14 novembre : mardi 32° semaine ordinaire. La mort est-elle le dernier mot de la vie ?

Les premières lectures du mois qui vient de s’écouler nous auront permis de lire une grande partie de l’épître aux Romains et, hier, nous avons commencé la semaine dédiée au livre de la Sagesse. Traditionnellement, on ajoute au titre de ce livre le nom de Salomon en parlant du livre de la Sagesse de Salomon. Mais ça ne peut pas être Salomon qui ait écrit ce livre parce qu’il est sans doute le plus récent de tout le 1° testament, on le date de la 1° partie du 1° siècle avant Jésus-Christ. Alors pourquoi avoir attribué la paternité de ce livre à Salomon ? D’abord parce que c’était un procédé habituel à l’époque : pour donner du poids à un écrit, on le mettait volontiers sous le patronage d’un homme illustre et personne ne trouvait rien à redire ! Et puis, si le livre n’a pas été écrit par Salomon, il a été écrit par quelqu’un qui lui ressemblait ! Les réflexions que nous lisons dans ce livre sont celles d’un homme dont la vie n’a pas été exemplaire en tout point, mais qui, au soir de sa vie, instruit par la sagesse, va transmettre ce qui lui semble pouvoir aider ses contemporains à bien mener leur vie sans tomber dans les mêmes pièges que lui. 

Ce portait pourrait être celui de Salomon dont le règne aura été nettement moins brillant que celui de son père David, même si c’est lui qui bâtira le Temple dont son père avait rêvé. Pour le reste, il n’a pas toujours été très aimé à cause de cette sale habitude qu’il avait prise d’augmenter sans cesse les impôts parce qu’il était attiré par le prestige, le sien et celui du peuple qu’il dirigeait. Au soir de sa vie, réalisant la futilité d’un certain nombre de ses choix, Salomon a dû prononcer des paroles de Sagesse qui ont marqué son entourage. Et c’est ainsi qu’un sage du 1° siècle a décidé de les mettre par écrit en les enrichissant de sa propre expérience. Je termine cette présentation en précisant que cette sagesse est tellement belle, bienfaisante qu’elle dépasse une simple capacité intellectuelle à discerner le bien et le mal, pour l’auteur de ce livre, la Sagesse est avant tout un attribut divin, devenant peu à peu comme un être indépendant, doué d’une activité propre. Quand les chrétiens reliront ce livre, particulièrement les Pères de l’Eglise, ils présenteront tantôt Jésus comme la Sagesse incarnée ou alors, c’est l’Esprit-Saint qu’ils revêtiront de tous les attributs de cette Sagesse.  A l’office de Laudes, le samedi de la 3° semaine, nous prions la merveilleuse hymne à la Sagesse, extraite du chapitre 9.

Dans la lecture d’aujourd’hui, le Sage nous livre ses réflexions sur le sens ultime de la vie et ses propos sont d’une importance capitale. En effet, longtemps, le peuple des hébreux n’a pas cru en une vie au-delà de la mort. Je n’ai pas le temps de trop développer, mais ce qui apparait dans la plupart des textes au sujet de l’au-delà, c’est la mention du shéol. Le shéol, c’est le lieu des morts, des bons comme des mauvais, un lieu dans lequel on est loin de Dieu, vivant comme des ombres. C’est une perspective pas très attirante, c’est pour cela que de nombreux psaumes sont des supplications de malades demandant au Seigneur qu’il retarde ce moment de l’arrivée au Shéol. Et voilà que, dans la littérature biblique des deux derniers siècles avant Jésus-Christ commence à apparaître cette idée que si Dieu est Dieu, il ne peut pas se désintéresser du sort des morts. C’est ce qu’affirmait la lecture d’aujourd’hui : Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. Ou encore : Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; aucun tourment n’a de prise sur eux. Le sage, auteur de ce livre, invite donc ses lecteurs à porter un regard de foi qui va au-delà de ce qu’on voit : Aux yeux de l’insensé, ils ont paru mourir ; leur départ est compris comme un malheur, et leur éloignement, comme une fin : mais ils sont dans la paix. Au regard des hommes, ils ont subi un châtiment, mais l’espérance de l’immortalité les comblait. 

Ces paroles sont suffisamment claires, la mort n’est pas le dernier mot de la vie : Qui met sa foi dans le Seigneur comprendra la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront, dans l’amour, près de lui. Pour ses amis, grâce et miséricorde : il visitera ses élus. Pour autant, ce livre n’est pas un traité sur l’au-delà mais une collection de paroles de Sagesse devant servir à diriger sa vie. Eh bien, si la vie présente n’est pas le tout de la vie, il faut, dans cette vie, faire des choix qui nous prépareront à vivre, comme le disait la lecture : dans l’amour auprès du Seigneur. Il ne s’agit pas de gagner son ciel à coup de mérites accumulés, mais juste de se préparer à vivre dans l’amour pour ne pas être trop dépaysé quand nous arriverons près du Seigneur. C’est ce qu’explique le Sage dans ce livre.

Venons-en à l’Evangile. La nouvelle traduction liturgique a atténué le côté si rude de la Parole de Jésus. A la suite de la parabole, Jésus dit à ses apôtres : quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir”  Vous vous rappelez sans doute de l’ancienne traduction qui parlait des serviteurs inutiles ! Avant de dire un mot sur cette formule, il nous faut entendre ce que Jésus a voulu nous dire en racontant la parabole qui précède. Cette petite histoire nous parle d’un serviteur qui a travaillé toute la journée et qui, quand il rentre à la maison, puisqu’il n’est que serviteur, est loin d’avoir fini la journée, il faudra qu’il serve encore le repas et c’est quand il aura bien tout fini qu’il pourra enfin penser à lui. 

Dans la bouche de Jésus, ces paroles paraissent bien étranges tant elles pourraient sembler méprisantes, si peu respectueuses de la condition de serviteur. Jésus cautionnerait-il le fait que les maîtres considéraient que leurs serviteurs étaient taillables et corvéables à merci ? Evidemment, non ! Le service dont il est question ici, c’est l’annonce de l’Evangile. Eh bien, le disciple-missionnaire qui aura bien fait son travail toute la journée, quand il rentre dans le bus par exemple, il ne peut pas mettre une pancarte : disciple-missionnaire en RTT pour dormir tranquillement le long du trajet ! Si une personne le ou la reconnait et vient s’assoir à côté de lui pour lui confier ses soucis, il devra encore mettre tout son cœur dans l’écoute. Et puis, quand il rentrera chez lui et que son enfant ou son conjoint ou sa soeur voudra lui confier ses difficultés, il faudra encore qu’il mette tout son cœur dans l’écoute. S’engager à vouloir devenir disciples-missionnaires, c’est s’engager dans une aventure qui ne nous permet pas de vivre avec les horaires définis par la pointeuse ! Est-ce à dire que ça sera le bagne ? Non ! Parce que la Bonne Nouvelle réjouit d’abord le cœur de celui qui l’annonce. Paul disait : Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile et moi, j’aime inverser la proposition : Bonheur pour moi quand j’évangélise !

Regardons maintenant la parole un peu choquante : Quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. J’ai dit que la traduction avait changé, alors je suis allé vérifier dans le texte grec, il parle de serviteurs non-indispensables, c’est-à-dire qu’on est plus proches de serviteurs inutiles que de simples serviteurs ! Là encore, cette parole dans la bouche de Jésus peut nous sembler insupportable et bien peu respectueuse de ceux qu’il appelle. Nous connaissons tous la parole de Thérèse d’Avila : si c’est ainsi, Seigneur que vous traitez vos amis, ne vous étonnez pas de ne pas en avoir plus ! 

Mais si on remet cette parole dans le contexte de la formation que Jésus veut donner à ses apôtres, alors elle devient non seulement plus entendable, mais elle est même essentielle. Quelles que soient les réussites que pourra rencontrer le disciple-missionnaire, il devra toujours se rappeler que ce n’est jamais lui qui convertit, qui donne la foi. Et ça vaut d’ailleurs en sens inverse : il ne devra jamais s’imputer la pleine responsabilité de tous ses échecs. Certes, il aura apporté quelque chose d’important quand ça marche, il aura apporté sa part, mais ultimement, il n’y a que l’Esprit-Saint qui puisse toucher un cœur et l’ouvrir à la foi. Ni mes belles paroles, ni mes beaux yeux, ni mes bonnes techniques ne suffiront même si elles peuvent être une préparation. C’est dans ce sens-là que j’aimais ce que disait un missionnaire de mon diocèse ayant vécu de nombreuses années à Cuba, il parlait des « indispensables serviteurs inutiles ». Je trouve que c’est assez bien vu !

Que Notre Dame de Laghet nous obtienne de pouvoir trouver notre joie dans cette mission d’indispensables serviteurs inutiles car c’est cette mission qui nous préparera au mieux à vivre pour toujours avec le Seigneur.

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Amen ! Je vous confie mon travail de vendeuse en chocolaterie-pâtisserie haut de gamme, P. Hébert. Je débute juste, et je retourne au travail cet après-midi.

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