28 avril : Saint Pierre Chanel, l’homme au bon coeur !

Aujourd’hui, je ne commenterai pas les textes que nous venons d’entendre et je vous parlerai d’un autre martyr que le martyr d’Etienne, je veux parler de St Pierre Chanel que nous fêtons. Comme je l’ai dit en introduction de la messe, dans les Foyers, on entend plus souvent parler de St Louis-Marie Grignon de Montfort dont c’est aussi la fête, je n’ai donc pas de scrupule à mettre plutôt en avant Pierre Chanel. Et St Louis-Marie Grignon de Montfort ne m’en voudra pas puisque la devise de Pierre Chanel était : Aimer Marie et la faire aimer ! Je vous parle d’autant plus volontiers de St Pierre Chanel que c’est un saint de chez moi, de mon diocèse. Alors, pour vous le présenter, vous me permettrez d’être un peu plus long que d’habitude … mais c’est un voyage 16500 km que je vous propose, on ne peut donc pas le faire en 5 minutes !

Pour vous le situer, le curé d’Ars avait 17 ans quand il est né … mais peut-être que vous n’avez pas envie de vous livrer à cet exercice de calcul mental ou peut-être que vous ne connaissez pas l’année de naissance du curé d’Ars. Pierre Chanel est donc né en 1803 dans un petit hameau, Cuet, d’un gros bourg de la Bresse qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de Bourg-en-Bresse. Comment en étant originaire d’un trou perdu peut-on finir Saint Patron de l’Océanie ? On peut vraiment dire que ça fait partie des itinéraires absolument improbables que Dieu aime tant imaginer et réaliser ! Peut-être qu’à une échelle moins grande, bien sûr, certains parmi nous pourraient témoigner de cet itinéraire absolument improbable qui les a conduits jusqu’ici … c’est mon cas ! Il est bon de temps en temps de faire mémoire des événements qui ont, brusquement ou plus lentement, réorienté notre vie. C’est finalement ce que nous étions invités à faire dans le parcours de gratitude en notant les 15 événements majeurs de notre vie, si vous ne l’avez pas encore fait, c’est toujours temps et peut-être que cette histoire de Pierre Chanel est une invitation à vous y remettre pour voir que rien n’arrive par hasard.

Revenons à Pierre Chanel. De même que Jean-Marie Vianney devra tout à son maître, l’abbé Balley, Pierre Chanel devra tout au curé Trompier qui était un homme très instruit, curé d’un petit village proche du hameau où il habitait. En allant se confesser, le curé Trompier passait devant la ferme des parents Chanel, il a fini par remarquer ce garçon à qui il a posé la question de la vocation. Comme ça se faisait à l’époque, il le prendra dans son presbytère avec d’autres garçons pour les préparer au séminaire. Je l’ai dit, ce prêtre était très instruit, il aimait lire et il recevait, dans son presbytère, « les lettres édifiantes et curieuses » qui étaient les récits que les missionnaires jésuites écrivaient pour raconter leur vie et espérer lever des fonds pour leurs missions. 

Pierre va se passionner pour cette lecture et très vite rêver de devenir missionnaire, on sait même de manière assez précise quand il a eu cette idée pour la 1° fois. Et c’est une belle histoire pleine d’enseignement. Quand il était sur l’ile de Futuna, Pierre Chanel parle un jour avec le frère Marie Nizier qui était venu avec lui. Le frère est bien plus jeune que lui et Pierre Chanel lui demande en quelle année il est né. Le frère lui répond en 1817, Pierre lui dit alors : c’est l’année où pour la première fois j’ai pensé aux missions. Retrouvant cette confidence, le père Rozier historien mariste, a fait des recherches pour savoir ce qui avait bien pu se passer cette année-là dans la vie de Pierre Chanel. Et il découvre que c’était l’année de sa première communion. Il a fait sa 1° communion assez tard, mais c’était la coutume à l’époque. 

La lecture des lettres édifiantes avait éveillé en lui le goût de l’aventure, sa première communion va le faire aller encore plus loin. Il reçoit le Christ et ne veut pas garder ce don extraordinaire pour lui, il veut le transmettre. 

C’est une belle illustration de cette affirmation que j’aime tant, c’est de Jean-Paul II dans Novo millenio ineunte n° 40 : « Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer. »

Ce projet missionnaire sera entretenu par le supérieur du petit séminaire, le père Loras qui était le compagnon de formation du curé d’Ars et qui deviendra évêque de Dubuque aux Etats-Unis. Il avait repéré 3 jeunes, dont Pierre Chanel, chez qui il entretenait la flamme missionnaire espérant les emmener avec lui quand le moment serait venu. 

C’était très beau de voir cette ardeur missionnaire à cette époque de l’Eglise parce que, au sortir de la Révolution française, l’Eglise de France avait perdu pratqiement les 2/3 de son clergé. On aurait pu penser que l’urgence était d’envoyer des prêtres chez nous ! Eh bien, non, on garde le souci des missions au loin. En relisant un article, j’ai retrouvé une déclaration d’un prêtre savoyard qui deviendra vicaire apostolique des Deux-Guinées et qui disait :« L’Eglise Catholique n’a de frontières que celles du monde et l’un des moyens les plus efficaces de conserver la foi dans nos contrées, c’est de la propager  dans les régions infidèles. » Peut-être devrions-nous, en ces temps de pénurie, nous laisser encore inspirer par ces paroles !

Je passe sur les détails, Pierre Chanel devient prêtre, il va être nommé vicaire à Ambérieu-en-Bugey où j’ai moi-même été et ma chambre était à côté de celle qu’il occupait à l’époque. Parce qu’il rêve de devenir missionnaire, il demande à son évêque de l’envoyer en mission, mais l’évêque a besoin de lui pour une paroisse où il y a de gros problèmes. En 1828, il est nommé curé dans un village de montagne proche de la Suisse ce qui ne plait pas à son père qui se plaindra à l’évêque en lui disant qu’il n’a pas donné son fils à l’Eglise pour qu’il soit envoyé « chez les ours du Pays de Gex » ! On n’a jamais su si le père de Pierre parlait des habitants ou s’il pensait qu’il y avait des ours ! On ne connait pas ses paroles quand il apprendra la nouvelle du départ de son fils pour l’Océanie, un départ, faut-il le préciser, sans espoir de retour !

Comme son appel missionnaire se précise, Pierre demande à entrer chez les maristes, jeune congrégation qui a reçu la mission d’évangéliser l’Océanie. La veille de Noël 1836, après des semaines d’attente d’une météo favorable, il embarque au Havre sur un bateau avec un certain nombre de maristes qui ne savent pas où ils vont sinon en Océanie ! C’était la manière de faire de l’époque, le bateau s’approchait d’une ile et si l’accueil semblait favorable, on débarquait deux missionnaires, un père et un frère. Il fallait rester prudent car un certain nombre de ces iles étaient connues pour être anthropophages ! Après 11 mois de navigation, le 8 novembre 1837, Pierre Chanel est débarqué à Futuna, une toute petite ile, 40 km de tour, 1000 habitants ! Vous vous rendez compte 11 mois de voyage pour convertir 1000 personnes, j’en suis toujours émerveillé … quelle ardeur missionnaire ! 

Il s’installe avec le frère Marie-Nizier car le compagnon, son ami le père Bret, prévu pour être avec lui est mort dans la traversée ! Pendant de longs mois, il est hébergé dans la case du roi Niuliki et fait de gros efforts pour apprendre la langue. On imagine la difficulté que ça peut représenter quand il n’y a personne pour vous l’apprendre ! Mais pour évangéliser, il faut connaître le plus vite possible la langue. Les premiers missionnaires ont fait, à ce niveau, un travail extraordinaire, et tout ça par amour pour Jésus, pour que son nom puisse être connu et aimé. A Futuna, Pierre Chanel ne fait rien d’exceptionnel, la vie dans sa mission ressemblait à la vie dans toutes les missions avec la préoccupation première de pouvoir, le plus vite possible, célébrer une 1° messe pour que Jésus se rende présent sur cette terre. 

C’est après quelques semaines, le 8 décembre 1837, qu’il peut construire une case chapelle et célébrer enfin la messe … mais, à cette époque, le 8 décembre n’était encore pas le 8 décembre puisque le dogme de l’Immaculée Conception ne sera proclamé que 17 ans plus tard ! C’est la nuit de Noël qu’il a choisie pour célébrer la 1° messe publique. On se doute qu’un tel rite parait bien étrange aux habitants d’autant plus qu’on est bien avant Vatican II et qu’il n’est pas question d’inculturation, la messe se célèbre dans la rigidité du rite tridentin ! Toutefois les gens sont assez attirés par le décorum de Noël qu’il avait pu installer, hélas, le lendemain, il n’y a plus de décorations et ça ne les intéresse plus !

Pour essayer de se faire adopter par les gens, il a fait ce que tous les missionnaires faisaient, c’est-à-dire : rendre de multiples services d’infirmier, de coiffeur par exemple. On peut dire sans risque de se tromper que, s’il n’était pas mort martyr, aujourd’hui, on n’entendrait plus parler de lui ! Il a quand même eu un bel apostolat. A son arrivée, l’ile était sans arrêt en guerre car, sur ce territoire minuscule, il y avait deux royaumes qui s’affrontaient sans cesse pour avoir la suprématie sur l’ensemble de l’ile. A force de patience et d’amour, il va réussir à faire des ponts et amener la paix ce qui lui vaudra le surnom d’homme au bon cœur.

Son influence est grandissante, mais on peut dire qu’il n’a encore pas eu la joie d’accueillir une vraie conversion et ça devait être bien difficile pour lui après 3 ans ½ de voir que le désert ne fleurissait pas. Il y a quand même un bel espoir car Meitala, le fils du roi devient de plus en plus assidu à fréquenter les enseignements du père Chanel. Du coup, Moussoumoussou, le gendre du roi se met à avoir peur : si le missionnaire arrive à convertir le fils du roi, il va avoir de plus en plus d’importance et lui, il finira par être écarté. Il monte le roi contre les missionnaires qui leur coupe les vivres. Et finalement, Moussoumoussou va prendre une décision terrible : « Que meure la religion avec celui qui l’a apportée ! » Le 28 avril 1841, il monte un guet-apens, il arrive dans la case du père Chanel en lui faisant croire qu’il vient de se blesser et qu’il a besoin de soins, étant entré, il se saisit d’un outil et fracasse le crâne du père Chanel qui meure en disant, en futunien : Malié Fuaï, Malié Fuaï … ce qui signifie : c’est bien quand même ! Il meurt à 37 ans après seulement 3 ans ½ de mission sans avoir fait de conversion et il dit : c’est bien quand même ! Quelle foi en la fécondité d’une vie donnée !

Il a eu raison de dire : c’est bien quand même, il a eu raison de croire en la fécondité d’une vie donnée puisque, aujourd’hui, Futuna est le seul lieu au monde où il y a 100% de catholiques pratiquants ! Désormais le meurtrier converti est enterré dans l’enceinte du sanctuaire érigé sur le lieu du martyr pour mieux manifester la fécondité d’une vie donnée. Cette fécondité, j’ai pu la constater quand j’y suis allé pour un merveilleux voyage. Merveilleux parce que c’est difficile d’imaginer un plus grand dépaysement, un lieu plus paradisiaque, mais merveilleux surtout parce que c’était un pèlerinage de réconciliation. Jamais un évêque de chez nous n’était allé là-bas … parce que c’était bien loin ! Mais, eux, ils l’interprétaient autrement, ils pensaient que nous n’avions pas pardonné le meurtre de l’enfant de notre pays ! Ce fut donc un temps béni, temps de joie missionnaire. Je me rappelle aussi la joie des jeunes futuniens que nous avions accueillis pour les JMJ, évidemment, la fête pour leur arrivée avait lieu à Cuet, la patrie de Pierre Chanel et descendant du car, ils étaient tellement émus de poser leurs pieds sur cette terre qu’ils considéraient comme une terre sainte disant : nous sommes nés ici ! 

Que par son intercession, notre ardeur missionnaire soit ravivée !

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    En ce 42 ème jour de confinement, nous entendant dans les Actes de ce jour, le martyr de saint ÉTIENNE.
    Et voilà que Robby H. est allez verts le Seigneur.
    Écoutons le psaume du jour : « en tes mains, Seigneur, je remets mon esprit ». Dans l’Espérance que ses fautes de mains ne l’entraîneront pas dans la mort mais dans la coupe du salut.

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