Vous savez que l’opinion que nous nous faisons d’une personne conditionne pas mal notre manière d’interpréter ses faits et gestes et aussi ses paroles. Si vous avez une opinion favorable d’une personne, vous trouverez toujours du positif dans ce qu’elle dit ou fait alors que ceux qui n’ont pas une bonne opinion d’elle vont trouver son comportement lamentable et ses paroles sans importance. Je pense que nous pouvons tous mettre du vécu derrière ce que je viens d’évoquer ! Eh bien, nous pouvons appliquer ce principe aux premiers mots de la 1° lecture d’aujourd’hui. Ceux qui auraient une opinion défavorable de Paul vont dire que cet homme est vraiment impossible, il commande ses troupes en véritable adjudant ordonnant qu’on lui amène sans tarder Silas et Timothée. Et ceux qui ont une belle opinion de ce missionnaire infatigable vont dire : mais n’y êtes pas du tout ! Ce que vous prenez pour un comportement autoritaire est, en fait, la marque d’une grande humilité : sans ses collaborateurs, Silas et Timotée, Paul ne peut rien faire et c’est pour cela qu’il demande qu’on les conduise à lui le plus vite possible !
Je crois que cette 2° interprétation n’est pas surfaite car savez-vous que lorsqu’on lit les lettres de Paul, on découvre avec admiration qu’il y a 58 noms de collaborateurs et 14 noms de collaboratrices qui sont mentionnés et c’est délibérément que Paul veut nommer toutes ces personnes. Vous savez, c’est un peu comme pour un spectacle, le projecteur est sur la vedette, mais sans les dizaines de personnes qui s’occupent de l’installation de la salle, du son, des lumières, de la billetterie, sans toutes ces personnes de l’ombre, c’est la vedette sur scène qui resterait dans l’ombre ! Alors, Dieu soit loué, certaines vedettes font applaudir, à la fin de leur spectacle, ces personnes de l’ombre. Mais d’autres ont un égo tellement surdimensionné qu’elles sont sûres de ne devoir rien à personne ! Ce n’est pas le cas de Paul qui, dans ses lettres aime tellement mentionner le nom de ses collaborateurs, c’est un peu sa manière à lui de les faire applaudir.
Comme il est important que tous ceux qui occupent le devant de la scène n’oublient jamais qu’ils doivent tout à ceux qui travaillent dans l’ombre. J’en ai eu vraiment conscience dès la première retraite prêchée dans un Foyer de Charité. J’ai tout de suite compris, au moment du partage des grâces reçues, qu’il n’était pas possible que ma prédication soit à l’origine de tant de merveilles. Dans une retraite, ils sont nombreux les collaborateurs de l’ombre : ça commence par ceux qui ont conduit le retraitant à se décider à faire cette retraite en la lui offrant, en lui suggérant de venir dans un foyer, en gardant ses enfants, que sais-je encore ! Ensuite, il y a tous les membres de Foyer qui ont offert leur vie, à la suite de Marthe, et qui continuent à vivre cette offrande en acceptant d’accomplir les humbles tâches répétitives du ménage, de la cuisine, du secrétariat, etc, toutes ces tâches de l’ombre étant indispensables pour qu’une retraite puisse être féconde. Ensuite, il y en a qui commencent à sortir de l’ombre parce qu’on les voit déjà un peu plus : celles et ceux qui animent les liturgies et prières, les écoutants et, bien sûr le prédicateur. Enfin, il y en a encore d’autres qui aiment rester dans l’ombre mais sans qui rien ne serait possible et même sans qui rien n’aurait de sens, c’est le Saint-Esprit auquel j’associe les deux autres personnes de la Trinité … et, bien sûr, Marie, qui est la véritable maitresse de maison des retraites en Foyer de Charité.
La fécondité d’une retraite, c’est donc le résultat d’une alchimie extrêmement complexe. Réaliser cela demande aux prédicateurs l’humilité nécessaire pour se tenir dans cette vérité qu’ils ne sont qu’un maillon, déterminant, certes, mais seulement un maillon ! Du coup, cette prise de conscience sera terriblement exigeante pour tous les membres de Foyer car nul ne peut se dire : parce que je suis dans l’ombre, si je suis défaillant, médiocre, ça ne se verra pas. Si ! Comme on aime le dire à propos de l’écologie, tout est lié, nous sommes tous reliés, interdépendants et la fécondité dépend de la vérité du don de chacun.
Enfin, je termine en disant que je trouve beau que, dans le livre des Actes, le livre qui raconte les exploits des premiers évangélisateurs, on n’ait pas cherché à nous cacher leurs échecs. Car c’est un échec retentissant que Paul va subir à Athènes, mais, comme il se doit, il en tirera les conclusions qui s’imposent selon la belle parole de Mandela : je ne perds jamais, soit je réussis, soit j’apprends !
C’est ainsi que, partant à Corinthe, il se fixera comme ligne de conduite de ne plus jamais philosopher comme il avait essayé de le faire à Athènes parce que la foi ne vient pas au bout d’un raisonnement mais au terme d’une rencontre avec le Christ. C’est pourquoi, il dira aux Corinthiens qu’il n’est pas allé chez eux pour les séduire avec le prestige de la parole mais pour leur révéler Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, c’est-à-dire leur permettre de rencontrer Celui qui a donné sa vie pour eux. Plutôt que d’essayer de révéler, par des raisonnements plus ou moins alambiqués, ce fameux Dieu inconnu à ceux qu’il rencontrait, Paul décidera de les préparer à accueillir l’inconnu de Dieu qui dans son imprévisible et extraordinaiere amour ne cesse de nous réserver des surprises.
Deux remarques sur l’Evangile :
1/ Ce sont de belles paroles de consolation que nous avons entendues : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. » Oui c’est une belle consolation parce que nous savons tous ce que c’est que d’entendre des paroles difficiles, des révélations lourdes à porter. Eh bien, la bonne nouvelle, c’est que ce qui est trop lourd à porter pour nous, l’Esprit-Saint peut et veut nous donner la force de le porter. Parce que la vérité, il ne suffit pas de l’entendre, il faut aussi pouvoir la porter sinon elle nous écrase. « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. Alors, oui, viens Saint Esprit nous aider à porter, porter avec nous ce qui est trop lourd pour nous !
2/ En donnant le Saint Esprit, Jésus ne nous donne pas quelque chose, une énergie, il nous donne le lien le plus précieux qui l’unit à son Père. Peut-être avez-vous l’impression en lisant les versets de l’Evangile de St Jean que nous entendons en ce moment, et que nous entendrons les jours suivants, de tourner un peu en rond … Je vous avoue d’ailleurs que ça ne simplifie pas le travail du prédicateur ! En fait, on ne tourne pas en rond, mais St Jean tourne et retourne dans tous les sens, pour mieux s’en imprégner, cette réalité qui ne peut qu’échapper à notre intelligence : par le don du Saint Esprit, nous sommes comme intégrés à la Trinité, nous entrons dans le dialogue d’amour trinitaire.
Je ne sais pas si nous arrivons à réaliser ? Nous sommes intégrés au coeur de la Trinité. Imaginez, s i vous êtes musiciens, un des membres de Glorious vous contacte pour vous dire : on a décidé de t’intégrer à notre équipe de musiciens ! Vous n’en revenez pas : Glorious veut m’intégrer dans sa team, moi … mais c’est proprement incroyable, je n’osais même pas en rêver ! Tout de suite, vous sautez sur votre portable et vous partagez la bonne nouvelle à 10, 20 personnes ! Eh bien, ce que St Jean dit c’est que, ce que le St Esprit veut faire, c’est bien plus grand, bien plus fort que de vous intégrer à l’équipe de Glorious, c’est à l’équipe de la Trinité qu’il veut vous intégrer, c’est dans le chœur des anges qu’il veut vous faire jouer, chanter.
Et ça, c’est tellement grand, tellement impensable, au sens étymologique, qu’il faut le dire d’une manière, et ensuite le préciser encore d’une autre manière puis approfondir encore et recommencer avec d’autres mots. C’est au cœur de la Trinité que nous sommes invités et pas en CCD mais en CDI ! En nous donnant le Saint Esprit, Jésus nous donne l’amour qui le lie à son Père, en recevant le Saint-Esprit, c’est dans ce dialogue d’amour que nous sommes intégrés … c’est vraiment impensable ! On comprend que St Jean qui a eu l’audace de rapporter les paroles de Jésus sur le sujet ait ressenti le besoin de dire, de redire, de préciser, de rajouter encore et encore parce que, justement, c’est impensable !
Voilà le travail que fait St Jean dans son Evangile, du coup, on peut dire que tous ces versets ont plus été écrits pour être médités que pour être commentés, alors n’hésitons pas, dans nos temps de prière, à prolonger notre méditation en ruminant ces versets en n’oubliant pas de rendre grâce pour ce cadeau inouï d’être intégré à l’amour trinitaire.
C’est très beau … Merci !