12 mars : en noir et blanc

La Bible aime les tableaux en noir et blanc, sans trop de nuances, dans lesquels le noir fait tellement mieux ressortir le blanc. Nous en avons une merveilleuse illustration dans les textes d’aujourd’hui. Dans la première lecture, le contraste est tellement frappant qu’on pourrait l’écrire en deux colonnes avec, d’un côté, l’homme maudit et, de l’autre côté, l’homme béni. Mais attention, une lecture un peu trop rapide du texte pourrait nous laisser croire que malédiction et bénédiction vont être données par Dieu en punition d’actes mauvais ou en récompense d’actes vertueux. A aucun moment, le texte ne nous le dit, il veut plutôt insister sur une logique du mouvement de la vie. C’est-à-dire que tous nos actes ont une conséquence : négative ou positive.

  • L’homme qui se détourne du Seigneur devient mauvais et finit par ressembler à un buisson sur une terre désolée. L’image est très parlante, il est tout sec, il égratigne tous ceux qui s’approchent de lui. En faisant de tels choix, le texte est clair : il ne connaitra jamais le bonheur, sa vie sera comme une longue traversée du désert. Et l’évocation de la terre salée veut souligner qu’il n’y aura aucune fécondité dans sa vie, rien ne pousse sur une terre salée. Encore une fois, il n’y a aucune punition de Dieu, là-dedans, c’est la mise en lumière d’une logique qui attachée aux mauvais choix qu’on appelle un cercle vicieux, une spirale infernale qui n’en finit pas de nous précipiter vers le bas.
  • Par contre, l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, sa vie est à l’extrême opposée. Plus d’aridité Il sera comme un arbre, planté près des eaux. Plus de stérilité mais une fécondité extraordinaire. Là encore, Dieu ne semble pas intervenir directement, tous ces bienfaits sont la conséquence de bons choix. Si précédemment on était aspiré dans un cercle vicieux, ici, on s’élève toujours davantage grâce à un cercle vertueux.

Et ce tableau en noir et blanc se conclut par une affirmation, elle aussi très tranchée et semble-t-il assez pessimiste : « Rien n’est plus faux que le cœur de l’homme, il est incurable ! » Pour bien comprendre cette déclaration, il faut la relier à ce qui précède et, quand on le fait, on découvre que Jérémie veut nous mettre en garde. En effet, il nous arrive souvent de faire des choix tordus, mais nous voulons les cacher pour faire croire aux autres que nous sommes bien. C’est ce qu’on appelle la duplicité ou l’hypocrisie. Mais attention, Jérémie nous prévient : si nous pouvons tromper les autres, nous ne parviendrons pas à tromper Dieu parce que lui, dit Jérémie, il connait les cœurs et rendra à chacun selon sa conduite, selon le fruit de ses actes. 

Alors quand on dit les choses comme ça, on peut commencer à flipper comme on dit aujourd’hui. Parce que, qui d’entre nous, peut prétendre mener une vie qui ne soit que vertueuse et même, certains jours qui soit majoritairement vertueuse ? Il peut toujours nous arriver, à certains moments de connaître de redoutables dégringolades dans le péché : un péché en appelant un autre, c’est le tristement fameux cercle vicieux que j’évoquais ! Et si ce que Jérémie disait est vrai, si Dieu rend vraiment à chacun selon sa conduite, alors oui, il y a de quoi flipper !

D’autant plus que l’évangile semble en rajouter une couche et là, ça nous gêne vraiment. Parce qu’on sait que, dans l’Ancien Testament, Dieu est moins miséricordieux. Mais Jésus a fait tomber nos fausses représentations d’un Dieu juge qui aime punir. Il n’y a qu’à penser à l’histoire de l’enfant prodigue pour s’en convaincre. Mais où est la miséricorde dans cet Evangile ? La déclaration d’Abraham au riche nous fait froid dans le dos : « tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. » Pas de miséricorde ! Et ça nous parait d’autant plus injuste que ce riche qu’on appelle souvent le mauvais riche, il semble se convertir dans l’au-delà. Mais rien n’y fait, il restera dans les souffrances éternelles. Oui, il y a vraiment de quoi flipper !

En fait, non, il n’y a pas de quoi flipper sauf si nous refusons de nous convertir, de reconnaître notre misère, ce qui est le cas de ce riche car sa conversion, elle n’est vraiment qu’apparente. Est-ce que vous l’avez entendu demander pardon pour sa conduite si égoïste ? Rien, pas un mot ! Dans sa vie, comme tous les riches, il avait l’habitude de commander et tout le monde lui obéissait …eh bien, il continue de commander dans l’au-delà et veut se servir de Lazare qu’il a toujours ignoré comme d’un boy qui pourrait adoucir ses souffrances. Rien, dans cette attitude ne laisse voir la moindre prise de conscience qui pourrait témoigner d’un début de conversion, pas le moindre regret pour son attitude mauvaise et les souffrances infligées à Lazare à cause de son égoïsme, pas la moindre expression d’une lucidité qui lui ferait dire qu’il est misérable.

Ce riche, il entre donc dans la catégorie des hommes mauvais, de ceux qui se détournent du Seigneur et dont Jérémie faisait une description bien négative dans la 1° lecture. Et nous voyons bien que ce que Jérémie annonçait et que je commentais se vérifie, il est pris dans un cercle vicieux, une spirale tellement infernale qu’elle le conduit en enfer. Il y a vraiment une conséquence logique à nos actes, je ne peux espérer vivre dans la lumière si je pose habituellement des actes mauvais.

Mais ce riche aurait pu casser la logique infernale de sa destinée, il lui aurait suffi de se reconnaître misérable pour bénéficier de la miséricorde. C’est ce qu’a fait le bon larron au calvaire et c’est ainsi qu’il s’est retrouvé comme le 1° accueilli en paradis, bénéficiant des fruits du sacrifice de Jésus sur la croix. Le pape Benoit XVI l’avait affirmé avec force dans son encyclique « Deus caritas est » et François ne cesse de le répéter : la miséricorde est le nom de Dieu. Voilà pourquoi il est inutile de flipper, c’est même contraire à la foi, le contraire de la foi n’est pas le doute mais la peur car la foi est fondamentalement confiance. 

Mais alors, me direz-vous, faisons comme le bon larron : profitons de la vie et il sera bien temps de faire appel à la miséricorde quand nous serons en situation de danger de mort, ainsi nous serons sauvés ! Comment pourrait-on agir ainsi sous le regard du Dieu d’amour infini, ce serait grave puisque ça revient à se moquer de Lui. 

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    en noir et blanc :
    non seulement la Bible aime les tableaux en noir et blanc mais également le père Hébert avec son blog.
    tout est clair avec eux, n’est-ce pas ?

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