13 janvier : vendredi 1° semaine ordinaire. L’amour est imaginatif à l’infini

Dans le texte d’Evangile que nous venons d’entendre, comme dans la plupart des textes, il y a beaucoup de silences, de non-dits. Je l’ai déjà évoqué, personnellement, j’accueille ces silences de l’Evangile comme une invitation du Saint-Esprit à nous y glisser par la méditation pour que notre imagination puisse, comme nous y invite St Ignace, se mettre au service de notre foi. C’est pourquoi, je trouve dommage l’engouement actuel pour les révélations privées. Il est sans doute vrai que l’Esprit-Saint a parlé à Maria Valtorta et à d’autres ; mais leur a-t-il parlé pour qu’elles comblent ces silences en expliquant et parfois en imposant ce qu’elles ont vu pour dire qu’elles savent ce qui s’est exactement passé et comment ça s’est passé ? Enfin, ce n’est pas forcément elle qui impose mais ses adeptes. Personnellement, j’en doute, mais chacun reste libre. Marthe Robin était plus humble, quand elle relatera ce qu’elle a vu dans les passions qu’elle vivait, elle précisait : je ne dis pas que ça s’est passé comme ça, je dis que c’est ainsi que Jésus me l’a montré ! Plongeons dans le texte, intéressons-nous d’abord à ce que dit le texte et pour ses silences, je vous partage, évidemment sans vous l’imposer, ce que l’Esprit m’a soufflé.

La 1° question que nous pouvons nous poser, c’est : comment cet homme paralysé est arrivé auprès de Jésus ? L’Evangile nous répond que les amis qui le portaient l’ont fait passer par le toit. Très bien, mais est-ce l’homme qui a supplié qu’on le porte à Jésus ou ses amis ont-ils profité de sa faiblesse pour le porter sachant qu’il n’avait pas les moyens physiques de refuser de se laisser porter ? Nous ne le savons pas et j’ai envie de dire, peu importe, ce qui nous est dit, c’est qu’il y a eu une démarche. Jésus était entré dans la maison de Pierre pour guérir sa belle-mère, là il attend que cet homme soit conduit à lui. Je le disais, le Seigneur fait du « sur-mesure » avec chacun, il a une pédagogie différente. J’aime bien cette parole qui dit que la foi se vit par les pieds, ce texte le montre bien et, si nos pieds, sont paralysés, ce sont les pieds des autres qui nous conduiront à Jésus. Au cours de l’année sacerdotale, le cardinal Hummes, préfet de la congrégation pour le clergé, quand il était venu à Ars, présider la fête du 4 août, avait eu une belle homélie qui évoquait justement l’importance des pieds des prêtres. Il disait que lorsqu’un prêtre se bouge, l’Eglise avance. Nous devons souvent prêter nos pieds à ceux qui sont paralysés pour qu’ils puissent être portés à Jésus afin qu’il accomplisse, aujourd’hui, son œuvre de Salut. 

Prêter nos pieds, ça exige parfois que, tels les amis du paralytique, nous prenions des risques, que nous acceptions de payer de notre personne. C’est exactement ce que Paul qui dit dans le chapitre 1 de la 1° aux Thessaloniciens quand il affirme que notre charité doit se donner de la peine. Cette scène des amis amenant l’homme paralysé à Jésus, je vous la laisse imaginer, tout est possible. Peut-être que, voyant, la foule, l’homme sur sa civière leur a dit : laissez tomber, on n’y arrivera jamais ! Peut-être que ce sont ses amis qui l’ont dit et que c’est lui qui a eu l’idée du toit parce qu’il espérait tellement cette rencontre avec Jésus. Le mieux, pour imaginer, c’est de vous mettre sur le brancard en ayant bien conscience que vous êtes totalement paralysés. Le silence de l’Evangile sur ce sujet nous ouvre pas mal de possibilités pour nos méditations et donc nos homélies !

Arrêtons de parler sur ce que nous ne savons pas et intéressons-nous à ce que nous savons, à ce que le texte dit vraiment. Et ce qu’il nous rapporte, c’est la 1° parole que Jésus adresse à cet homme : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés » ! On comprend bien que, voyant leur foi, le texte le dit explicitement, voyant la foi de ces hommes qui ont pris tous les risques pour venir jusqu’à lui, Jésus ne pouvait pas se dérober et continuer sa prédication comme s’il n’y avait rien eu. Alors, les premières paroles qu’il prononce pour récompenser ces hommes de leur foi intrépide, de leur foi qui s’est donnée de la peine, c’est : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. » Quand on entend ces paroles, nous, on aurait assez spontanément envie de dire : tout ça pour ça ! Mais l’homme paralysé ne le dit pas, peut-être que ces amis ont pensé : tout ça pour ça ! Mais, lui, l’homme paralysé, il savait pourquoi Jésus prononçait cette parole. En entendant cette parole, il ne manifeste aucun mécontentement, c’est bien le signe que cette parole rejoignait en lui un désir profond. Bien sûr, Jésus n’en restera pas là, il ira jusqu’à le guérir physiquement.

A travers cette guérison, telle qu’elle nous est rapportée, nous comprenons que, pour Jésus, la guérison la plus fondamentale est celle du péché. Ou, dit autrement, que le Salut est plus essentiel que la guérison. D’ailleurs très souvent, lors d’une guérison, Jésus dira : ta foi t’a sauvé, insistant plus sur le Salut que sur la guérison. J’insiste là-dessus parce que c’est très important à expliquer notamment quand on organise des soirées de guérison. Nos frères évangéliques aiment demander à une personne sur qui ils vont prier : es-tu prêt à donner ta vie à Jésus, à le choisir ou re-choisir comme ton Seigneur, ton Sauveur personnel ? Les guérisons que le Seigneur accorde, aujourd’hui encore, ne sont pas des moyens pour attirer les foules, elles sont le déploiement de la puissance de Salut du Seigneur qui rejoint une personne dans toutes les dimensions de son être.

Je reviens un instant sur le pardon des péchés. En préparant cette homélie, je me suis rappelé un livre que j’ai lu, écrit par une religieuse suédoise dont j’ai oublié le nom. Mais je me rappelle cette remarque pleine d’humour et en même temps si pertinente. Elle disait « Dans une communauté, un membre qui ne se confesse pas régulièrement est aussi difficile à supporter que quelqu’un qui ne se lave pas régulièrement ! » Oui, le péché, c’est ce qui finit par nous faire sentir mauvais, nous rendre insupportable, les autres finissent par dire : lui, elle, je ne peux plus le sentir ! Quand la crasse s’accumule sur une personne, ça finit par paralyser toute la communauté, c’est pourquoi la proposition du sacrement de la réconciliation devra toujours rester une priorité dans nos ministères. 

Enfin, le dernier détail que je veux souligner, dans ce texte, c’est le fait que Jésus ordonne au paralytique de prendre son brancard et de se lever et il nous est dit que l’homme obéit : il prend son brancard et sort ! Pourquoi fallait-il qu’il prenne son brancard alors qu’il n’en avait plus besoin ? Il aurait pu le laisser, un peu comme on voit à la grotte de Lourdes : tous ceux qui ont été guéris ont laissé leurs béquilles et elles sont accrochées à la paroi de la grotte justement comme témoignage de reconnaissance de la part de ceux qui ont été guéris et qui n’en ont plus besoin. Des psychologues chrétiens vont lire cet évangile, je pense particulièrement à Françoise Dolto et, lisant ce texte, c’est sur ce détail qu’ils vont particulièrement s’arrêter. Ils expliqueront que la grande guérison que Jésus veut apporter, là pour le coup, c’est à tout le monde sans exception, le grand don qu’il veut faire à tous, c’est la force de porter ce qui nous écrasait, ce qui nous empêchait d’avancer, de vivre. Oui, ça, c’est vraiment pour tous : prends ton brancard, porte-le, je t’en donne la force ! Voilà ce que Jésus dit à tous et c’est vraiment merveilleux que de recevoir la force de porter ce qui nous écrasait. 

Si nous ne sommes pas suffisamment audacieux, si nous n’avons pas le charisme pour proposer des temps de prière de guérison, nous pouvons et même nous devons, annoncer l’Evangile de la grâce selon la belle expression de Paul que le père Cantalamessa soulignait. En effet, sans la grâce, nul ne peut porter ce qui l’écrase et Jésus est venu pour libérer chaque homme. C’est pour donner à chacun les moyens d’accueillir cette grâce si essentielle que nous demandons au St Esprit de nos rendre imaginatifs pour évangéliser en nous appuyant sur la force de cette parole de Vincent Depaul que j’aime tant et que nous aurions intérêt à prendre au sérieux : l’amour est imaginatif à l’infini.

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