9 janvier : Baptême de Jésus par Jean-Baptiste : le jusqu’au bout de l’Incarnation

De cette fête du Baptême de Jésus, avec les lectures que nous avons entendues, j’aimerais retenir 3 points qui pourront nourrir notre méditation.

1/ Le lieu du Baptême. 2/ Le combat de Jean-Baptiste

3/ Ce qui se passe quand Jésus remonte des eaux du Jourdain.

1/ Le lien du Baptême. L’Evangile de Matthieu que nous avons entendu ne le précise pas ce lieu, il parle juste des bords du Jourdain en indiquant que Jésus avait quitté la Galilée pour le rejoindre. Jean, lui, prendra bien soin de le mentionner ce lieu dans son Evangile, parlant de Béthanie de Transjordanie. Vous savez qu’il y a deux Béthanie dont on parle dans les Evangiles : le Béthanie de Marthe, Marie et Lazare, celui-là est juste au-dessus de Jérusalem. Pour ceux qui connaissent la Terre Sainte, quand on est au Cramel du Pater, au sommet du Mont des Oliviers, ce Béthanie est juste après. Evidemment, le Jourdain ne coule pas à cet endroit ! Et, il y a cet autre Béthanie sur les bords du Jourdain, dans la région de la Mer Morte et c’est donc là que Jean-Baptiste baptisait. Béthanie se trouve non loin de Jéricho, je ne dis pas à côté, mais pas très loin, en tout cas c’est en-dessous du niveau de la mer. Jéricho est la ville la plus basse au monde, -240 mètres. J’aime beaucoup ce que peut évoquer ce symbolisme. On parle souvent de Jésus qui s’insère dans la longue file de ceux qui venaient demander le Baptême à Jean, belle image de l’Incarnation que ce chant pénitentiel évoquait bien : Jésus homme au milieu des hommes. Mais, à mon sens, il y a encore plus évocateur quand on évoque l’altitude de Béthanie. A Noël, Jésus est venu sur terre, dans le dénuement le plus complet, comme on le chante : pour un Dieu quel abaissement ! Pourtant, ça ne semble pas lui suffire à Jésus, en allant se faire baptiser à Béthanie, il a voulu descendre encore plus bas comme pour bien manifester qu’il était venu rejoindre ceux qui étaient tombés plus bas que terre. Nous aurons l’occasion de méditer sur ce mystère de la kénose. Mais dès maintenant, nous pouvons nous interroger pour savoir comment nous manifestons que notre ministère est au service de Jésus qui veut, aujourd’hui encore, rejoindre pour donner largement la miséricorde de Dieu à ceux qui sont tombés bien bas.

2/ Le combat de Jean-Baptiste. On sent bien, à la lecture du texte que ça n’a pas été simple pour Jean-Baptiste d’accepter que Jésus se fasse baptiser et qu’il soit, lui, celui qui devra le baptiser. Fort logiquement, il nous est dit : Jean voulait l’en empêcher en disant : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi !» En méditant sur ce texte, je me suis demandé : mais de qui Matthieu a-t-il pu tenir ces précisions ? Car, bien évidemment, il n’était encore pas parmi ceux qui suivaient Jésus. Alors peut-être avait-il entendu l’histoire racontée par les deux disciples du Baptiste qui avaient suivi Jésus. Mais peut-être aussi l’avait-il entendu de Jésus lui-même. Pourquoi pas ? En effet, ce qui s’est joué dans le dialogue entre Jésus et Jean-Baptiste est tellement décisif qu’il n’est pas impossible que Jésus ait repris ce récit plusieurs fois, sous forme d’enseignement, en privé pour ses disciples. Là encore, nous aurons l’occasion d’y revenir tellement ces paroles de Jésus à Jean-Baptiste révèlent une dimension essentielle de la vie spirituelle. Jésus dit : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » Je ne pense pas trahir le texte si je glose ainsi : Laisse-toi faire car c’est ainsi que tu deviendras toujours plus ajusté à ce que le Seigneur attend de toi. C’est bien d’entendre ces paroles en début de retraite parce que, finalement, c’est ça une retraite, un temps où l’on accepte de ne rien faire pour mieux se laisser faire. Et c’est toujours un grand défi, particulièrement pour nous les prêtres qui sommes si souvent dans le faire et qui cherchons toujours des bonnes volontés pour faire plus et mieux avec nous pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde. Au cours de ces jours, écoutons le Seigneur nous supplier : acceptes-tu de me laisser faire mon œuvre en toi ? Acceptes-tu de me laisser travailler en toi ? Acceptes-tu de renoncer à ce que tu as programmé pour cette retraite pour mieux me laisser agir, comme moi, je l’ai programmé ? Oui, je crois que la fécondité de cette retraite dépend très largement de notre réponse à ces questions que le Seigneur nous adresse. La part du prédicateur est minime, par contre, la part de la grâce est maximum. Mais elle ne peut agir sans ce lâcher-prise, sans cet abandon.

3/ Enfin sur ce qui se passe quand Jésus remonte des eaux du Jourdain, ce 3° point de ma méditation, il sera en 2 volets, je parlerai d’abord de la manifestation trinitaire, puis de ce que dit la voix venue du ciel.

  • Commençons par la manifestation trinitaire : il est question de Jésus qui entend le Père lui parler et de l’Esprit qui descend sur Lui. Manifestement, l’Evangéliste a voulu souligner cette manifestation trinitaire. Et je relis cela comme une volonté d’affirmer que le chemin que Jésus choisit de prendre est bien partagé par toute la Trinité. Je le dis comme cela, les grands théologiens auraient des concepts plus fins pour l’exprimer mais il est clair que toute la Trinité est engagée dans cette opération Salut qui est vraiment lancée par le Baptême de Jésus. Et, non seulement la Trinité entière est engagée, mais elle manifeste que le chemin d’abaissement que Jésus a choisi est bien le bon chemin. En effet, c’est au moment même où Jésus s’humilie et manifeste jusqu’où il a choisi de se faire homme au milieu des hommes que le Saint-Esprit descend sur lui et que Dieu le Père le fête comme son Fils, son Bien-Aimé, celui en qui il se reconnaît et trouve sa joie. Autrement dit, ce qui réjouit le Père, c’est de voir comment Jésus commence cette mission confiée au nom de la Trinité. 

On peut dire que c’est encore ce que le Père attend de nous. Et, c’est dans la mesure où, nous aussi, nous accepterons de prendre ce chemin d’abaissement, que l’Esprit-Saint sera le plus actif en nous et que le Père nous fêtera comme ses enfants bien-aimés en qui il trouve sa joie. Peu importe ce que nous ressentons, même si, de temps en temps, ça fait du bien de ressentir, l’essentiel n’est pas là, l’essentiel, c’est d’être habité par cette certitude de foi : le chemin de Jésus est normatif et à chaque fois que nous acceptons de le prendre, il nous est promis de vivre ce que Jésus a vécu. C’est vrai pour tout baptisé, ça l’est de manière encore plus forte pour nous qui avons été configurés de manière toute particulière au Christ par le sacrement de l’ordre.

  • Venons-en à ce que dit la voix du Père venue du ciel. Ce n’est pas fréquent que Dieu parle de manière aussi directe, aussi distincte. Jusque-là, il avait parlé par des intermédiaires, les prophètes, mais là, le ciel s’ouvre et la voix du Père retentit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie. » Au moment où Jésus commence sa mission, il n’entend pas une voix qui lui dit ce qu’il devra faire et encore moins qui lui dicte ce que les hommes devront faire et ce qu’ils ne devront pas faire. La voix du Père atteste que Jésus est fils bien-aimé et que Dieu a beaucoup de joie à le voir faire ce qu’il fait, à le voir prendre le chemin qu’il prend. Avec cette Parole qui inaugure son ministère, Jésus a tout ce qu’il lui faut pour se lancer dans la mission. Le Père ne lui dit pas : vas-y, ça va bien se passer, il lui donne une parole qu’il pourra garder dans son cœur et à laquelle il pourra revenir quand la mission se fera difficile. Nous-mêmes, quand nous préparons le temps du cœur à cœur avec le Père, il est rare qu’il nous dise ce que nous devons faire, il y a bien, de temps en temps, une motion de l’Esprit qui peut venir et éclairer nos décisions, mais ce n’est pas si fréquent que cela. Par contre, dans ces temps de cœur à cœur, ce que nous pouvons entendre, c’est que le Seigneur nous redit combien nous sommes précieux à ses yeux, il est tellement heureux de nous compter parmi ses fils. Nous entendrons aussi le Seigneur nous dire quelle est sa joie quand nous nous dépensons pour permettre à tous ses enfants de vivre comme des fils et non pas comme des esclaves devant sa face. Nous entendrons aussi le Seigneur nous dire quelle est sa joie quand il nous voit chercher comment à ramener à lui ses enfants qui s’étaient perdus ou ceux qui n’avaient encore jamais trouvé le chemin.

C’est vraiment stimulant de commencer cette retraite avec cette fête du Baptême de Jésus qui nous invite à prendre le chemin de l’abaissement, du service humble, qui nous invite à nous laisser faire et qui nous invite à nous laisser renouveler dans notre esprit filial.

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