5 mars : vendredi 2° semaine carême. Noir, c’est noir ? A voir !

J’espère que, ce matin, vous ne vous êtes pas levés avec le moral dans les chaussettes parce que, si c’est le cas, il n’est pas sûr que l’écoute des textes, au moins une première écoute, ne soit en mesure de chasser les nuages bien gris qui assombrissent votre mental. Encore une fois, au moins à la 1° écoute, on se demande si on ne s’est pas trompé de livre et si les lecteurs n’ont pas été cherché ces textes dans un de ces mauvais journaux qui se délectent en étalant toutes les turpitudes de la France profonde ou de l’Israël profond, dans le cas présent. 

La 1° lecture présente cette histoire sordide d’une famille dans laquelle le père a un chouchou et il ne s’en cache pas puisqu’il lui offre à lui et rien qu’à lui des cadeaux scandaleux, comme cette tunique de grand prix. Du coup, dans un accès de jalousie ses frères décident de le supprimer, il n’échappera à la mort que grâce à l’intervention, in extremis, de l’un d’eux mais sera vendu comme esclave, sa disparition plongeant le père dans une déprime profonde que les fils restants estimeront être une expression de la justice immanente !

Quant à l’évangile, il n’est guère plus optimiste sur la condition humaine puisqu’il nous raconte les déboires d’un propriétaire de domaine qui est bien mal récompensé des efforts qu’il a faits. En effet, il a tout mis en œuvre pour que sa vigne ait une belle rentabilité, hélas, il ne trouve aucune équipe de gérance honnête. Il est confronté à une violence continuelle qui culminera dans le meurtre de son propre fils. 

Oui, vraiment, c’est un tableau de l’humanité pas très optimiste qui nous est livré à travers ces textes ! Mais de ce tableau assez déprimant, je voudrais tirer une première conclusion importante et ensuite nous essaierons d’entrer plus en profondeur dans le message de ces textes pour en découvrir le message extrêmement positif, encourageant qui nous est donné.

La 1° leçon, elle consiste à admirer le réalisme de la Bible. Parfois, des personnes disent qu’elles n’aiment pas lire le 1° Testament parce que ce sont trop souvent des histoires de violence, de guerre, de jalousie, de viols. C’est vrai qu’il y a tout cela dans la Bible, et si c’est dans la Bible, c’est parce que tout cela, c’est dans l’histoire des hommes. Toute l’histoire des hommes ne se résume pas à ça, mais ça en fait partie. Et la Bible a pris le parti de ne pas le cacher. On aurait été bien inspiré, en Eglise, d’adopter la même ligne : ne rien cacher de nos turpitudes, oser en parler parce que, si ces bassesses ne sont pas le tout de la vie de l’Eglise, elles en ont fait partie. Mais alors, ce que je trouve merveilleux, c’est l’attitude de Dieu qui ne dit pas aux hommes : devenez un peu plus fréquentables et je reviendrai vous fréquenter plus souvent ! Non, quand les hommes sont submergés par leur misère, alors Dieu décide de mettre en œuvre sa miséricorde. Notre misère sera toujours comme un paratonnerre qui attirera sa miséricorde.

Pendant 8 ans, j’ai été aussi aumônier de prison. S’il y a des détenus qui sont dans le déni et avec qui il faut faire un gros travail pour les aider à reconnaître la gravité de leur faute, il y en a d’autres qui sont enfermés dans une culpabilité tellement morbide qu’elle en pousse un certain nombre au suicide. Auprès de ceux-là, une écoute patiente et bienveillante est nécessaire. Et j’aimais justement leur dire, quand je les sentais prêts, que leur misère était un paratonnerre qui attirerait la miséricorde. Et quand ils me disaient qu’ils ne seraient jamais dignes, après ce qu’ils ont fait, d’accueillir le Seigneur, je leur expliquais que ce Seigneur qui voulait les rejoindre, il était né dans une étable où ça ne devait pas sentir la rose, alors il ne serait pas repoussé par l’état lamentable de leur cœur. On peut même dire qu’en venant dans leur cœur, il retrouverait le parfum de Bethléem … un parfum étonnant mais aux effluves de l’humanité, donc un parfum finalement très agréable pour Jésus ! 

Tout ceci, nous en parlions, bien sûr, sans jamais oublier que la justice des hommes, dans le même temps, était en train d’accomplir son œuvre qui permettrait à leurs victimes de se reconstruire et à eux-mêmes de mieux mesurer les conséquences de leurs actes. Car il est évident que la miséricorde de Dieu n’est pas une amnistie qui remettrait les compteurs à zéro comme s’il n’y avait rien eu ! Pensons à tout cela quand, nous aussi, nous nous trouvons trop moches, pas assez fréquentables pour Dieu. Pensons que notre triste histoire, nos complicités répétées avec le mal ne repoussent pas Dieu mais, au contraire, l’attirent. La misère, quand elle est clairement reconnue et jamais édulcorée, attirera toujours sa miséricorde. 

Et cette miséricorde, on la voit bien à l’œuvre dans ces textes qui racontent ces histoires sordides. Joseph vendu par ses frères va devenir comme une figure du Sauveur qui, en Jésus, viendra sauver ses frères en priant le Père de pardonner leur péché. C’est exactement ce que fera Joseph qui sauvera ses frères et tout son clan de la famine. Quand les frères envoyés par leur père en Egypte pour y acheter du blé, vont être mis, sans le savoir, en présence de Joseph qu’ils avaient tellement malmené, ce dernier ne leur dit pas : chacun son tour, c’est vous qui connaissez les problèmes, débrouillez-vous, comme j’ai appris à me débrouiller ! Le salut du clan est rendu possible par cette attitude de Joseph qui ne s’est pas enfermé pas dans la rancune, mijotant, à la manière de la mule du pape, une vengeance qui le soulagerait ! Joseph n’enfermera pas ses frères dans leur péché et il nous montre que c’est en agissant ainsi qu’il permettra à ses frères de réaliser au mieux la gravité de leur péché. Si la misère attire la miséricorde, la miséricorde révèle la profondeur de la misère. C’est bien cette prise de conscience qui aidera à s’engager sur un vrai chemin de repentir à l’égard des frères dont j’ai bafoué la dignité à cause de mon péché. Et c’est aussi cette prise de conscience qui m’aidera à me tenir dans la gratitude à l’égard du Seigneur qui ne cesse de me faire miséricorde.

Quant à l’Evangile, il présente un scénario assez semblable. Nous voyons ce maitre du domaine qui aurait pu jeter l’éponge devant tant d’ingratitude, mais qui ne se lasse pas et qui va jusqu’à envoyer son propre Fils qui subira le même terrible sort que les autres. Mais là encore, le maitre du domaine ne jette pas l’éponge en se retirant de ce bourbier comme certains lui conseilleraient de le faire, il ne fera pas non plus payer la note à ceux qui se comportent de manière si ingrate. Il leur retire simplement ce qu’ils sont incapables de gérer pour qu’ils ne continuent pas à mal se comporter. Le fait de leur retirer cette gestion n’est pas une punition, mais une expression de la miséricorde. Ça me fait toujours penser au curé d’Ars qui constatant que des jeunes venaient voler des pommes dans son jardin a fait couper le pommier pour que ces jeunes ne soient plus tentés de commettre ce péché. Il les invitait régulièrement à venir en manger, mais pour certains, c’était plus fort qu’eux, il fallait qu’ils viennent voler la nuit ou en son absence. Alors, il a supprimé la cause du péché pour que ces jeunes ne soient pas accablés par ce péché. Le Royaume est retiré à ceux qui le géraient si mal pour être confiés à d’autres qui lui feront porter des fruits, des fruits qui sont aussi destinés à ceux qui l’avaient si mal géré ! Il leur est retiré pour qu’ils n’empêchent pas ceux qui veulent y goûter de pouvoir le faire et pour que, eux aussi, au temps favorable, ils puissent enfin se délecter des fruits de ce Royaume que ceux à qui il aura été confié leur offriront généreusement.

Le temps du carême est un temps toujours propice pour expérimenter la miséricorde, n’hésitons pas à oser reconnaître notre misère pour qu’elle attire sa miséricorde et que, accueillant sa miséricorde nous vivions plus dans la gratitude à l’égard de notre Dieu si riche en miséricorde et que nous devenions aussi plus conscients et déterminés à réparer les dégâts causés par notre péché sur les autres non pas parce que Dieu exigerait réparation pour pardonner, mais parce que notre péché a forcément causé des dégâts chez les autres. Demandons que là où le péché a abondé, la grâce surabonde et restaure en nous et chez les autres, ce qui a été abimé, voire cassé, par le péché.

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    « Il leur retire simplement ce qu’ils sont incapables de gérer pour qu’ils ne continuent pas à mal se comporter »
    => cela me parle beaucoup !
    Et comme j’aimerais que cela soit appliqué dans mes turpitudes présentes! 😉

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