30 juin : 13° dimanche temps ordinaire. Jésus guérit deux femmes en leur rendant leur vie de femme.

Ce sont deux femmes qui vont être bénéficiaires des miracles que Jésus a accomplis dans l’Evangile que nous venons d’accueillir. Parce que Dieu est le Dieu de la vie, comme nous l’avons entendu dans la 1° lecture, Jésus va intervenir en faveur de ces deux femmes dont la vie est menacée. En m’écoutant, vous êtes peut-être étonnés de m’entendre dire d’abord que c’est en faveur de deux femmes que Jésus intervient alors que l’une des deux n’a que 12 ans et ensuite, vous vous demandez si la vie de cette femme qui avait des pertes de sang était vraiment menacée. Je réponds rapidement à ces deux questions avant d’entrer dans le cœur de cet Evangile, car cet Evangile a du cœur !

D’abord, est-ce que la fille de Jaïre était une femme ou une fillette ? Nous apprenons à la fin du texte qu’elle avait 12 ans. Eh bien, dans la culture juive, une fille entrait dans la maturité au jour anniversaire de ses 12 ans, un an avant les garçons. C’est donc bien en faveur de deux femmes que Jésus va agir. Si, en certains lieux, l’Eglise est lente à donner aux femmes leur vraie place, Jésus, lui, avait bien compris qu’il devait les aider, intervenir pour leur donner, pour leur rendre leur vraie place.

Ensuite je disais que la vie des deux femmes était menacée, pour la fille de Jaïre, c’est bien clair puisqu’elle était morte quand Jésus est arrivé. La femme aux écoulements de sang n’avait peut-être pas sa vie menacée immédiatement, mais, c’est clair qu’avec ses écoulements de sang permanents, selle la vie à petit feu. Mais au-delà de ces maladies physiques, l’une et l’autre étaient mortes socialement, spirituellement ou du moins en train de s’éteindre. 

  • La fille de Jaïre avait un père qui l’étouffait. Il ne sera question de la mère qu’à la fin du texte et encore, c’est Jésus qui insiste pour que la mère soit là quand elle se réveille. Jusque-là, il n’y avait que le père qui intervenait et s’il est allé auprès de Jésus avec tant de détermination, c’est que cette fille, qui devait rester comme son bébé, représentait tout pour lui, il ne pouvait imaginer la vie sans elle. Une fois réveillée de la mort, la jeune femme trouve enfin sa liberté pour aller son chemin. Le texte dit : Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Étrange lien de cause à effet ! Comment l’expliquer ? Je l’ai dit, 12 ans, c’était l’entrée dans la vie mature, eh bien, Jésus est heureux de la voir se lever, marcher, prendre sa vie de jeune femme en main. Jésus l’a réveillée de sa mort physique, mais aussi de cette mort psychologique dans laquelle la tenait son père, sans le vouloir bien sûr, mais une mort bien réelle, pourtant, à cause de ses liens étouffants. En la ressuscitant, Jésus la libère aussi, lui permet de prendre son envol, de vivre sa vie.
  • La femme victime d’écoulement de sang, elle voyait sa vie partir à petit feu, mais depuis 12 ans, elle était morte socialement, spirituellement, affectivement. Pendant ses règles, une femme était considérée impure dans cette culture. Elle ne devait être approchée par personne et elle, elle ne devait s’approcher de personne. Voilà ce qui lui arrivait depuis 12 ans : plus de contacts, plus de vie affective, plus de vie religieuse communautaire. Vous en conviendrez, ce n’était pas une vie ! Par la guérison obtenue, cette femme pourra donc, à nouveau goûter à la joie de vivre dans toutes les dimensions de son être.

On comprend que, dans l’Evangile de St Jean, Jésus ait pu résumer toute sa mission ne disant : Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ! Jn 10,10

Maintenant, venons-en au cœur de cet Evangile, à ce qui fait l’originalité de ces deux miracles, je veux parler du fait qu’ils soient comme imbriqués l’un dans l’autre. Jaïre est chef de synagogue et il se comporte comme un chef. Certes, il est tombé aux pieds de Jésus, mais, après, quand il formule sa demande, il retrouve ses réflexes de chef puisqu’il explique à Jésus ce qu’il doit faire pour la guérir : Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Jésus va se mettre en route selon la demande de Jaïre mais quand il devra intervenir, il gardera sa liberté et agira autrement qu’en obéissant à l’ordre de Jaïre. C’est une invitation, pour nous aussi à rester humbles. Nous pouvons appeler le Seigneur au secours quand, d’une manière ou d’une autre, nous sentons que nous perdons la vie, mais n’allons pas jusqu’à lui expliquer comment il doit s’y prendre pour nous la rendre ! Un célèbre dominicain allemand de la fin du 12° siècle et début 13° avait une très belle formule Maître Eckart, il disait : laisse Dieu être Dieu en toi ! Laisse-lui sa liberté, fais-lui confiance !

Jésus est donc en route pour aller chez Jaïre et voilà qu’une foule très dense le suit. Les gens ont compris qu’ils pourraient bien être témoins d’un événement exceptionnel. Une femme en profite pour se glisser dans cette foule et, ni vu, ni connu, elle vient toucher les franges de son châle de prière. On aurait pu en rester là. Jésus était pressé, la fille de Jaïre étant si proche de la mort, ça urgeait ! La femme avait eu ce qu’elle voulait, elle avait été guérie, c’était parfait, Jésus n’avait qu’à continuer sa marche, mais, non ! Jésus s’arrête, perdant un temps précieux, pour poser une question que ses disciples jugent incongrue : Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” Mais Jésus n’en démord pas, il cherche la femme qui l’a touchée de manière tellement particulière. La femme arrive, tremblante, ayant peur que Jésus lui reproche d’abord d’avoir enfreint la loi et ensuite de lui avoir comme volé ce miracle. Mais il n’en est rien, Jésus vante plutôt les mérites de sa démarche : Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. Jaïre était venu auprès de Jésus, il avait comme exigé que Jésus vienne chez lui et il lui avait expliqué comment il devrait s’y prendre ! Cette femme, elle n’a rien exigé, elle n’a rien dicté, elle pose un acte de foi, dans une confiance absolue. Et c’est bien ce que Jésus veut faire remarquer à tout le monde, notamment à Jaïre. 

Oui, il n’y a pas de doute, la démarche de cette femme est plus belle, plus ajustée que celle de Jaïre, mais Jésus ne refusera pas, pour autant, d’exaucer la demande de Jaïre. Même si nos demandes sont mal ajustées, le Seigneur ne nous en tiendra pas rigueur, mais, au passage, il nous fera comprendre comment progresser en nous donnant d’admirer la démarche d’autres personnes qui nous aideront ainsi à grandir. Ici, c’est une femme humble, marginalisée et anonyme qui va donner la leçon à Jaïre, cet homme si important puisqu’il était le chef de la synagogue. Aujourd’hui encore, le Seigneur aime se servir des petits, des pauvres pour nous donner des leçons. Je me rappelle cette anecdote racontée par le Cardinal Decourtray. Il expliquait qu’au cours d’une confirmation donnée à des jeunes qui avait un handicap mental, comme à son habitude, après le geste de la chrismation, il dit un mot personnel à chacun. C’est ainsi qu’il dit à l’un de ces jeunes : garde ta foi bien vivante, le jeune le regarde et lui dit : toi aussi ! Il aimait raconter cette histoire pour montrer comment Dieu s’était servi d’un petit pour lui donner ce conseil si essentiel, le plus important, disait-il qu’il n’ait reçu en tant que cardinal !

Que Notre Dame de Laghet nous obtienne d’avoir des démarches ajustées quand nous implorons le Seigneur pour lui exprimer nos demandes, qu’elle nous aide aussi à accueillir les leçons que peuvent nous donner les petits que le Seigneur met sur notre route, qu’elle nous aide à ne rien gaspiller de toutes les grâces que le Seigneur ne cesse de nous donner pour que nous soyons toujours plus vivants.

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