2 décembre : vendredi 1° semaine de l’Avent. Le Messie a-t-il réussi ou n’a-t-il pas réussi ?

Dans le temps ordinaire, il n’est pas toujours simple de trouver des correspondances entre la 1° lecture et l’Evangile. En effet, dans la 1° lecture, nous faisons une lecture, la plus continue possible, d’un livre du Premier Testament ou d’une épître du Nouveau Testament et, en parallèle, nous faisons une lecture, là également, la plus suivie possible d’un Evangile. Quand, dans les deux lectures continues, on peut trouver des points communs, c’est un peu un coup de chance ! Mais pour les temps liturgiques particuliers, il en va tout autrement puisque les lectures sont choisies pour se répondre. Au cours de l’Avent, au moins pour la première moitié de ce temps, nous lisons le livre d’Isaïe et les Evangiles ont été choisis pour faire écho au passage d’Isaïe qui est lu. C’est donc forcément plus simple d’établir des correspondances et aujourd’hui, c’est particulièrement le cas, comme hier d’ailleurs.

Finalement, je me suis dit que le lectionnaire nous mâchait le travail pour que nous puissions relire les Ecritures, c’est-à-dire le Premier Testament, pour voir comment Jésus les accomplissait. Par ces mises en parallèle entre les promesses du Premier Testament et quelques épisodes du ministère de Jésus, le lectionnaire nous invite à porter un vrai regard de foi sur les Ecritures. Celui dont nous apprêtons à fêter la 1° venue est bien celui qui a accompli toutes les promesses de Dieu, pour ne reprendre que celles qui nous étaient annoncées dans la 1° lecture : il a fait entendre les sourds, il a fait parler les muets, il a rendu la vue aux aveugles … et tant d’autres prodiges ! C’est pour cela que l’Evangile d’aujourd’hui nous montrait Jésus faisant voir des aveugles et si on avait continué la lecture, juste après il faisait entendre et parler un sourd muet. Jésus est bien le Messie attenu et annoncé. D’ailleurs, rappelez-vous, quand Jean-Baptiste est dans sa prison et qu’il se pose tant de questions, il fait envoyer des émissaires auprès de Jésus pour lui demander : es-tu vraiment celui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? La réponse de Jésus est claire, il reprend ces signes qui devaient accompagner la venue du Messie et attester la vérité de son ministère. Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Mt 11,4-5 

Mais alors, si tout est aussi clair, pourquoi Jean-Baptiste a eu des doutes ? Pourquoi Jésus n’a-t-il pas été reconnu comme Messie et pourquoi a-t-il été traqué puis condamné comme un imposteur avec cette accusation : Toi qui n’es qu’un homme, tu te prends pour Dieu. Jn 10,33 Oui, pourquoi, eux qui connaissaient si bien les Ecritures, n’ont-ils pas reconnu en Jésus le Messie ? En réfléchissant à cette question, je me suis dit qu’il pouvait y avoir deux raisons :

  • La première, c’est, aux yeux des juifs, la fin lamentable de Jésus. C’est tellement difficile de pouvoir reconnaître qu’il est le Messie celui qui finit aussi piteusement sur la croix que toute la catéchèse de Jésus aux deux disciples d’Emmaüs portera là-dessus : Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. Lc 24,26-27 Avec eux, Jésus a relu les Ecritures mais pas sous le même angle que le lectionnaire nous les fait relire dans ce temps de l’Avent. Il n’a pas cherché à leur montrer qu’il a accompli les signes messianiques, il a cherché à leur montrer que les Ecritures annonçaient que le Messie allait souffrir. Il a donc dû plus s’attarder sur la 2° partie du livre d’Isaïe, avec les poèmes du Serviteur souffrant que sur la première partie dans laquelle nous sommes et qui énonce toutes les promesses de Dieu. Et puis, il y avait cette malédiction du Deutéronome que Paul rappellera dans la lettre aux Galates : Maudit soit quiconque pend au bois. Oui, d’un côté, il y a bien eu, de la part de Jésus, un accomplissement des signes messianiques, mais sa fin vient mettre un terme à toute hésitation. Mourant comme un maudit, il ne peut être le Messie. Nous aurons l’occasion de poursuivre ce volet de la réflexion au cours de la semaine sainte.
  • Mais il y a sans doute une 2° raison pour laquelle Jésus n’a pas été reconnu comme Messie. La 2° raison, c’est que si Jésus a accompli certains signes messianiques, il ne les a pas tous accomplis. Et c’est ce que je voudrais développer maintenant.

En effet, il est incontestable que Jésus n’a pas accompli tous les signes messianiques annoncés dans la 1° lecture, je cite : car ce sera la fin des tyrans, l’extermination des moqueurs, et seront supprimés tous ceux qui s’empressent à mal faire. Au temps de Jésus, le tyran, c’était l’occupant romain et Jésus n’a rien fait pour l’exterminer, le supprimer, ce sont les verbes qu’Isaïe utilisait. D’où la déprime profonde des disciples d’Emmaüs qui, sûrement comme les autres apôtres, avaient espéré jusqu’au bout que Jésus opérerait un renversement de situation : Et nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ! Non seulement, il est mort lamentablement, mais en plus, il est mort sans avoir la totalité du job ! Voilà pourquoi les juifs n’ont pas reconnu en Jésus le Messie. Pourtant, s’ils avaient écouté Jésus, ils auraient compris que ça n’allait pas se passer comme ils l’espéraient tant. En effet, à la synagogue de Nazareth, quand il commence son ministère, on lui tend le rouleau du prophète Isaïe et Jésus prend bien soin de ne pas lire le passage que nous avons entendu, il lit le passage dans lequel il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés. Aucune mention d’extermination des, tyrans, des méchants dans ce passage ! Il montre ainsi que dans sa mission, il a clairement choisi ce qu’il allait accomplir.

Pour autant, on ne peut pas dire que sa venue n’ait pas marqué une victoire décisive contre le mal. En effet, pour vaincre le mal, il y a deux stratégies possibles.

1° stratégie : Supprimer tous les méchants. Méthode radicale, mais qui pose une question de taille : qui en réchappera ? Parce que, nous en faisons, quotidiennement, la triste expérience, nous sommes tous peu ou prou complices du mal. En plus, Jésus n’est pas venu exterminer mais sauver. La plus grande victoire dont il rêve n’est pas la mort du méchant, mais sa conversion et son Salut.

C’est pour cela que Jésus mettra en œuvre une 2° stratégie : semer l’amour pour que l’accroissement de l’amour fasse reculer les frontières du mal. Implanter la lumière en croyant que la lumière fait reculer les ténèbres. Alors, c’est vrai, ça prend du temps, la lumière gagne progressivement, les ténèbres ne disparaissent pas totalement, pas immédiatement, mais c’est tellement plus efficace ! Car exterminer les méchants, c’est faire place nette pour qu’une nouvelle génération de méchants puisse, un jour, prendre les commandes ; la nature humaine blessée par le péché originel rend ce scénario inéluctable. Cette image de la lumière venant dans les ténèbres est une image absolument extraordinaire quand on y réfléchit bien. Il suffira d’une toute petite lumière pour mettre en échec les ténèbres. Dès qu’il y a la moindre petite lumière, les ténèbres commencent à être vaincues et il suffit de parier sur la propagation de la lumière pour annoncer la défaite des ténèbres C’est cette stratégie que Dieu a choisie en envoyant Jésus et c’est d’ailleurs ce que St Jean développera dans son prologue : La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Jn 1,5

Oui, c’est une stratégie gagnante car, désormais, en tout point du monde où il y a un chrétien, la lumière de Jésus est présente et les ténèbres deviennent moins épaisses. Enfin cela est vrai à condition que les chrétiens ne jouent pas contre leur camp ! A chaque fois que nous choisissons de faire le jeu du Prince des Ténèbres, nous ralentissons la victoire de la Lumière de l’amour sur les ténèbres de la violence, de l’égoïsme.

Alors, Seigneur, nous te le demandons, viens guérir nos yeux souvent incapables de voir toutes ces petites lumières d’espérance qui s’allument un peu partout dans le monde. Viens guérir nos cœurs pour que nous ne soyons pas de ceux qui préfèrent maudire sans cesse les ténèbres plutôt que d’allumer une lumière aussi fragile soit-elle.

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