21 novembre bis : homélie avec les textes du lundi de la 34° semaine pour continuer le commentaire de l’Apocalypse 14, 1-3.4b-5

Voilà l’homélie que j’avais préparée avant de m’en rendre compte que ce n’étaient pas les bons textes en ce jour où nous fêtons la Présentation de la Vierge Marie.

Samedi nous étions en compagnie des deux témoins qui représentaient finalement tous les chrétiens qui annoncent la Parole. Ils sont tous successeurs de Moïse et d’Elie, s’appuyant sur la Loi et les prophètes dans leur prédication. Ils sont aussi dans la lignée de Pierre et Paul qui ont payé de leur vie la fidélité à la mission reçue de proclamer à temps et à contre-temps. Tous ceux qui annoncent la Parole sont des phares pour leurs contemporains puisqu’ils leur indiquent le bon chemin, celui qui ne mène pas à la perdition. Oui, mais voilà, je le disais, les phares attirent les moustiques et même plus que les moustiques puisque la Bête va se déchainer contre eux. Je rappelle que la 1° Bëte représentait l’Empereur et l’Empire romain, qu’elle tenait sa puissance du Dragon, le Satan, mais qu’elle n’était pas le Satan et que son chiffre était 666, un chiffre qui dit la puissance, mais la puissance incomplète. Quant à la 2° Bête, elle représentait la religion impériale érigée en religion d’Etat, la seule ayant droit de cité. Voilà c’était un résumé rapide du dernier épisode, résumé rendu nécessaire par la coupure du dimanche qui nous a plongés dans un autre univers avec la fête du Christ, Roi de l’Univers.

C’est donc dans ce contexte qu’apparait la vision de l’Agneau, vision qui nous a été rapportée dans la 1° lecture. Quelle disproportion entre cette figure de l’agneau et les descriptions des bêtes ! L’agneau, c’est le symbole même de la fragilité de la douceur, alors que les bêtes apparaissaient comme la force personnifiée que rien ne semble pouvoir arrêter. Oui, mais voilà, la victoire ne sera pas là où la logique semblait la mettre d’emblée. Les bêtes seront terrassées et l’Agneau l’emportera comme si c’était la scène du combat de David contre Goliath qui se rejouait, Goliath dont, je l’ai dit, la puissance était peut-être impressionnante mais imparfaite puisqu’il mesurait 6 coudées et que la pointe de sa lance pesait 600 sicles de fer. Le géant sera vaincu par la lance du petit David comme la Bête sera vaincue par la puissance désarmée de l’agneau.

En donnant sa vie, l’Agneau nous a acquis la victoire, c’est ce qu’affirme cette vision des 144000 qui parviennent, en suivant l’Agneau, devant le trône. 144000, ce n’est pas comme le prétendent tant de sectes dont les témoins de Jéhovah, le nombre de ceux qui seront sauvés, mais la totalité de l’éternel et nouveau Peuple de Dieu car 144 000 est un multiple de 12, multiple qu’on pourrait quasiment qualifier d’infini. 12, c’est le nombre des tribus, c’est le nombre des apôtres, c’est le nombre qui définit le peuple de Dieu. 12 peuples de l’Ancien Testament multiplié par les 12 colonnes du nouvel Israël, l’Eglise, multiplié par 1000, c’est bien la totalité de l’humanité qui est invitée à marcher derrière l’agneau et à chanter le cantique des sauvés comme les hébreux le chantaient après avoir échappé à la mort en traversant la mer Rouge. 

Permettez-moi une petite digression sur les Témoins de Jéhovah. Leur interprétation restrictive du nombre des sauvés, limité à 144000, pourrait nous faire sourire si ça n’avait pas tant de conséquences dramatiques. Une amie est allée, un jour, dans une salle du Royaume participer à une Cène. Elle travaillait avec une collègue Témoin de Jéhovah et elle a voulu voir et elle m’a raconté. C’est triste à pleurer ! Au moment de la communion, ils font circuler un plateau avec le pain sur lequel a été prononcé les paroles de Jésus au cours de son dernier repas et celui qui préside annonce : seuls ceux qui ont la certitude d’être sauvés peuvent se servir ! Vous imaginez facilement ce qui se passe et personne ne se sert, comment oser prétendre appartenir à ce groupe de privilégiés de 144000 ? Vous entendrez la différence avec l’invitation du prêtre qui dit : Heureux les invités au repas des noces de l’agneau ! Revenons au texte !

Vous avez entendu ce qui nous était dit : les 144000 portent, inscrits sur leur front, le nom de l’Agneau et celui de son Père. Si vous aimez la marche en montagne, vous avez forcément vu ces troupeaux de moutons dont chaque bête est marquée pour dire à qui elle appartient, pour qu’il n’y ait pas de litige quand deux troupeaux se rencontrent. Eh bien, tous ceux qui veulent accueillir le Salut porteront, inscrits sur leur front, le nom de l’Agneau et celui de son Père. C’est-à-dire que le berger de ce troupeau défendra ceux qui lui appartiennent, il sera prêt à tout pour eux. Pour les chrétiens qui entendaient ces textes dans leurs assemblées liturgiques, immédiatement, devaient monter dans leurs cœurs l’allégorie du bon berger développée au chapitre 10 de St Jean qui montre justement jusqu’où le bon berger est prêt à aller pour défendre son troupeau.

Nous en avons encore la confirmation, tous les détails qui sont donnés dans cette grande vision que Jean rapporte sont là pour soutenir l’espérance des chrétiens qui auront, c’est vrai, encore à souffrir mais qui, par leur fidélité, obtiendront la victoire. C’est dans cette perspective que je voudrais souligner cette Parole que nous avons entendue : « Ceux-là suivent l’Agneau partout où il va. » Oui, la victoire sera bien pour les chrétiens et non pour ceux qui les persécutent, mais à condition que les chrétiens suivent leur maître partout où il est passé, c’est-à-dire en étant prêts à accepter, à son image, à sa suite et forts de sa grâce, de donner leur vie si cela est nécessaire. L’histoire encore récente nous a montré que ces paroles étaient vraies. Partout où des forces considérables ont été lancées pour supprimer la foi chrétienne, des forces ayant la puissance des bêtes de l’Apocalypse, elles n’ont pu venir à bout de la fidélité sans faille et de la résistance pacifique des chrétiens. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à penser à l’échec des efforts considérables, des moyens impressionnants que le marxisme a déployé dans les pays de l’Europe de l’Est pour anéantir définitivement la foi chrétienne. C’est vrai, bien des chrétiens sont morts, mais ceux qui voulaient tuer la foi n’ont réussi qu’à la rendre plus vivante ! Et n’oublions pas ceux qui en Chine, en Corée, au Vietnam et dans un certain nombre d’autres pays d’Asie ou de pays gouvernés par un islamisme intransigeant vivent encore dans cette situation terrible de persécution, soutenons-les par notre prière fraternelle et fidèle et croyons, comme le dit Tertullien que le sang des martyrs est une semence de chrétiens.

Dans le prolongement direct de ce que je viens de dire, j’aimerais aborder, en quelques mots, l’Evangile, ce fameux texte de l’obole de la veuve. Jésus est dans le Temple, il vient d’enseigner et de s’affronter une nouvelle fois avec les responsables religieux et, dans le Temple, il observe ce qui se passe. Tout le monde est très impressionné par ces riches qui font toute une mise en scène pour que personne ne puisse douter de leur générosité. Ils devaient faire glisser les pièces les unes après les autres pour qu’on ait bien le temps de compter ce qu’ils donnaient et, au bruit que les pièces faisaient en tombant dans le trésor, on comprenait bien qu’il s’agissait de pièces de valeurs. Quand ces riches s’en vont, le spectacle est terminé, l’arrivée d’une pauvre veuve n’intéresse personne… oui, personne, sauf Jésus ! Et lui, il va souligner que le geste de cette femme vaut bien plus que celui de tous ceux qui viennent de se donner en spectacle. 

Pour le souligner, il a d’ailleurs des mots étonnants : « elle a pris sur son indigence, c’est-à-dire sur sa pauvreté : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. » En fait, on ne sait pas bien comment traduire les mots qui sont utilisés en grec parce que Jésus parle de ce qui lui manque, c’est-à-dire qu’elle a pris sur ce qui lui manquait déjà, c’est dire qu’elle a vraiment fait un don exceptionnel. Certes en valeur absolue, ce don n’est pas important mais en comparaison des autres, il a une valeur exceptionnelle. Les autres ont certes beaucoup donné, mais ils ont encore plus gardé, alors que cette femme, elle n’a rien gardé, ce qu’elle a donné lui manque déjà, mais elle l’a donné quand même. Autant dire qu’en donnant ces deux piécettes, finalement, c’est sa vie qu’elle a donnée. Nous restons donc bien dans le thème développé dans la lecture de l’Apocalypse. Et cette manière de nous donner, à la suite de cette pauvre veuve nous concerne sans doute plus que le martyr. 

Voilà le don qui plait au Seigneur, voilà le don qui a de la valeur aux yeux du Seigneur. Mais alors une question vient : quand nous donnons, est-ce que nous nous donnons vraiment ? Quand nous donnons du temps au Seigneur, est-ce simplement le temps qui nous reste que nous lui donnons ou est-ce le temps dont nous aurions vraiment besoin ? S’agit-il de notre superflu ou de l’essentiel ? Nous avons sûrement déjà fait cette expérience : quand nous ne donnons au Seigneur que notre temps superflu, ce don ne produit pas grand-chose dans notre vie. Par contre, quand nous lui donnons un temps qui nous serait tellement précieux pour faire autre chose d’urgent et d’essentiel, ce don va avoir une fécondité étonnante. Nous voyons qu’un problème qui nous inquiétait va enfin se régler, qu’on trouve plus facilement les mots justes pour parler à telle ou telle personne. Bref, la fécondité du don dépend de notre investissement ; quand nous allons jusqu’au don de nous-mêmes, la fécondité sera forcément au rendez-vous. Seigneur, Toi, tu t’es donné jusqu’au bout et nous allons recevoir dans cette Eucharistie le fruit de ce don, qu’il soit notre force pour que nous puissions, à l’image de cette pauvre veuve toujours mieux nous donner.

Cet article a 2 commentaires

  1. Jean Marc Franchellin

    Merci encore pour cette homélie, donc double travail pour l’homélie avec les lectures du jour !
    Comme déjà dit, ce n’est pas ce que nous avons qui est important mais ce que nous en faisons. Que ce soit notre temps notre argent ou notre savoir. En fait, si nous laissons parler notre petite voix, notre conscience, notre vie sera ajustée à celle de jésus.
    « que servira-t-il donc à l’homme de gagner le monde entier s’il ruine sa propre vie »?

  2. Adéline

    Merci de nous parler des « moutons marqués »… Très belle image. Et puis d’ « accepter de passer partout où il est passé ». Et enfin, de la « fécondité du don ».

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