Pâques : l’absence réelle !

Tous ceux qui vont en Terre Sainte rêvent de pouvoir entrer dans le tombeau du Christ. Personnellement, j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir y rester pas mal de temps. Vous savez que pendant mon année sabbatique, j’ai pu passer un mois en Terre Sainte et, au cours de mon séjour à Jérusalem, j’ai profité de la possibilité qui est offerte, chaque nuit, de se faire enfermer dans la basilique du St Sépulcre. Les places sont extrêmement limitées : 15 catholiques et 15 orthodoxes. La nuit que j’avais choisie, il n’y avait pas 15 orthodoxes, nous étions donc une vingtaine et le St Sépulcre était pour nous seuls ! Alors, évidemment, j’ai attendu mon tour pour entrer dans le tombeau et, par deux fois, j’ai pu y rester ½ heure. 

Mais quand on y réfléchit bien, cette démarche est un peu folle. En temps normal, les gens peuvent faire la queue pendant des heures pour entrer dans un lieu où il n’y a rien à voir. Ceux qui n’ont pas la patience d’attendre leur tour passent devant le tombeau et font une génuflexion en se signant … comme devant un tabernacle. Mais devant un tabernacle, on comprend ce geste de vénération parce qu’il contient la présence réelle de Jésus. La rédactrice de Terre Sainte Magasine que j’avais pu rencontrer aime utiliser cette expression « d’absence réelle » pour parler du Tombeau vide. Je trouve cette expression magnifique et tellement juste. L’absence réelle de Jésus dans le tombeau vide.

C’est bien parce qu’il a vu cette absence réelle qu’il est noté dans l’Evangile d’aujourd’hui, à propos de St Jean : « Il vit et il crut. » Devant le tombeau vide, on ne peut pas dire : circulez, il n’y a rien à voir ! Parce que, justement, c’est ce rien qu’il faut voir, c’est ce rien qui vient nous percuter. Les esprits chagrins pourraient rétorquer que le tombeau vide ne prouve rien, sinon que Jésus n’est plus dans le tombeau, mais il ne prouve pas la résurrection. Oui, d’ailleurs, les responsables religieux juifs ne se sont pas privés de se servir de cet argument pour, comme le raconte l’évangile de Matthieu, expliquer que les disciples sont venus, de nuit, enlever le corps de Jésus pour faire croire qu’il était ressuscité.

Mais voilà, nous les chrétiens, nous croyons au témoignage de ces tout premiers témoins oculaires que furent Pierre et Jean, mais surtout Jean qui a justement tenu à mettre par écrit ce qu’il a vu dans ce moment si particulier. Car, figurez-vous, le tombeau n’était pas tout à fait vide. Dans les évangiles synoptiques, les femmes sont les premières à avoir vu et elles, elles sont extrêmement marquées par la présence d’ange(s) … on peut les comprendre, ce n’est pas tous les matins qu’on en croise, en chair et en os, si j’ose m’exprimer ainsi en parlant des anges ! Du coup, elles ne parlent que de cette présence angélique. Mais Pierre et Jean, eux, ils n’ont pas eu droit aux anges, pourtant ce qu’ils ont vu a suffi à susciter ou même carrément ressusciter leur foi. 

Pour comprendre l’importance de ce que je vais dire, il faut se rappeler et j’aime régulièrement le rappeler que, dans l’évangile, il n’y a pas de détails inutiles. A cette époque écrire, pas de papier, pas de stylo, écrire était un travail tellement laborieux et tellement onéreux qu’on n’écrivait pas pour ne rien dire ! Ce qui veut dire que c’est souvent en s’intéressant aux détails qu’on va pouvoir donner le plus de sens à un texte. Et c’est vraiment le cas dans le texte d’aujourd’hui !

Parce que, le tombeau n’était pas tout à fait vide puisque l’évangile nous dit qu’il y avait : « les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. » Pour préparer mon homélie, je suis allé lire, ce matin, un article court et bien documenté qui fait le point sur ce verset qui a été scruté de près par les exégètes. J’ai mis le lien sur l’homélie publié sur mon blog … il y a même une bande dessinée pour bien visualiser cela. Je ne veux pas m’étendre sur la question des différents types de linges qui étaient utilisés, mais ce qui est très intéressant ce sont les deux détails précisant que les linges étaient « posés à plat » et le linge qui a entouré la tête « roulé à part, à sa place. » Les spécialistes du grec comprennent que ces deux mentions ont un but bien précis, c’est de nous dire explicitement que tout était encore en place tel quel au moment où le corps de Jésus fut déposé, oui, tel quel, mais sans le corps ! 

Pour ceux qui ont vu le film « La Passion » de Mel Gibson, il rend cela très bien, c’est difficile à expliquer, mais on a l’impression que tout se dégonfle. Ce qui donne ce résultat : tout est exactement en place, mais il n’y a plus de corps. Et, ça, ça aurait été impossible à refaire tel quel si on avait volé le corps ! Du coup, on comprend mieux pourquoi ce qu’a vu Jean l’a conduit à croire immédiatement : « Il vit et il crut. » Pour Pierre, ça a dû être un peu plus laborieux, mais il a des circonstances atténuantes, il est tellement plongé dans sa culpabilité qu’il a bien du mal à s’ouvrir à une telle bonne nouvelle. Pour le faire sortir de cet enfermement paralysant dans sa culpabilité, il faudra la rencontre du pardon avec ce dialogue de la miséricorde sur la plage du lac. C’est seulement à partir de là que sa foi pourra s’épanouir et donner tant de beaux fruits pour la vie et la croissance de l’Eglise.

Revenons à notre texte, à l’événement de la Résurrection, à ce que Jean a vu. Oui, bien sûr, pour nous qui avons déjà la foi, ce que je viens d’expliquer peut se révéler très parlant, mais c’est sûr que ça ne parlera pas à ceux qui n’arrivent pas à croire. Que peut-on leur dire à eux ? D’abord, il faut accepter qu’il n’y a pas de preuves de la résurrection, c’est dans la logique de l’amour de Dieu que de ne pas s’imposer. De même que Jésus a refusé d’utiliser sa puissance pour descendre de la croix et convaincre tout le monde de sa divinité, il a encore refusé de ressusciter en plein jour préférant la discrétion de la nuit … ça ne nous facilite pas le travail d’évangélisation, mais c’est tellement plus respectueux de la liberté des hommes et conforme à la manière si délicate de notre Dieu de toujours se proposer sans jamais s’imposer.

Pour autant, nous ne sommes pas totalement démunis. Rappelons-nous ce que Paul disait : « si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n’est pas ressuscité. » 1 Co 15,16. Pour lui, inversant le raisonnement habituel, la preuve que la résurrection du Christ n’est pas une invention, c’est que les morts ressuscitent. J’espère que vous avez déjà vu des morts ressusciter ! Moi, je ne peux plus compter ! En prison, quand j’étais aumônier, j’ai été témoin de tellement de résurrections ! Mais c’est sûrement depuis que je prêche des retraites que j’ai vu le plus de résurrections. Et je parle bien de résurrections, pas seulement de situations apaisées, d’équilibre retrouvé ou je ne sais quoi. Non ! J’ai vu l’intervention de Dieu pour ramener à la vie ceux qui avaient déjà un pied dans la mort. Evidemment, il ne faut pas s’étonner d’assister à de tels miracles dans les Foyers puisque ça correspond à la promesse que Jésus avait faite à Marthe et que nous connaissons si bien puisqu’elle se trouve dans le texte fondateur.

« Je veux qu’elle [l’Oeuvre des Foyers de Charité] soit un Foyer éclatant de LumièEt vous comprenez bien que l’enjeu va devenir vital après le confinement. Il y a tellement de choses qui vont s’écrouler dans l’économie que notre société, plus que jamais, aura besoin de personnes qui, parce qu’elles auront fait des choix clairs, deviendront capables d’accompagner tous ces morts, pour que de leurs tombeaux ébranlés jaillissent la résurrection.  Pour que, après plus rien ne soit comme avant, il faudra bien accepter ces morts et laisser surgir une vie nouvelle. Mais la nouveauté ne pourra advenir dans le monde que si, dans nos vies, dans nos communautés, nous laissons jaillir cette nouveauté. Alors, commençons à réfléchir sur ce qu’il nous faudra changer dans nos vies, dans nos emplois du temps, dans notre attitude, dans notre vie spirituelle, dans notre implication communautaire pour qu’après ne soit plus comme avant. Que la puissance de sa résurrection nous atteigne profondément puisqu’il veut faire toutes choses nouvelles !otre vie spirituelle, dans notre implication communautaire pour qu’après ne soit plus comme avant. Que la puissance de sa résurrection nous atteigne profondément puisqu’il veut faire toutes choses nouvelles !

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Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    Le tombeau semblait peut-être VIDE, mais il était PLEIN de bonnes nouvelles, une belle espérance.
    À l’époque, il n’y avait peut-être pas de stylos, mais il y avait déjà les tablettes … de chocolat aux noisettes. Mais ces noisettes ont vite disparu : LE CURE IL (l’écureuil) est passé par là.
    Vous allez me dire que ce vol ne monte pas bien haut, ça reste même au ras des Pâque…rettes. Nous pourrions aussi rajouter que cette histoire n’est pas claire, elle est même Ô Pâques. Que la lumière du Christ Ressuscité nous éclaire. Il nous faut bien l’Octave pour mieux comprendre ce Mystère.
    Bonnes Fêtes.

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