18 décembre : 2° jour de la semaine de préparation à Noël. Joseph est juste car il s’est laissé ajuster

La liturgie est bien faite ! Hier, nous avons entendu la grande généalogie de Jésus qui nous brossait comme un panorama général du Salut et dans les jours qui nous séparent de Noël, nous allons voir entrer en scène chacun des acteurs essentiels de cette histoire, aujourd’hui, c’est donc Joseph. Alors, évidemment, l’ordre d’entrée pourrait nous surprendre : pourquoi Joseph en premier et non pas Marie ? Joseph n’est-il pas un acteur de second rang par rapport à Marie ? C’est le père Caffarel, le fondateur du mouvement des Equipes Notre Dame qui m’a aidé à comprendre pourquoi Joseph entre en premier et quelle est la place qu’il occupe dans cette histoire du Salut. Le père Caffarel qui aimait les couples était vraiment choqué quand il lisait : « Parce que Joseph était un homme juste, il ne voulut pas dénoncer Marie publiquement, alors il décida donc de la renvoyer en secret. » C’est vrai qu’à cette époque, une femme qui se retrouvait enceinte, sans être mariée devait être lapidée. Habituellement, en commentant ce verset de l’évangile, on souligne donc que Joseph, connaissant bien ces coutumes barbares, avait résolu de renvoyer Marie secrètement pour qu’elle ne finisse pas lapidée sur la place publique. Cette explication ne convenait pas du tout au père Caffarel. En effet, lui qui a œuvré toute sa vie pour que les couples vivent un amour conjugal de grande qualité, il n’arrivait pas à accepter le fait que Joseph ait pu avoir l’idée de renvoyer Marie. Il estimait, à juste titre, que si Joseph avait voulu protéger Marie, il ne devait pas la renvoyer parce que, partout où elle irait, le risque serait le même, elle pourrait être lapidée dès qu’on apprendrait qu’elle était tombée enceinte avant d’être mariée. 

Alors, comment comprendre que Joseph, qui était un homme juste, ait pu décider de renvoyer Marie tout en connaissant les risques de ce renvoi ? C’est là que le père Caffarel, éclairé par le Saint Esprit, a eu une lecture absolument lumineuse de ces versets. Il explique que Joseph a tout de suite compris que Marie ne l’avait pas trompé avec un autre homme. Pas un seul instant, Joseph n’a imaginé ce scénario, il connaissait trop bien sa Marie pour avoir un tel doute. Non, ce n’est pas ça, mais Joseph a eu très vite l’intuition qu’il se passait quelque chose entre Marie et Dieu, que Dieu avait choisi Marie. Du coup, Joseph décide de se retirer de cette histoire, il ne veut pas se mettre au milieu de cette histoire très sacrée, trop sacrée qui est en train de se passer entre Marie et Dieu. Il ne voudrait pas être un obstacle, un gêneur, celui qui risquerait empêcher que le projet de Dieu se réalise. C’est pourquoi, il décide de se retirer sur la pointe des pieds en rendant à Marie sa liberté, il la délie de la promesse de mariage. Et il le fait en toute tranquillité car il est bien persuadé que, puisque c’est une histoire entre Dieu et Marie, Dieu va s’occuper de Marie et qu’il ne lui arrivera rien.

Elle est tellement belle cette interprétation et, le père Caffarel expliquait que, si on donne à Joseph le titre de juste, ce n’était donc pas pour son projet de répudier Marie en secret, mais c’est parce qu’il avait décidé de se retirer de cette histoire qui le dépassait et dans laquelle il pensait qu’il pourrait devenir un obstacle. C’est en acceptant de se retirer de cette histoire, en acceptant de perdre Marie qu’il aimait, que Joseph manifeste qu’il est juste puisqu’il décide de donner la priorité à Dieu. Joseph est juste parce qu’il accepte que la réalisation du projet de Dieu soit plus importante que la réalisation de ses rêves, de son projet de couple.

Et c’est à cause de sa décision de se retirer qu’un ange vient le voir. Et l’ange va lui expliquer qu’il a toute sa place dans cette histoire entre Dieu et Marie. Evidemment, il n’aura pas la place prévue au départ, pas la place de futur papa d’une famille nombreuse, place dont il avait dû rêver en demandant Marie en mariage ! Mais il y avait quand même une place pour lui dans cette histoire et une vraie place, pas un strapontin ! Et c’est justement pour cela que la liturgie, dans cette semaine préparatoire à Noël le fait entrer en scène en premier.

Rappelez-vous, en 2013, le pape François a demandé que dans toutes les prières eucharistiques, on mentionne St Joseph, il a ainsi voulu montrer que Joseph avait une vraie place dans l’histoire du Salut. La messe, c’est le mémorial de l’histoire du Salut, eh bien, au cœur de ce mémorial, le pape a voulu qu’on mentionne Joseph, précisément parce que, dans cette histoire du Salut, Joseph a tenu sa place. Et, s’il a décidé d’offrir à toute l’Eglise cette année St Joseph qui s’est terminée, il y a peu de jours, c’est justement pour que nous puissions redécouvrir la place particulière de Joseph dans le mystère du Salut. On sent bien que pour le pape François, c’était particulièrement important de remettre Joseph à la place qu’il mérite.

Et finalement, c’est surtout en cela que Joseph mérite le titre de « juste ». C’est parce qu’il a accepté la place que Dieu lui donnait. Attention, quand je dis qu’il a accepté la place que Dieu lui donnait, je ne dis pas que Joseph s’est résigné, qu’il a décidé de faire contre mauvaise fortune, bon cœur ! Non, il a accepté de laisser tomber ses projets pour se laisser ajuster au projet de Dieu. Voilà ce qu’est une personne juste dans la Bible, le juste, c’est celui qui se laisse ajuster. Le juste, ce n’est pas celui qui est parfait, qui réussit tout, qui ne fait que des choses justes, c’est celui qui se laisse ajuster à Dieu. 

Il n’est pas sûr que tout ait été facile pour Joseph et que juste après l’annonce de l’ange, il ait entonné son Magnificat, à lui ! Non, ce qui a été immédiat, ce n’est pas l’action de grâce, c’est la décision de renoncer à son projet de renvoyer Marie. Ensuite, il a dû compter sur la grâce pour se laisser ajuster au projet de Dieu en renonçant à son projet. Et, peut-être que ça n’a pas été sans combat, mais il a cru que ce qui semblait complètement déraisonnable, la puissance de la grâce le rendrait capable de le vivre en l’ajustant jour après jour à sa mission. C’est en cela que Joseph peut devenir, entres autres choses, un modèle pour nous aujourd’hui : en le priant, nous pouvons lui demander, pour nous aussi, cette grâce de nous laisser ajuster au projet de Dieu, cette grâce d’accepter de renoncer à nos projets trop personnels, trop humains.

En français, il y a un très beau verbe pour évoquer cette attitude spirituelle, c’est le verbe consentir. J’en ai parlé dans mon intervention auprès des membres de l’Alliance, il y a 15 jours. Oui, il nous faut apprendre à consentir à ce que Dieu nous propose. Attention, cette attitude n’a rien à voir avec une attitude fataliste qu’on retrouve de manière très largement répandue dans l’Islam dont les croyants se soumettent souvent de manière trop servile à la volonté de Dieu. Non, consentir, ça ne signifie pas s’écraser, c’est plutôt hisser sa volonté au niveau de celle de Dieu, du moins de ce qu’on en a perçu, après discernement. Pour dire les choses plus simplement, je ne choisis pas toujours ce qui m’arrive dans la vie, mais je peux toujours choisir la manière dont je vais vivre ce qui me tombe dessus. Consentir, c’est accepter la réalité telle qu’elle se présente et choisir de vivre en toutes circonstances dans l’amour. Il y a une prière que j’aime beaucoup et qui dit cela très bien, elle est proposée à ceux qui participent aux groupes de parole des alcooliques anonymes : « Mon Dieu, donnez-moi le courage d’accepter les choses qui ne peuvent être changées, le courage de changer celles qui devraient l’être, et la sagesse de les distinguer l’une de l’autre. »

Evidemment, quand nous entendons cela, nous ne pouvons pas ne pas penser à Marthe Robin et son acte d’offrande qui a été sa manière à elle de consentir. C’est ainsi qu’elle a marché sur les traces de Joseph qu’elle aimait tant. Demandons à Joseph et aussi à Marthe d’intercéder pour nous afin que nous puissions, à notre tour, devenir des justes en osant consentir au réel de nos vies tel qu’il se présente à nous en ce moment. Soyons sûrs que, si nous le lui demandons, la grâce du Saint-Esprit ne nous fera jamais défaut pour nous aider à hisser notre volonté au niveau de celle de Dieu qui ne manquera pas, en retour de nous offrir une grande joie et une grande paix.

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