23 mai : jeudi 7° semaine ordinaire : faire circuler toutes nos richesses … salé au feu, quezaco ?

Quand je vous disais que la lettre de St Jacques est une source inépuisable d’inspiration pour ceux qui en manquent quand ils vont se confesser, je ne me trompais pas ! Dans la lecture d’aujourd’hui, il y a encore de quoi puiser et ça sera la même chose demain ! Il y a un aspect du texte qui a retenu mon attention et qui évitera aux riches d’avoir trop mauvaise conscience et aux pauvres d’avoir trop bonne conscience !

Ce qui a attiré mon attention, c’est le fait que St Jacques parle de richesses qui pourrissent. Ce qu’on enferme dans un placard, par exemple, va pourrir plus vite. Du coup, nous pouvons tous nous interroger sur les richesses que nous avons pour savoir si nous les mettons au placard, destinées donc à pourrir ou si nous les faisons suffisamment circuler, si nous les mettons suffisamment au service des autres. Et, à ce sujet, nous pouvons tous nous interroger car, si nous ne sommes pas riches de biens matériels, nous sommes riches de nos qualités, des dons que nous avons. Est-ce que nous faisons suffisamment circuler ces richesses quelles qu’elles soient. Si nous les enfermons, si nous ne les partageons pas, c’est ainsi que nos richesses vont finir par pourrir, par contre ce qui circule ne pourrit pas. Si nous mettons nos dons, nos qualités, nos capacités personnelles au service de tous, alors ce n’est pas un problème d’être riche de beaucoup de qualités. Par contre, si nous gardons tout, si nous voulons que tout serve juste à notre propre gloire, alors nous gâtons tout ! C’est ce que nous demandait la lecture de St Pierre, ce matin, à l’office.

Je reviens quand même à la question des richesses matérielles qui, c’est vrai, étaient quand même plus particulièrement dans le collimateur de St Jacques. Ce que je viens de dire sur la nécessité de faire circuler nos richesses, c’est une grande intuition des Ecritures par rapport à l’argent. En effet, le problème n’est pas d’être riche, mais de savoir ce que nous faisons de notre richesse. St Paul le dira clairement en affirmant, et je crois l’avoir déjà cité, que la racine de tous les malheurs, c’est l’amour de l’argent. 1 Tm 6,10 Le problème n’est donc pas d’être riche, mais d’aimer la richesse. Car c’est ce qui nous poussera à vouloir toujours plus sans nous préoccuper de ceux qui n’en ont rien ou pas grand-chose. 

Est-ce que nous suivons le conseil de Jésus qui nous invite, dans l’Evangile, à nous faire des amis avec l’argent ? (Lc16,9) Le problème des riches, c’est qu’ils ne sont pas toujours généreux et vous savez que la générosité ne se mesure pas en fonction de ce que l’on donne, mais en évaluant ce qu’on garde : est-ce que j’ai vraiment besoin de tout ce que je garde ? Est-ce qu’il n’y a pas du bien que je pourrais faire avec tout ce que je garde égoïstement sans le faire circuler. 

Et, de ce point de vue, il y avait une remarque dans ce passage qui peut nous interroger : « Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! » Sans doute qu’à cette époque, on pensait que le retour du Christ serait imminent, remarquez, il est de plus en plus imminent puisque chaque jour qui passe nous en rapproche ! Mais, même si nous ne voulons pas entendre cet argument, il nous faut quand même prendre au sérieux ce que dit St Jacques, au moins dans la perspective de notre propre mort. Chaque jour qui passe, nous en rapproche aussi ! 

Je me rappelle une prédication du père Cantalamessa qui m’avait beaucoup touché. Il disait : quand nous avons un problème, essayons de nous projeter sur notre lit de mort pour voir comment, à ce moment-là, nous aimerions que les choses soient. Par exemple, vous êtes dans un conflit très dur avec une personne et vous avez l’impression que faire une démarche pour vous réconcilier serait une capitulation. Projetez-vous sur votre lit de mort : à quelles conditions pensez-vous que vous serez plus paisible pour vivre le grand passage ? Est-ce en ayant la fierté de ne pas avoir capitulé ou est-ce en ayant conscience d’avoir tout fait pour régler ce problème ? C’est vrai que, dans cette perspective, tout se remet à sa juste place ! Il me semble que c’est à cet exercice que nous invite St Jacques. Quand viendra le moment du grand passage, serai-je plus en paix parce que le matelas de billets ou d’actions boursières sur lequel je dors est plus épais ou serai-je plus en paix parce que mon argent aura servi à faire du bien et pas seulement dans le cercle restreint de ma famille qui, bien souvent, ne manque pas de l’essentiel ?

Venons-en à l’Evangile qui, lui aussi, nous invite à un examen de conscience. Avant de l’aborder, je veux préciser que lorsque les Ecritures nous interpellent aussi vivement, ce n’est jamais pour nous culpabiliser. Jésus n’est pas venu pour culpabiliser, mais pour sauver ! Les paroles un peu rudes sont donc là pour nous aider à voir ce qui nous enchaine, pour nous aider, avec sa grâce, à reconquérir notre liberté intérieure que tant d’éléments extérieurs et finalement secondaires essaient de nous faire perdre.

En plus, le début de l’Evangile est très positif avec cette histoire de verre d’eau. Il n’y a pas de bien que nous ayons fait qui sera perdu, même le plus insignifiant, comme un verre d’eau a sa valeur. Ceci dit, dans un pays comme Israël où l’eau est une denrée rare, donner un verre d’eau, c’est déjà s’occuper des besoins fondamentaux d’une personne. Avant de vouloir faire de grandes choses, commençons par l’essentiel !

Ensuite, il y a tout un développement sur le scandale avec des paroles qui nous interrogent, ce sont les fameuses invitations à couper, arracher ce qui pourrait nous conduire à devenir objet de scandale par un comportement inapproprié. C’est évident qu’il y a une exagération dans les paroles de Jésus, mais dans cette exagération, il y a une interrogation : est-ce que vous prenez tous les moyens nécessaires pour ne pas tomber et pour ne pas faire tomber ? A chacun de s’interroger, sachant que l’enjeu, je le redis, c’est que Jésus veut nous aider à reconquérir notre liberté intérieure. Que le St Esprit nous éclaire et nous inspire les décisions que nous devons prendre pour ne pas déraper et pour ne pas faire déraper et qu’il fortifie notre volonté. 

Je dis juste quelques mots sur la fin énigmatique de ce texte d’Evangile, sur cette expression bizarre : Chacun sera salé au feu. J’ai pris le temps d’aller lire quelques commentaires et il y en a un qui m’a éclairé, il expliquait les anciennes techniques des potiers qui savaient que tant que leur poterie n’était pas passée par le feu du four, elles restaient fragiles. Et, pour que les effets du passage au four soient le plus bénéfiques possibles pour leurs poteries, ils jetaient du sel légèrement humide dans le four quand il était très chaud. Un tout petit peu de chimie : avec la chaleur, le sel se vaporisait et les vapeurs de chlorures entraient en réaction chimique avec l’argile. Cette réaction allait alors provoquer comme un glaçage, un vernissage de la surface ce qui rendait les poteries encore plus solides et parfaitement étanches. Les poteries étaient donc salées au feu et elles avaient du sel en elles-mêmes. Si nous considérons, comme le dit Paul, que nous sommes comme des poteries, alors la parole de Jésus nous concerne directement. 

En disant que chacun sera salé au feu, Jésus annonce sans doute que nous connaitrons tous des épreuves, des épreuves qui ne viennent pas de Dieu car Dieu est amour, mais que ces épreuves nous rendront plus forts comme le sel au four rend la poterie plus solide. Et ça nous le constatons tous, après nous avoir profondément ébranlés dans un 1° temps, les épreuves nous fortifient selon la parole bien connue de Nietzsche : « ce que j’ai appris à l’école de guerre de la vie, c’est que ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » Oui, mais encore faut-il que les épreuves, qui, je le redis, ne viennent jamais de Dieu, ne me tuent pas. Or, certaines épreuves génèrent de telles souffrances qu’on pourrait bien ne pas avoir la force de les porter. C’est là que la foi est essentielle, c’est là qu’il est important de pouvoir se redire que Dieu est notre principal allié. Puisque ce n’est pas lui qui envoie les épreuves, il n’est pas notre adversaire, il est notre allié, c’est le Dieu de l’Alliance. Arrêtons donc de nous épuiser à le combattre, prenons-le plutôt à nos côtés.

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