Je ne sais pas si vous connaissez l’histoire d’Ulysse, ce héros de la mythologie grecque ? Ulysse était marié à Pénélope qu’il aimait beaucoup. Et voilà qu’il est appelé pour faire la guerre, la guerre de Troie ; quand on est jeune marié, et que son épouse est très belle et qu’on l’adore, on n’a aucune envie d’aller faire la guerre ! Il met donc au point un stratagème pour échapper à la guerre, qui ca être découvert, il devra donc partir. Je passe sur les détails, la fin de la guerre arrive, Ulysse peut enfin rentrer chez lui. Mais pour rentrer, le voyage est très long, et il devra notamment traverser un passage, réputé très dangereux. Tous les navires qui empruntent ce passage finissent par s’échouer et les marins par mourir. En effet, cette région est peuplée de sirènes, ces merveilleuses créatures mi-femmes mi-poissons, créatures de rêve au corps sculpté.
Or les sirènes, dans ce coin particulier de la mer, quand elles savent qu’un navire arrive, se mettent à chanter une mélodie à laquelle aucun marin ne peut résister. Et c’est ainsi qu’elles prennent à leur piège tous les navires avec leurs marins. Ulysse qui aime très fort sa femme Pénélope appréhende le passage au pays des sirènes. Il a su déjouer tous les pièges de la guerre, il en est sorti indemne, il est sur le point de retrouver sa femme, il ne faudrait pas céder à l’appel des sirènes. Alors, il a mis au point une stratégie imparable. Il réunit tous ses marins et leur explique que, dans un instant, ils devront l’attacher au mat du bateau avec des cordes très solides. Même si les marins ne comprennent pas ce qu’ils auront à faire, Ulysse y tient, comme ça il ne pourra pas rejoindre les sirènes.
Quand il a fini de donner ses consignes, très déterminé, il fait couler de la cire dans les oreilles de chaque marin pour faire un bouchon et vous allez vite comprendre pourquoi. Ensuite, lui, comme convenu, il se fait solidement attacher au mat du bateau. Continuant sa route, le navire arrive dans la région des sirènes. Entendant leur chant, Ulysse se met à hurler qu’il veut qu’on le détache pour rejoindre ses créatures de rêve, il ne peut résister. Mais, comme tous les marins ont un bouchon de cire dans les oreilles, ils n’entendent pas les supplications d’Ulysse et continuent de diriger le bateau pour sortir de ce lieu maudit. C’est ainsi qu’ils pourront traverser cette région et qu’Ulysse pourra retrouver Pénélope sa bien-aimée. Voilà comment Ulysse a pu résister à la tentation.
Cette détermination est un bel enseignement pour nous en ce jour où nous avons lu l’Evangile des tentations : nous ne sortirons vainqueurs de la tentation que si nous avons une détermination aussi forte que celle d’Ulysse ! Seulement, vous en conviendrez, utiliser la méthode d’Ulysse, ce n’est quand même pas simple ! Si à chaque fois que vous connaissez une tentation, vous êtes obligés de vous faire attacher les bras, bander les yeux, et de couler des bouchons de cire dans les oreilles de vos amis, la vie risque d’être compliquée… vous pourriez bien, très rapidement, perdre tous vos amis ! Moi, je pense que la méthode de Jésus est quand même beaucoup plus simple.
Comment Jésus s’y est-il pris pour sortir vainqueur de la Tentation ? Il ne s’est pas fait attacher à un rocher du désert pour être sûr de ne pas s’approcher du Tentateur, il ne s’est pas fait couler de la cire dans les oreilles pour ne pas entendre les suggestions du Tentateur. Ecoutez ce que nous dit le texte : après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert. Vous avez remarqué qu’il y avait deux fois la mention de l’Esprit-Saint, c’est lui qui le rendra vainqueur. Alors, bien sûr, Jésus le Fils de Dieu était habité, de manière permanente, par le Saint-Esprit qui l’unissait au Père. Mais, dans la fragilité de son humanité, il a manifesté qu’il ne pourrait pas devenir vainqueur sans la force de l’Esprit-Saint. C’est lui qui soufflera à Jésus, pour chaque tentation, la Parole qui lui permettra d’infliger une cuisante défaite au Tentateur.
Serions-nous plus forts que Jésus pour penser que nous pourrions sortir vainqueurs de la tentation en utilisant d’autres moyens ? Car des stratégies, pour celles et ceux qui veulent infliger une défaite au Tentateur, il n’y en a finalement que 2, celle d’Ulysse ou celle de Jésus.
Celle d’Ulysse, je l’ai montré, est tellement contraignante qu’on ne peut pas imaginer la mettre en œuvre tous les jours. Alors, comment pourrions-nous adapter, pour nous aujourd’hui, la stratégie de Jésus, stratégie bien plus douce et largement aussi efficace ?
Voici la question que nous devons nous poser : comment est-ce que je commence ma journée ? Est-ce en implorant le plus vite possible le Saint-Esprit pour que, tout au long de notre journée, il m’assiste et vienne au secours de ma grande fragilité ? J’aime cette réflexion d’un humoriste qui disait : moi, je peux résister à tout, sauf à la tentation ! Beaucoup d’entre nous pourraient dire la même chose ! Alors, connaissant notre extrême fragilité, nous avons tous, tout intérêt à nous faire accompagner par Celui qu’on appelle le Père des pauvres, la force des faibles. J’aime cette Parole d’un père jésuite qui dit : le matin, avant de prendre le café, prenez le Saint-Esprit ! Et je rajouterai : ne le lâchez plus de la journée !
Comment prend-on le St-Esprit dès le matin ? Eh bien, au lever du lit, commençons par faire un signe de croix pour nous revêtir de l’amour du Seigneur, ça ne prend pas beaucoup de temps. Ensuite, en quelques secondes, présentons notre journée au St-Esprit en lui disant : je me connais, je connais mes pauvretés, aujourd’hui, j’aurai sûrement mille occasions d’être désagréable, de penser d’abord à moi, de ne pas dire des paroles encourageantes, de poser des regards mal ajustés sur les autres, etc… alors, cher Saint-Esprit, sois avec moi, suis-moi comme mon ombre, et fais monter en moi, quand ça sera nécessaire, la Parole de l’Ecriture qui tournera mon cœur vers le Seigneur, me permettant ainsi de ne pas céder aux suggestions du Tentateur. Ce qui suppose que, très vite, le matin, après avoir pris le Saint-Esprit, en prenant le café, je puisse au moins lire l’Evangile du jour pour que cette Parole habite et travaille mon cœur et, ainsi, soit prête à remonter quand ça sera nécessaire.
Voilà, c’est à vous de choisir : Si vous voulez sortir vainqueur de toutes les tentations, il y a la méthode d’Ulysse ou celle de Jésus. Que Notre Dame de Laghet nous obtienne cette grâce de choisir le Saint-Esprit comme coach tout au long de nos journées particulièrement durant ce temps du carême pour infliger défaite sur défaite au Tentateur et arriver à Pâques avec cette joie d’avoir pu connaître la victoire alors que nous sommes resté des pauvres.
Ne nous laisse pas rentrer en tentation, mais delivre nous du mal.