans un groupe de prière, on peut prier en langue à haute voix, mais pas dans une retraite car ça risque tellement de perturber le retraitant qui ne connait pas qu’il ne pourra plus être réceptif à rien !
- Le contenu de la prière … évidemment, on ne peut pas le prévoir à l’avance puisque le Seigneur fait du sur-mesure ! Et je redis que lorsque ce sont toujours les mêmes choses qui sortent de la bouche d’une personne qui prie, c’est le signe que c’est elle qui parle et pas l’Esprit-Saint à travers elle ! Ne pensons pas que c’est compliqué, c’est juste une question de foi ! Voilà ce qu’on peut quand même dire :
- Si la personne a exprimé des souffrances, il est bon de les reprendre en les présentant au Seigneur lui demandant de venir répandre le baume de son amour sur toutes ces blessures, sur toutes ces souffrances.
- Pensez bien à alterner la prière, quand la personne qui mène fait une pause dans sa prière, c’est le signe qu’elle passe la main. Et pensez bien, quand vous ne priez pas à haute voix à prier intérieurement pour celle qui parle.
- Il est nécessaire de venir avec sa Bible et d’oser demander une Parole de consolation, d’encouragement voire de correction pour la personne qui demande la prière. Evidemment, il faut une petite Bible, au minimum avoir des psautiers disponibles car les psaumes sont souvent une belle source ! Et, à un moment où on ne parle pas, on demande au St Esprit qu’il nous donne cette Parole comme un cadeau à offrir à la personne pour qui on prie. Très vite, vous allez vous rendre compte si la Parole est adaptée ou si elle ne l’est pas. Deux cas de figure donc
- La Parole est adaptée : on la lit sans hésiter … et on met une marque ou on note la référence pour la donner à la personne
- La Parole ne semble pas adaptée, on ne la lit pas tout de suite, mais avant de se séparer de la personne qui a demandé la prière, on lui dit : en ouvrant ma Bible (formule plus prudente que « j’ai reçu cette parole pour vous ») je suis tombé sur cette Parole, personnellement, je ne la trouvais pas très adaptée, c’est pourquoi je ne l’ai pas lue, mais vous, peut-être que cette Parole va vous rejoindre sur un point que vous n’aviez pas partagé et auquel le Seigneur veut répondre … donc je vous donne cette référence et vous invite à relire ce texte en cherchant s’il peut vous rejoindre sur un point ou un autre de votre vie. On peut souvent être étonné de ce que le Seigneur qui connait les personnes est capable de leur dire par sa Parole ! Maintenant, il faut aussi rassurer la personne en lui disant : si ça ne vous parle pas, laissez tomber, le Seigneur vous aura parlé à travers nos paroles !
- De manière générale, il est bon de rester humble et de ne pas trop utiliser des formules du genre : le Seigneur vous dit, il vous demande … doucement ! Il est toujours préférable de dire : j’ai dans le cœur que le Seigneur vous encourage … j’ai dans le cœur … évidemmment je pense que ça vient du Seigneur, mais je ne l’impose pas !
- Quand on se rend compte que la prière n’est plus alimentée dans le cœur du binôme, c’est le signe que c’est fini ! La personne qui a commencé la prière la conclut et c’est là qu’il est bon de confier la personne à la Vierge Marie. On prend fraternellement congé de la personne, en lui donnant une parole d’encouragement et en l’assurant de notre prière. Une belle formule consiste à reprendre l’une des paroles de l’évêque au cours du rite de l’ordination en l’adaptant : que le Seigneur continue en vous ce qu’il a commencé. Belle parole pour suggérer que tout n’est pas fini ! On peut lui demander très rapidement si elle s’est sentie rejointe par cette prière … non pas pour chercher des compliments mais pour vérifier qu’on a bien exercé le charisme.
Conclusion : une conviction, 2 remarques et 3 contre-indications
Une conviction : il n’y a rien de plus beau, de plus grand pour prendre soin d’une personne au nom du Seigneur.
Deux remarques :
- 1. Rappelez-vous que c’est en forgeant qu’on devient forgeron !
- 2. N’ayez pas peur car, généralement, ce ne sont pas les premières fois où on risque le plus de déraper ! Les premières fois, comme on a peur de ne pas être à la hauteur on est cramponné au St Esprit dans la Foi ! C’est la force de l’habitude qui risque de nous rendre moins accrochés au Seigneur.
Les trois contre-indications … parce qu’une question se pose : est-ce que tout le monde peut participer à un binôme de prière ? Oui ! Il n’y a que 2 contre-indications :
- Les personnes qui ont un handicap soit qui sont sourdes … parce qu’il faut pouvoir entendre la demande de la personne pour qui on va prier et entendre l’autre membre du binôme qui prie … ou qui ne peuvent rester debout très longtemps.
- Les personnes qui n’ont pas la foi et qui, donc, ne croient pas en la puissance de la prière ou qui ne croient pas que le Seigneur peut passer par des frères pour prendre soin d’un de ses enfants bien-aimés en difficulté
- Les personnes qui n’ont pas un seul gramme d’empathie dans le cœur ! Mais peut-être aussi celles qui en ont trop !
Je vous rappelle mon introduction et ça sera vraiment ma conclusion ! Ne pas participer régulièrement à ces binômes de prière, c’est vous priver et priver la communauté car tous ceux qui y participent grandissent dans la foi et la fraternité … or de foi et de fraternité, nous en avons bien besoin dans notre communauté !