Décidément les pharisiens semblent obnubilés par les questions liées à la nourriture. Hier, dans l’Evangile, nous les avons entendus reprocher à Jésus le fait que ses disciples ne jeunaient pas à l’inverse des disciples du Baptiste qui, eux, respectaient les prescriptions de la loi en manière de jeûne. Et aujourd’hui, ils reprochent à Jésus le fait que ses disciples aient froissé quelques épis de blé pour les manger alors qu’on était un jour de sabbat. Hier, comme aujourd’hui, dans sa réponse, Jésus ne manifeste aucun mépris pour la loi en disant qu’elle est dépassée. Evidemment, ce n’était pas envisageable que Jésus réagisse ainsi puisqu’il a dit qu’il n’était pas venu abolir la loi mais l’accomplir. Et vous savez que cette parole est très importante, ici, dans ce sanctuaire puisque c’est sur cette parole qu’est ouverte le livre des Ecritures que Jésus tient dans ses mains, c’est ce que nous montre la statue de Notre Dame de Laghet, derrière moi. Alors, évidemment, ni vous, ni moi, ne pouvons le vérifier en regardant d’en bas, mais vous pouvez me croire, c’est bien à cette page qu’est ouvert le livre, nous l’avons rendu plus visible sur l’icône de la Vierge au manteau installée dans le cloitre pour la fête de Notre Dame du Mont Carmel.
Et je crois que cette parole « je ne suis pas venu abolir, mais accomplir », tirée du sermon sur la Montagne dans l’Evangile de Matthieu, contient la clé d’interprétation de la réponse de Jésus aux pharisiens, aujourd’hui, comme hier d’ailleurs. Dans sa réponse aux pharisiens, Jésus ne dit pas que la Loi est dépassée et que ses disciples ont bien raison de s’en affranchir. Au passage, vous noterez d’ailleurs que lui, Jésus, il ne s’en affranchit pas, c’est l’attitude des disciples qui vaut ces reproches, pas celle de Jésus, ce qui laisse entendre qu’il la respectait. Dans sa réponse, il invite les pharisiens à ne pas faire de la Loi un absolu mais à la référer à ce qui est plus grand qu’elle, c’est-à-dire au Seigneur, lui-même, qui a donné la Loi. Ses disciples ont faim, ils ont dû beaucoup marcher, alors, pour continuer la marche sans défaillir, ils ont eu ce réflexe de froisser des épis et de manger quelques grains de blé. Je me rappelle avoir fait cela quand j’étais enfant, ces grains mâchés faisaient comme un chewing-gum et agissaient comme un trompe-faim. Alors, c’est vrai, en agissant ainsi les disciples ne respectaient pas la loi du sabbat qui interdisait non pas de manger, mais d’effectuer tout travail et froisser des épis était considéré comme un travail.
Oui mais, pour Jésus, il y avait un impératif plus grand qui rendait cette prescription de la loi relative, c’était que ses disciples trouvent l’énergie pour continuer leur marche et accompagner Jésus dans sa mission d’Evangélisation. Porter la Bonne Nouvelle en arpentant les chemins de la Palestine était un impératif plus essentiel que le respect scrupuleux de cet article de la Loi. Je pense que nous sommes tous d’accord avec Jésus mais vous pourriez vous demander qu’est-ce que tout cela a à voir avec la parole de l’Ecriture qui est inscrite sur la page du livre des Ecritures que Jésus tient ouvert.
D’abord, je dois vous faire une confidence. La 1° fois qu’on m’a expliqué que le livre des Ecritures que tenait Jésus était ouvert à cette page, j’ai été déçu et je me suis dit : on voit que cette statue est bien de son époque ! Vous comprendrez facilement que, dans un 1° temps, j’aurais préféré que Jésus tienne le livre ouvert à la page des Béatitudes qui sont aussi dans le sermon sur la montagne. Mais je n’ai pas voulu rester sur ce sentiment négatif parce que lorsqu’on arrive quelque part comme pasteur, il faut apprendre à aimer ce lieu. Vous savez que c’était le sens du geste si symbolique qu’accomplissait Jean-Paul II dans chacun de ses voyages, descendant de l’avions, il embrassait le sol pour montrer qu’il aimait déjà cette terre qu’il venait visiter. Et vous me permettrez de rajouter avec fierté que ce geste, il l’accomplissait parc qu’il avait lu que c’est ainsi qu’avait agi le curé d’Ars quand il était arrivé, pour la 1° fois à Ars. Il s’était mis à genoux et avait embrassé le sol pour montrer qu’avant même de la connaître, il aimait déjà cette terre sur laquelle il était envoyée.
J’ai donc prié l’Esprit-Saint pour qu’il m’éclaire et m’aide à comprendre le sens de cette parole et par là même qu’il m’aide à aimer cette statue si centrale dans le sanctuaire pour mieux aimer celle qu’elle représentait, Marie, maitresse de maison dans ce lieu. Et, comme toujours, quand on demande la lumière du Saint-Esprit, il finit toujours par la donner !
J’ai compris que cette parole « je ne suis pas venu abolir, mais accomplir », pour la comprendre, il fallait la mettre en parallèle avec une citation de l’épitre aux Romains dans laquelle Paul explique que l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour. Rm 13,10. Autrement dit, il ne pourra jamais y avoir de meilleure manière d’accomplir, de respecter la loi que de vivre dans l’amour, de l’amour. Il me semble que c’est ce que Jésus essayait déjà de faire comprendre aux pharisiens quand il les invitait à ne pas faire de la Loi un absolu, le seul absolu, c’est l’amour. Et, si pour vivre l’amour, il faut prendre quelques libertés avec la loi, ce n’est pas dramatique. Le contraire, par contre, serait absolument dramatique : on ne pourra jamais prendre des libertés avec l’amour sous prétexte de devoir respecter scrupuleusement la loi. C’est ce que Jésus développera en racontant la parabole du bon samaritain.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce, de pouvoir, nous aussi, accomplir la loi en vivant dans un amour de plus en plus grand.