18 mars : samedi 3° semaine de carême. Qui est le véritable héros du texte ?

Nous accueillons ce week-end des couples … c’est un week-end « Priscille et Aquillas » … je ne connais encore pas, mais je sais que, le Seigneur y accomplit des merveilles pour des couples qui, souvent, ne vont pas bien … d’où la tonalité de l’homélie !

Quand j’étais enfant, comme tous les garçons, j’aimais jouer aux cow-boys et aux indiens ou bien aux gendarmes et aux voleurs. Ce qui plaît dans ce genre de jeu, c¹est la rivalité entre les bons et les mauvais. Enfants, nous nous disputions souvent d’ailleurs pour savoir qui allait incarner les différents rôles parce que nous voulions tous être des bons. Etait-ce par amour de la vertu, peut-être, mais ce n’est pas sûr ! En fait, nous savions que, dans ce genre de jeu, c’étaient les bons qui devaient gagner. A l’âge adulte, nous continuons encore ces petits jeux, autrement c’est vrai, mais nous sommes attirés par les films qui mettent en jeu cette rivalité entre les bons et les mauvais et nous n¹aimons pas les films qui se terminent mal, c’est à dire les films où les bons ne gagnent pas, où le bien ne l’emporte pas. Et le film nous semble d’autant plus réussi si le héros est un héros faible qui parvient à gagner contre des grosses brutes !

Le texte d’évangile que nous venons d’entendre comporte à peu près tous les ingrédients que je viens d’énumérer. C’est sûrement pour cela qu¹il nous plaît habituellement. Il y a un méchant, c’est le pharisien ; il y a un bon, c’est le publicain. Le pharisien étale sa puissance et cherche à se faire remarquer, le publicain ose dévoiler sa faiblesse, il se fait tout petit. Et au bout du compte, c’est le faible qui gagne, génial !

Mais est-ce aussi sûr que le texte fonctionne avec une telle simplicité, est-il à ce point caricatural ? Ce n’est pas sûr du tout ! En effet, celui que j’ai qualifié de bon, le publicain n’est quand même pas si bon que ça, objectivement, c’est même une crapule, je vais y revenir. Quant à celui que j’ai qualifié de mauvais, il est loin d’être aussi mauvais que ça, par certains côtés sa vie est extrêmement vertueuse ! Et puis, je vais vous faire une confidence : si c’est le publicain qui est le véritable héros du texte, moi je me demande ce que nous faisons ici à consacrer tout un week-end pour devenir meilleurs ! Non, ça ne marche pas comme ça dans l’Evangile !

Reprenons chacun des personnages. Le publicain, nous savons un peu mieux qui il est et ce qu’il fait en écoutant la prière du pharisien qui brosse de lui un portrait pas très élogieux mais sans doute assez proche de la vérité ! En effet, c’est de notoriété publique, les publicains étaient des voleurs, il n’y a qu’à relire l’Évangile de Zachée. Zachée, voilà un publicain qui ne s¹est pas privé, le vol était son credo quotidien. Par le fait même, les publicains étaient injustes ; pour s’enrichir, ils exigeaient que les gens paient des impôts largement supérieurs à ce qu¹ils devaient. Adultères, ils l’étaient souvent aussi, quand l’argent coule à flots, il conduit souvent à bien des débordements ! Le pharisien a donc raison de dire qu¹il est heureux de ne pas être voleur, injuste, adultère comme le sont les publicains. Le héros du texte, ça ne peut pas être le publicain, ce n’est quand même pas lui que Jésus veut donner en exemple. Il ne manquerait plus que ça !

Mais évidemment, ça ne peut pas être non plus le pharisien, parce qu’il nous est tout de suite assez peu sympathique. Pourtant, c’est vrai, ce pharisien, il a une vie plutôt exemplaire. Ce qu’il dit de ce qu’il fait est tout à fait plausible. Il jeûne deux fois par semaine, il donne le dixième de tous ses revenus, pas seulement de sa paie, mais de tous ses revenus mobiliers et immobiliers, de ses rentes financières. Levez le doigt tous ceux qui en font autant ! Oui, au niveau de ce qu’il fait, il est assez exemplaire, mais je souligne tout de suite un problème qui pourra nous rejoindre. A l’écouter, ce pharisien est sans péché, il coche toutes les cases du parfait croyant, de l’homme vertueux. Oui, c’est vrai si on se contente de ce qu’il dit, mais il y a tout ce qu’il ne dit pas. Et ce qu’il ne dit pas, c’est justement ce qu’il ne fait pas. C’est ce qu’on appelle le péché par omission. Vous savez, au début de la messe, on prie le « je confesse à Dieu » qui nous fait demander pardon pour tous les péchés commis en pensée, en parole, par action et par omission. Le péché par omission, c’est-à-dire le bien que nous ne faisons pas, c’est de loin, le plus grave dans nos vies. Pour la plupart, nous ne tuons pas, nous ne volons pas ; au niveau de ce que nous faisons, le mal que nous commettons n’est pas d’une gravité exemplaire, il est plus de l’ordre de la médiocrité quotidienne qui ne nous élève pas et qui n’élève pas les autres. Certes, il y a sans doute ici ou là des paroles assassines, des regards assassins, mais là n’est pas le plus grave. 

Enfin, il ne faut pas non plus que je minimise le péché par action car il y a parfois des actes posés qui peuvent entrainer de profondes déchirures dans un couple, notamment et je pense que vous voyez bien de quoi je veux parler ! 

Mais on peut traverser une crise profonde sans qu’il n’y ait eu vraiment de coups de couteaux dans le contrat. Et c’est là que vient se situer le péché par omission : tout le bien que je n’ai pas fait, toutes les paroles encourageantes que je n’ai pas prononcées, tous les pardons que je n’ai pas donnés et tant d’autres omissions qui, à chaque fois, laissent filer une maille qui finit par provoquer une irrémédiable déchirure.

Oui, ce pharisien est exemplaire dans ce qu’il fait, mais il y a tout ce qu’il ne fait pas et dont il ne veut surtout pas parler à Dieu ! Parce qu’il est venu dans le Temple pour se faire mousser. Et c’est souvent ainsi qu’agissent ceux qui pèchent beaucoup par omission, ils se font mousser en étalant le bien qu’ils font et qui est réel. Mais ils se gardent bien d’évoquer ce qu’ils ne font pas ! Et ça, ça devient insupportable pour l’entourage de ces personnes car elles, elles souffrent tellement du bien que ne leur font pas ces personnes qu’on peut qualifier d’hypocrite.

Le publicain, lui, il n’est pas brillant du tout, sa conduite ne peut pas être donnée en exemple. Il le sait et c’est bien pour cela qu’il n’ose pas lever les yeux vers le Seigneur. Il ne sait que se frapper la poitrine en répétant : Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! Il ne cherche pas à tromper son monde en étalant l’une ou l’autre bonne action dont il est sûrement capable. Il sait que ça serait indécent face au mal qu’il commet et au bien que lui non plus ne fait pas. Parce qu’avec tout l’argent qu’il volait, il aurait au moins pu essayer de devenir un Robin des bois qui redistribue la richesse, mais non, il profite !

Ainsi donc ni le pharisien, ni le publicain ne peuvent être les héros du texte. Le véritable héros, vous l’aurez deviné, c’est Dieu. Dieu qui accepte d’écouter la prière du publicain alors que sa vie est si loin de l’idéal proposé dans sa Loi d’amour. C’est encore Dieu qui prend patience vis à vis du pharisien, il ne fait pas tomber sur lui le feu du ciel, alors que son hypocrisie mériterait qu¹il reçoive une véritable correction ! Ceci dit, Jésus souligne quand même que celui qui repart en étant transformé, c’est le publicain parce qu’il a osé se présenter en vérité devant Dieu. Dieu peut faire des merveilles pour ceux qui reconnaissent leur pauvreté, qui sont vrais devant lui. Par contre, il ne peut rien pour ceux qui viennent faire du cinéma devant Lui ! Je dis souvent que c’est dommage que l’Eglise n’ai pas utilisé avant Mac Do son célèbre slogan : venez comme vous êtes ! Ça pourrait sans doute aussi être le slogan de ce week-end pour vous les couples : venez comme vous êtes, ne cachez rien au Seigneur de ce que vous êtes. Si vous lui dévoilez votre misère, il saura vous inonder sa miséricorde. En effet, notre misère reconnue est un paratonnerre qui attire sa miséricorde.

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