11 janvier : jeudi 1° semaine du temps ordinaire. Quels tristes individus ces fils d’Eli … quant à Eli, quel père mou !

Je vous ai partagé, un peu rapidement, c’est vrai, mon implication dans l’engagement que les évêques ont pris pour faire, après la crise des abus, de notre Eglise « une maison sûre » selon l’expression du pape François. Alors, mon attention s’est arrêtée sur cette petite mention qu’on trouvait dans la 1° lecture : « L’arche de Dieu fut prise, et les 2 fils d’Éli, Hofni et Pinhas, moururent. » C’est ainsi que se terminait la 1° lecture. Si j’osais, je dirais qu’ils n’ont eu que ce qu’ils méritaient ! Mais comme ce n’est pas très chrétien de dire les choses comme ça, je dirai que ceux qui ont pris un chemin sur lequel ils ont choisi de semer la mort ne doivent jamais s’étonner de la croiser plus vite que prévu ! 

Et si ce verset a attiré mon attention, c’est parce que je me rappelais avoir lu quelque chose sur ces deux tristes individus qu’étaient le fils d’Eli. Le Dominicain, Philippe LEFEBVRE, a écrit un livre au titre volontairement provocateur : Comment tuer Jésus ? Et il a écrit ce livre justement pour apporter sa contribution à la grande œuvre de purification de l’Eglise. Ayant montré de la compassion, ayant écrit des articles pertinents sur le sujet, de plus en plus de personnes abusées se sont tournées vers lui, en lui demandant d’être leur porte-parole parce que, dans le moment, les responsables d’Eglise ne savaient agir qu’à la manière molle du vieil Eli qui n’a pas été exemplaire, loin s’en faut, dans la manière dont il a traité ses deux fils au comportement si gravement déviant.

Hier, nous avons entendu le très beau récit de la vocation de Samuel dans lequel le Seigneur l’appelait par 3 fois. Mais de manière étonnante, la lecture s’est arrêtée juste avant de nous faire entendre ce que le Seigneur avait à dire à Samuel. Car si le Seigneur l’a réveillé en pleine nuit, c’était pour lui délivrer un message très important qui a mis le petit Samuel dans un grand embarras. La lecture nous a rapporté ce réveil de Samuel par la voix du Seigneur et la si belle réponse de Samuel, mais nous n’avons pas entendu pourquoi le Seigneur a réveillé Samuel, ce qu’il avait de si important à lui dire pour le réveiller en pleine nuit.  

Eh bien, voilà ce que le Seigneur lui a dit : « Voici que je vais accomplir une chose en Israël à faire tinter les deux oreilles de qui l’apprendra. Ce jour-là, je réaliserai contre Éli toutes les paroles prononcées au sujet de sa maison, du début à la fin. Je lui ai annoncé que j’allais juger sa maison pour toujours, à cause de cette faute : sachant que ses fils méprisaient Dieu, il ne les a pas repris ! » Vous avez entendu, le Seigneur réveille Samuel pour lui annoncer que ça va chauffer pour Eli et ses fils. Le petit Samuel sera tellement ennuyé par cette annonce que lorsque le vieux prêtre lui demande : alors qu’est-ce que le Seigneur t’a dit ? Il faudra qu’Eli insiste en le suppliant de ne rien lui cacher pour qu’il ose cracher le morceau !

Et pourquoi donc le Seigneur était-il autant en colère ? Il est très en colère, d’une part, à cause du comportement des deux fils d’Eli mais aussi à cause de la manière dont Eli a réagi vis-à-vis d’eux. Alors qu’ont-ils fait Hofni et Pinhas ? Le livre de Samuel nous relate deux méfaits horribles qu’ils aimaient répéter et qui leur vaudra ce jugement sans appel : ils ne connaissaient pas le Seigneur ! Autrement dit leur comportement était aux antipodes de ce que le Seigneur attendait d’eux.

– Le 1° méfait, c’est qu’ils se servaient dans la viande apportée aux sanctuaires pour les sacrifices, on pourrait presque dire qu’ils piquaient dans la quête ! Mais c’était encore plus grave car et ils se servaient avant que la viande ne soit sacrifiée quand elle est encore crûe précise le livre (2,14-16). C’était sans doute pour leur consommation personnelle et pour alimenter un trafic parallèle, la viande crue, non-sacrifée, s’écoulait plus facilement et se vendait plus chère. Ils étaient magouilleurs, ils se servaient de leur fonction pour s’enrichir, autrement dit, ils ne servaient pas Dieu, ils se servaient de Dieu. Jeanne d’Arc disait : « Messire Dieu, 1° servi » Eux c’était l’inverse, leur devise, c’était : charité bien ordonnée commence par soi-même ! 

C’est d’ailleurs ce que montre l’épisode rapporté dans la 1° lecture : tout le monde cherche à se servir de Dieu en pensant qu’il se pliera à ce qu’on exige de lui et donc qu’il fera remporter les victoires dont on a besoin mais dans des combats parfaitement inutiles ! C’est ce que je disais j-hier, ils pratiquaient le : Ecoute, Seigneur, tes serviteurs te parlent ! 

Et vous aurez remarqué que le texte mentionnait la présence des deux fils d’Eli près de l’arche quand le peuple vient la chercher. Manifestement, ils sont complices de ces magouilles spirituelles et ça ne les dérange pas du tout de laisser partir l’arche, ils ont tellement, eux aussi, l’habitude de se servir de Dieu et de tremper dans tant de magouilles. Mais ce n’est pas fini !

– Et le 2° méfait, encore plus grave, lui aussi répété si souvent, ce sont des abus sexuels perpétrés sur les femmes qui accomplissaient leur service dans le sanctuaire en participant à la préparation des sacrifices (2,22). Comme le fait remarquer le dominicain dans son livre : sachant cela, on peut frémir devant ce qui aurait pu arriver à Anne si elle avait croisé ces prédateurs, elle qui montait seule au sanctuaire pour demander avec insistance ce fils qu’elle désirait tant.

Voilà, ça c’était pour les méfaits des deux fils, mais pourquoi le Seigneur était-il aussi en colère contre leur père, le vieux prêtre Eli ? Après tout, il n’était pas responsable du comportement déviant de ses fils et il devait être le 1° à souffrir de cette situation. 

Eh bien, nous dit le texte, la faute d’Eli est claire : connaissant le comportement de ses fils, qui par ces méfaits, méprisaient Dieu, il ne les a pas repris avec suffisamment de force ! Il n’était pas resté totalement inactif, il leur avait fait des remontrances, le texte nous livre même le contenu d’une de ces remontrances : « Pourquoi faites-vous de pareilles choses, ces mauvaises choses que j’entends dire par tout le peuple ? Non, mes fils, elle n’est pas belle, la rumeur que j’entends colporter par le peuple du Seigneur. » (2,23-24) Hofni et Pinhas violent des femmes et volent le Seigneur et leur père les prend entre 4 yeux et leur dit : c’est pas beau ! C’est souvent comme ça qu’on a réglé les problèmes dans l’Eglise avant, en convoquant les prêtres déviants et en leur disant : c’est pas beau ce que tu as fait ! Oui c’est sûr que ce n’est pas beau, mais la remontrance est bien légère par rapport aux vies qui ont été durablement brisées par ces agissements que la justice qualifie de criminels.

Alors, le Seigneur s’est fâché tout rouge contre le comportement déviant des fils d’Eli et contre la manière qu’avait Eli de traiter le problème. Et il a encore fallu qu’il se fâche tout rouge pour que les choses bougent vraiment dans l’Eglise. Et ce qui est très étonnant, c’est de voir que le Seigneur s’était servi du petit Samuel pour dénoncer la faute de ces deux vauriens, il s’est encore servi d’enfants à la vie brisée qui ont été les révélateurs de tant de scandales. Et, parmi tous ces enfants, il y a cet enfant dont le visage en larmes est désormais porté à la vue de tous dans le lieu mémoriel de Lourdes. Je ne peux que vous encourager à relire le très beau texte de repentance que Mgr Eric de Moulins-Beaufort avait prononcé au moment du dévoilement du tableau représentant cet enfant en larmes. Personnellement, j’ai mis cette photo de l’enfant de Lourdes en fond d’écran de mon smartphone pour ne jamais oublier.

Si je peux faire le lien entre tout ce que je viens de dire sur la crise des abus et l’Evangile, je retiendrai que c’est par amour que Jésus a purifié cet homme malade de la lèpre. C’est donc par amour qu’il a entrepris de purifier son Eglise, de la débarrasser de cette lèpre des abus qui la défigure et qui a plongé tant de victimes dans une situation aussi peu envieuse que celle des personnes lépreuses à l’époque de Jésus. Qu’il purifie encore et toujours tout ce qui est à purifier en chacun de nous et c’est ainsi que son Eglise deviendra plus belle.

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