24 novembre : jeudi 34° semaine ordinaire. L’annonce de la chute de Babylone … mais qui est cette Babylone, grande prostituée ?

Cette lecture d’aujourd’hui, elle est importante, pour au moins deux raisons. D’abord elle nous parle de la chute de cette fameuse Babylone qui a fait couler et qui continue de faire couler tant d’encre ! Et puis, elle nous a fait entendre, en final, l’invitation que le prêtre reprend avant chaque communion, depuis la mise en service du nouveau missel, il y a juste un an : « Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » Alors commençons par Babylone et ensuite nous chercherons à entrer dans une plus grande compréhension de cette invitation liturgique, pourquoi la liturgie a-t-elle voulu nous faire entendre cette Béatitude de l’Apocalypse pour nous encourager à venir communier et pour nous aider à comprendre le sens de cette démarche.

Qui est cette Babylone dont la chute fait tant plaisir à l’Ange qui l’annonce ? Cette chute lui fait d’ailleurs tellement plaisir qu’il n’hésite pas à aligner tous ses titres maléfiques : tanière de démons, repaire de tous les esprits impurs, repaire de tous les oiseaux impurs, repaire de toutes les bêtes impures et répugnantes ! C’est vrai que lorsqu’on les entend tout ça, à l’annonce de sa chute, on a envie de crier : bon débarras ! Oui, mais qui est visé ? Quantité de sectes évangéliques, dans le cas présent je préfère dire sectes qu’Eglises, n’hésiteront pas à voir dans cette description de Babylone, la grande prostituée, l’Eglise catholique. Je suis allé vérifier sur internet en tapant Babylone prostituée, très vite, on vous propose : Babylone prostituée Eglise catholique et là vous tombez sur les sites de ces sectes évangéliques. Pour être honnête, j’en ai quand même trouvé un qui dit que l’Eglise catholique a beaucoup évolué et bien évolué mais le site propose quand même un lien pour démontrer que cette association entre Babylone et l’Eglise Catholique a quand même de bons fondements ! Ce n’est pas d’aujourd’hui que cette association est faite, Dante le disait déjà explicitement, Luther et Calvin le reprendront après lui. Il faut dire qu’à l’époque, dans l’Eglise Catholique, tout n’était pas joli, joli ! J’imagine que le dévoilement de scandales à répétition dans notre Eglise ne va pas arranger notre cause auprès de ceux qui continuent à faire ce parallèle !

Que peut-on dire ? D’abord reconnaitre qu’il a pu y avoir des moments où le rapprochement entre Babylone et l’Eglise Catholique, de fait, était quasiment mérité. Rappelons-nous la grande célébration de repentance lors du grand Jubilé de l’an 2000 que Jean-Paul II a imposée contre l’avis de certains cardinaux. Dans cette célébration, l’Eglise Catholique a demandé pardon pour tous ses errements, dont acte. Alors, oui, il y a encore des scandales aujourd’hui, mais ils ne sont plus cachés et, hélas, nous découvrons qu’aucune Eglise n’est parfaitement indemne. Si jamais l’Eglise catholique était la grande prostituée, ses Eglises sœurs seraient aussi des prostituées, plus petites, sans doute, mais prostituées quand même ! Arrêtons donc ces anathèmes que nous nous jetons en pleine face ; face à l’incroyance grandissante, les chrétiens ont mieux à faire que de s’invectiver mutuellement. Unissons-nous plutôt pour annoncer, comme le dit le livre des Actes, qu’il n’y a pas d’autre nom que le Nom de Jésus par lequel nous puissions être sauvés ! Ac 4,12

A l’origine de cette lecture malheureuse de l’Apocalypse, il y a la méconnaissance radicale de ce qu’est le prophétisme biblique. Dans la Bible, les prophéties ne sont jamais des prédictions comme peuvent en faire les astrologues, les voyants. Un prophète dans la Bible, c’est quelqu’un qui est appelé au nom de Dieu pour réveiller le peuple. Dieu lui demande d’oser porter un regard objectif sur la situation vécue dans le présent, pas le regard que posent les faux-prophètes et qui sont payés pour dire : tout va très bien Mme la marquise ! Non, le prophète est lucide, alors il rappelle au peuple qu’il est le peuple de l’Alliance et que s’il ne vit pas en respectant l’Alliance, tout le monde ira droit dans le mur … et ça ne sera pas la faute de Dieu qui punirait. Le code de l’Alliance, les 10 paroles de vie, la Loi sont donnés pour nous aider à marcher sur le chemin de la vie, quand on quitte ce chemin, il ne faut pas s’étonner de se retrouver sur un chemin de mort. Les prophètes n’annoncent donc pas des événements dont ils auraient eu une connaissance surnaturelle, ils invitent, au nom de Dieu, à regarder la situation en face et à choisir le bon comportement pour rester sur le chemin de la vie. Jésus, dans les chapitres apocalyptiques que nous lisons en ce moment, nous invite d’ailleurs à nous méfier de ces pseudo-prophètes qui font des prédictions. Mardi, dans l’Evangile, il disait fermement : Ne marchez pas derrière eux !

Le livre de l’Apocalypse n’est donc pas un livre de prédictions qui annoncerait des catastrophes que seuls les initiés au symbolisme particulier du livre seraient capables de nommer. Hélas, dans les sectes, comme un pratique une lecture fondamentaliste, les règles d’interprétation leur échappe complètement. Le livre de l’Apocalypse parle d’abord du présent de ceux qui en sont destinataires. La seule prédiction que fait le livre, c’est que la victoire reviendra à l’Agneau, mais c’est tout ! Alors, c’est vrai que, au-delà des chrétiens persécutés du 1° siècle à qui le livre était adressé, il nous parle encore, à nous aujourd’hui, mais essentiellement pour nous dire : faites très attention car les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets !

C’est donc clair, Babylone, la prostituée vise bien Rome, mais non pas l’Eglise de Rome au cours des siècles, mais l’Empire romain de la fin du 1° siècle. Et, le message de l’Apocalypse nous permet de dire que, si dans la suite de l’histoire, d’autres empires entrent dans le même fonctionnement, ils connaitront le même sort. Il nous permet aussi de dire que, si des Eglises, à un moment donné, se mettent à utiliser les mêmes stratégies que ces empires scélérats, elles subiront le même sort parce que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets ! Si j’avais un peu plus de temps, je pourrais montrer comment l’évocation de l’incendie, à la fin du texte, apporte de l’eau à mon moulin. Il est évident que cet incendie dont il est question évoque celui de Rome déclenché par Néron un soir de beuverie. Voilà ce qui arrive quand on laisse des personnes aussi corrompues gouverner. L’Apocalypse ne fait que relire les événements vécus en invitant à en tirer courageusement toutes les leçons qui s’imposent.

Venons-en maintenant à la béatitude finale de la lecture d’aujourd’hui : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! C’est la 4° des 7 béatitudes qui rythment le livre de l’Apocalypse, et c’est la formule qui a été retenue dans la nouvelle traduction du Missel Romain pour nous inviter à communier. L’invitation de la traduction précedente, « Heureux les invités au repas du Seigneur », avait, elle aussi, ses titres de noblesse puisque l’expression « Repas du Seigneur » est tirée de la 1° épitre aux Corinthiens (11,20) et sera largement utilisée dans les premiers siècles pour désigner l’Eucharistie, on avait juste rajouté : heureux les invités. Cette nouvelle formule a le mérite de reprendre telle quelle, sans ajout, la formulation de la Béatitude citée dans l’Apocalypse. Cette formule met l’accent sur deux points essentiels : 1°, quand je communie à la messe, je vis, comme par anticipation, la communion pleine et définitive que je vivrai dans le Royaume. Chaque communion est un moment d’éternité anticipée. Mais vite, il me faut retrouver la réalité et c’est la 2° signification de la formule car cette invitation est inscrite en plein cœur d’un combat. Autrement dit, l’invitation à venir se nourrir de l’Eucharistie n’est pas réservée à ceux qui ont une vie déjà toute bien réglée, ceux qui sont déjà quasiment des anges ! Non ! L’invitation est faite à ceux qui sont dans le combat et qui, souvent, n’en voient pas le bout, chacun connait ses combats, les combats qui pourraient l’épuiser, les chutes qui pourraient le décourager s’il ne recevait pas la force de l’Eucharistie. Si j’osais une comparaison militaire, l’Eucharistie, c’est la ration du soldat !

L’année dernière pour la fête du Saint Sacrement, le pape François avait exprimé cela avec des mots percutants, comme il sait si bien le faire, je le cite : C’est dans la nuit où il est trahi que Jésus nous donne le Pain de la vie. Il nous offre le don le plus grand alors qu’il éprouve, dans son cœur, l’abîme le plus profond : le disciple qui mange avec Lui, qui trempe sa bouchée dans le même plat, est en train de le trahir. Et la trahison est la plus grande douleur pour celui qui aime. Et que fait Jésus ? Il réagit au mal par un bien plus grand. Au “non” de Judas il répond par le “oui” de la miséricorde. Il ne punit pas le pécheur, mais il donne sa vie pour lui. Quand nous recevons l’Eucharistie, Jésus fait la même chose avec nous : il nous connaît, il sait que nous sommes pécheurs et que nous faisons tant d’erreurs, mais il ne renonce pas à unir sa vie à la nôtre. Il sait que nous en avons besoin, parce que l’Eucharistie n’est pas la récompense des saints mais le Pain des pécheurs. C’est pourquoi il nous exhorte : “Prenez et mangez”.

Que l’Esprit-Saint nous donne d’intégrer le sens de ces paroles pour qu’elles nous fassent vivre et même vibrer quand, dans quelques instants, nous entendrons : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau. Pensons que nous recevons l’Amour désarmé de celui qui a combattu pour nous afin que nous soyons rendus forts pour traverser les épreuves qui se présentent à nous, quelles que soient ces épreuves. C’est là que nous trouvons la force de ne jamais baisser les bras, de rester combattants jusqu’au jour où nous n’aurons plus besoin de communier car nous serons pour toujours en communion avec Lui.

Cette publication a un commentaire

  1. Ngendakuriyo

    Un ami qui a quitté l’eglise catholique pour rejoindre une eglise evangelique ici au Rwanda m’avait dit que dans sa nouvelle eglise, on traitait le catholicisime comme l’islam, avec cette homélie je comprends un peu la source. Merci pere Roger.

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