16 mars : mercredi 2° semaine de carême. Plaidoirie en faveur de la maman Zébédée !

La première lecture, nous a fait entendre quelques échos des déboires que Jérémie a pu connaître dans son ministère, c’est vrai que le pauvre, il en a vraiment bavé, tellement bavé qu’à un moment, il décidera de jeter l’éponge en disant : ce n’est plus possible, annoncer la Parole ne m’apporte que des problèmes, j’arrête ! Mais nous connaissons tous par cœur ce fameux texte où, se tournant vers le Seigneur, il lui fait part à la fois de sa fatigue devant l’opposition que suscite de manière quasi-permanente son ministère et en même temps son impossibilité de ne plus se mettre au service de la Parole. « Ta Parole était en moi comme un feu dévorant et je m’épuisais à la contenir ! » Jér 20,7. 

Quand il peut nous arriver d’être, nous aussi, fatigués par les oppositions, les critiques que nous prenons en pleine face, il peut nous être bon de relire le livre de Jérémie. On trouvera forcément en lui un compagnon de combat ! En tout cas, Jérémie nous aide à comprendre ce grand principe qui dit que la fécondité d’une prédication ne se mesure pas à l’indice de popularité du prédicateur. Les Ecritures nous invitent même à nous méfier de ceux qui utilisent la Parole à leurs propres fins, pour soigner leur popularité, tous ceux qui se servent de la Parole plutôt que de servir la Parole. Le Premier Testament ne cesse de pointer du doigt les faux prophètes qui ne savent dire que ce que les gens ont envie d’entendre. L’Evangile d’hier nous mettait déjà en garde contre les pharisiens qui étaient de très beaux parleurs, mais qui, hélas, n’avaient pas un comportement à la hauteur de leurs paroles et c’est vraiment le moins qu’on puisse dire ! 

Les douloureuses affaires vécues dans l’Eglise nous ont aussi appris à nous méfier de ceux qui pouvaient avoir une véritable aura et qui, dans le secret, étaient capables de commettre les pires turpitudes. La fécondité d’une prédication ne se mesure pas à l’indice de popularité du prédicateur. Jésus lui-même illustrera ce grand principe puisqu’il sera crucifié. Vous connaissez la chanson : le prophète a dit la vérité, il faut l’exécuter ! Maintenant, méfions-nous, car l’inverse n’est pas vrai, non plus ! Ce n’est pas parce qu’un prédicateur est impopulaire qu’il a forcément raison ! Il y aura toujours nécessité de poser un discernement éclairé sans se fier, les yeux fermés, à ce que disent les prédicateurs, ceux d’hier, comme ceux d’aujourd’hui !

En écho à cette histoire douloureuse de Jérémie qui m’a inspiré ces réflexions que je viens de vous partager, la liturgie nous a proposé de méditer le très beau psaume 30. Dans ce psaume qui dit la confiance d’un croyant aux prises avec des épreuves vraiment pas simples, il y avait ce très beau verset que j’aime repasser dans mon cœur : Moi, je suis sûr de toi, Seigneur, je dis : « Tu es mon Dieu ! » En son temps, le père Jacques Loew en avait fait le titre d’un de ses livres en changeant à peine la formulation : Mon Dieu dont je suis sûr ! C’est cette parole du psaume qui lui semblait le mieux caractériser le fil rouge de sa vie pas toujours facile qui le conduira à sortir de l’athéisme dans lequel il était né pour entrer chez les Dominicains puis de passer du statut de premier prêtre ouvrier à fondateur de l’école de foi à Fribourg. Rien de tout cela n’aura pu être vécu, aucune des épreuves engendrées par ce chemin de foi si atypique n’auraient pu être traversées s’il n’avait vécu cette expérience : Dieu est sûr !

Venons-en à l’Evangile ! On pourrait s’offusquer devant la demande de la maman Zébédée. Enfin ce n’est quand même pas très correcte ce qu’elle a fait ! Elle a entendu que Jésus venait de faire une lourde confidence à ses apôtres sur sa fin prochaine et dramatique, elle en profite pour placer ses pions en demandant une place de choix pour ses fils ! Oui, c’est un peu inconvenant, mais je l’aime quand même cette maman Zébédée. D’abord parce que c’est une vraie maman : elle ne demande rien pour elle mais pour ses enfants et puis, c’est presque la caricature de la mère juive qui est toujours en train de dire, vous m’excuserez mais, je ne sais pas bien prendre l’accent des juifs : mon fils, mon fils ! Elle, c’est : mes fils, mes fils ! 

Peut-être d’ailleurs que ce n’est même pas elle qui a eu l’idée de demander ces places de choix pour ses fils ! C’est ce que laisse entendre l’Evangile puisque Jésus ne répond pas à la mère mais aux fils comme s’il avait perçu que les fils avaient fait monter la mère au créneau en pensant que Jésus ne saurait rien lui refuser. Mais peu importe que ce soit elle ou pas elle qui ait eu l’idée de demander cela. L’histoire de cette maman Zébédée, elle nous invite à nous méfier des jugements que nous pouvons poser sur une personne à l’instant « t ».  Pour se permettre de poser un jugement sur une personne, il faut toujours regarder cette personne dans sa trajectoire de vie. Et la trajectoire de vie de la maman Zébédée, elle n’est quand même pas mal ! Oui, il y a eu cet épisode qu’on peut juger de pas très glorieux mais l’histoire de cette femme ne s’arrête pas avec cet épisode. 

L’Evangile de Matthieu nous dit que la maman Zébédée était au pied de la croix de Jésus. Il fallait déjà le faire parce que les Evangiles nous disent bien qu’il n’y avait plus grand monde, elle, elle était là. Rien que pour cette présence, chapeau ! Mais si elle était là, elle a forcément entendu les paroles de Jésus qui nous seront rapportées dans l’Evangile de Jean. Jésus dit à Jean, en désignant, la Vierge Marie : voici ta mère et il dit à Marie en désignant Jean : voici ton fils. A ce moment-là, la maman Zébédée, elle ne s’insurge pas en disant : de mère, il n’en a qu’une et c’est moi ! Elle ne cherche pas non plus à reprendre son fils auprès d’elle après l’échec apparent de la mission du Rabbi qu’il avait décidé de suivre. La maman Zébédée reste dans le silence, signe qu’elle accepte, douloureusement peut-être, les ultimes paroles de Jésus qui lui enlèvent son fils pour toujours. Quel chemin de foi, elle aura fait cette maman ! Ne jugeons donc pas trop vite, d’ailleurs ne jugeons pas du tout, ça sera encore plus simple ! 

On parle beaucoup de Louis et Zélie Martin comme le prototype des parents chrétiens, mais rendons justice aux parents Zébédée qui ont été, bien avant eux, les premiers modèles. Le papa Zébédée, on en parle dans le récit d’appel puisque, l’Evangile nous dit que Jacques et Jean étaient avec leur père quand Jésus les a appelés. Et le papa Zébédée, il les a laissés partir, peut-être pas de gaité de cœur, peut-être pas sans se poser bien des questions. Mais il ne s’est pas mis en travers du chemin vocationnel de ses fils. Et, à la croix, c’est la maman Zébédée, cette mère un rien possessive, qui laisse partir son Jean, de manière définitive. Avouez qu’ils méritent notre considération et que nous pouvons peut-être demander leur intercession pour ceux qui ont un chemin vocationnel compliqué à vivre à cause de la résistance de leurs parents.

Enfin je termine en soulignant qu’il ne vous aura sûrement pas échappé que l’Evangile d’aujourd’hui nous a fait Enfin je termine en soulignant qu’il ne vous aura sûrement pas échappé que l’Evangile d’aujourd’hui nous a fait réentendre presque mot pour mot la petite phrase qu’il nous donnait déjà hier : Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. C’est assez rare d’entendre deux jours de suite la même phrase. Si nous l’avons réentendue c’est sans aucun doute parce qu’il était bon que nous la réentendions ! Certes, aujourd’hui, cette parole il était particulièrement bon que la maman Zébédée l’entende. Elle voulait les meilleures places pour ses fils, Jésus lui dit qu’il n’y a pas de meilleure place que celle de serviteur. Et c’est donc à nous que cette parole est redite aujourd’hui : quand tu rêves d’une meilleure place, redis-toi bien qu’il n’y a pas de meilleure place que celle de serviteur. En effet, il ne peut pas y avoir de meilleure place puisque, quand tu te tiens à cette place, tu es tout près de Jésus qui a choisi, lui-même, de se tenir à cette place. Oh bien sûr cette place n’est pas toujours confortable, l’exemple de Jérémie le prouve s’il en était besoin et l’exemple de Jésus encore plus. Mais quand je choisis cette place, je suis sûr de ne pas me tromper et surtout, je suis sûr de ne pas me la faire piquer parce qu’elle ne faut pas forcément rêver !

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