24 novembre : moisson et vendange du jugement pour que cesse le déferlement du mal

Ces images des moissons et des vendanges que l’on retrouve dans l’extrait d’aujourd’hui évoquent le jugement dernier, la mention du Fils de l’Homme qui siège sur la nuée confirme cela. Nous avons entendu que c’est un ange qui supplie que la moisson ait lieu, que la vendange ait lieu, il supplie justement parce que le mal a assez fait de victime et il est temps que le jugement de Dieu triomphe. Et, à ce sujet, je vous rappelle ce que je disais dimanche, le jugement du Seigneur mettra fin au mal qui sera jeté au feu éternel avec le diable : le mal ne passera pas les portes de l’éternité.

On imagine que les chrétiens persécutés qui entendront ce message de Jean l’accueilleront comme une très bonne nouvelle : les anges sont en train d’intercéder en faveur des persécutés pour que le Seigneur mette fin à leurs épreuves et prononce son jugement qui scellera la défaite des forces du mal. C’est fort de cette foi en la victoire du Seigneur qui ne laissera pas le mal l’emporter que des chrétiens, tout au long des siècles, ont pu tenir fermement dans la foi malgré tout ce qu’on a pu leur faire subir. Et puisque nous célébrons aujourd’hui les saints martyrs du Vietnam, j’aimerais m’arrêter un peu sur leur histoire absolument exemplaire qui illustre à merveille le grand principe de Tertullien qu’on aime répéter : le sang des martyrs est une semence de chrétiens. Peut-être plus que toute autre l’Eglise du Vientnam a été ensemencée par le sang de ses si nombreux martyrs.

La liturgie et le martyrologe nous fait retenir le nom du père André DUNG-LAC et de 116 compagnons qui donnèrent leur vie dans au moins 6 grandes campagnes de persécution qui se succédèrent sur 150 ans. Mais si nous avons la liste de ces 117 martyrs, en fait, ce sont plus de 130 000 chrétiens qui donneront leur vie en fidélité à leur foi. Et, aujourd’hui, le culte de ces martyrs est très important, dans l’Eglise du Vietnam qui est loin de pouvoir vivre dans une liberté totale. J’écoutais hier soir l’interview d’un évêque qui expliquait que chaque chrétien vietnamien reconnait que le sang d’un de ces martyrs coule dans ses veines et qu’il doit se montrer digne de cet héritage. Ce qu’ils ont eu à subir a été vraiment terrible : dans les montagnes, les forêts, les régions insalubres où ils avaient été relégués et exilés, ces cent trente mille chrétiens dont des évêques, des prêtres, des religieux, des laïcs, d’origine vietnamienne ou européenne, de tout âge ont été décapités, étranglés, brûlés vifs, écartelés, torturés et pour la plupart enterrés de manière anonyme sans qu’on ne puisse, par la suite retrouver leurs corps. 

En 1988, Jean-Paul II en canonisa 117 d’entre eux dont Saint André Dung Lac. De parents païens, très pauvres, il fut confié dès l’enfance à un catéchiste. Il devint prêtre en 1823, et missionnaire en différentes localités. Plus d’une fois libéré de prison grâce aux rançons payées généreusement par les fidèles, il disait : « Ceux qui meurent pour la foi montent au Ciel ; au contraire, nous qui nous cachons continuellement, nous dépensons de l’argent pour nous soustraire aux persécuteurs ! Il vaudrait mieux nous laisser arrêter et mourir ». C’est ce qui finira par lui arriver. Le Père André fut décapité à Hanoï le 21 décembre 1839.

Et alors, si on met en parallèle cette histoire de martyrs avec l’évangile dans lequel Jésus annonce la destruction du Temple, ça devient très beau. Le Temple de Jérusalem apparaissait comme un monument indestructible tant il était imposant. Il fut détruit une première fois et reconstruit au retour de l’Exil. Il sera détruit à nouveau pour ne plus jamais être reconstruit. Dans le monde entier les gens ont assisté quasiment en direct au drame de l’incendie de Notre Dame de Paris. Même les plus grands, les plus prestigieux des monuments peuvent disparaitre en un rien de temps. 

Les églises de pierre n’ont pas les promesses de la vie éternelle, par contre, l’Eglise, Corps du Christ, elle, rien ni personne ne pourra la faire disparaitre. De tous temps les tyrans, de l’extérieur, s’y sont employés et, ces derniers temps, les scandales à répétition nous ont montré que le risque était grand que ce soit de l’intérieur de l’Eglise qu’il y ait la destruction la plus terrible. Mais nous pouvons en être sûrs, ni de l’extérieur par ceux qui ont voulu la détruire, ni de l’intérieur par ceux qui ont voulu s’en servir pour assouvir leurs passions criminelles, personne ne pourra jamais la faire disparaitre. Des persécutions, l’Eglise est sortie souvent épuisée mais, renforcée à terme parce que le courage des martyrs devenait contagieux. A n’en pas douter, de tous ces scandales, l’Eglise sortira aussi épuisée, affaiblie mais purifiée donc plus évangélique et apte à relever le grand défi de l’évangélisation.

Puisse l’Esprit qui a soutenu les martyrs nous soutenir aujourd’hui pour que nous devenions des témoins toujours plus crédibles car nous le savons le mot grec « martyros » qui a donné martyr se traduit en français par le mot témoin. Ce qui signifie qu’on ne peut pas être des témoins authentiques, des témoins crédibles sans s’engager totalement, en donnant le meilleur de soi-même jusqu’à donner sa vie. Et, grâce à Thérèse de Lisieux, nous savons qu’il y a deux formes de martyr, le martyr de sang dans lequel on donne sa vie en une fois et le martyr d’amour dans lequel on donne sa vie geste d’amour après geste d’amour. Que l’Esprit-Saint nous encourage et nous accompagne pour que nous nous engagions toujours plus dans ce martyr d’amour et qu’il nous aide à croire que la vie donnée de tous les martyrs, qu’il s’agisse du martyr de sang ou du martyr d’amour est une semence de chrétiens. Ce qui assure la fécondité de l’évangélisation, ce n’est pas la mise en place de telle ou telle technique, c’est la vie donnée sans retenue de ceux qui évangélisent. Qu’il en soit ainsi pour nous.

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