Ce 31 décembre le repas du soir est à 18h30, je le prends en vitesse car il me faut mettre une dernière touche à la préparation de mon enseignement … et il faut absolument que je prenne une douche car il a fait très lourd dans la journée !
A 19h30, avec le père Amand, nous allons au bout de la rue qui conduit au Foyer pour accueillir la statue de Notre Dame de Kibeho. Avant de parler d’elle, voici mon impression en sortant de ma chambre et en parcourant les 50 mètres du chemin.
Il y a déjà beaucoup beaucoup de monde dans l’enceinte du Foyer. Tout est prêt ou en train d’être prêt : de nombreuses tentes chapiteaux ont été dressées avec chaises ou bancs, tout a été prévu pour 10 000 personnes, il en faut du matériel ! Il est loué sur Bujumbura. La sono semble au point, il y a même deux écrans géants, évidemment les video-projecteurs ne sont pas aussi puissants que chez nous, mais il y en a tellement qui auront de la difficulté à voir que c’est mieux que rien !
Quand nous allons au bout de chemin, j’ai l’impression d’être aux abords du stade de Lyon les soirs de match ! Les gens arrivent en masse, ça n’arrête pas, des bus, des taxis, des voitures individuelles, motos, vélos et à pieds. Manifestement, il y aura beaucoup, beaucoup de monde ! Le père Amand se demande si tout le monde pourra entrer, mais il reste extrêmement serein.
Nous attendons l’arrivée de la statue de Notre Dame de Kibeho (prononcer Kibero !). Un petit mot d’explication concernant cette statue qui rappelle une apparition de la Vierge Marie au Rwanda. Notre-Dame de Kibeho est le nom sous lequel est invoquée la Vierge Marie telle qu’elle est apparue à trois jeunes filles à Kibeho, petit village du sud du Rwanda, du 28 novembre 1981 au 28 novembre 1989. Ces apparitions, dont le message porte sur la prière et sur une guerre prochaine (génocide rwandais), ont d’abord été l’objet de méfiance de la part de l’entourage des présumées voyantes. En 2001, la reconnaissance officielle de ces apparitions par l’Église catholique renforce le succès populaire de ce qui devient un grand centre de pèlerinage connu dans le monde entier. Notre Dame de Kibeho s’est présentée comme « la Mère du Verbe » venant pour rappeler l’Évangile trop oublié.
L’année dernière cette statue a commencé au Foyer de Charité une grande tournée de « visitation » des paroisses de Bujumbura et elle achevait sa « tournée » dans la paroisse la plus proche du Foyer. Les paroissiens vont l’accompagner de leur paroisse jusqu’au Foyer dans une joie étonnante. La statue est dans un pick-up avec un « trône » non pas pour elle, mais pour la Parole de Dieu, puisqu’elle est venue rappeler l’évangile oublié. Je trouve que c’est bien théologiquement !
Evidemment, les paroissiens arrivent avec plus d’une demi-heure de retard ! Le programme devra déjà être réaménagé ! Une haie d’honneur est constituée par les retraitants et des participants jusqu’au lieu où elle va être installée pour toute la nuit. Le curé de la paroisse témoigne des grâces reçues pendant cette visitation de Notre Dame de Kibeho dans sa paroisse.
La louange éclate et c’est impressionnant ! Il y a vraiment une foule impressionnante, en la traversant pour accompagner N.Dame de Kibeho, nous le voyons bien et ça continue encore à arriver ! Sur le podium, il y a un groupe d’animation pour la louange composé de jeunes du Renouveau et de membres du Foyer qui lancent des chants soutenus par 7 chorales venues prêter main forte pour entrainer cette foule. Quelle allégresse !
Au début de la louange, je vais dans ma chambre chercher mon ordi car je lirai l’enseignement sur l’écran. Il faut déjà traverser la foule pour y parvenir, un service d’ordre est prévu pour mous accompagner autrement, on n’y arriverait pas. La maison est fermée, je trouve Gloria, membre du Foyer qui m’ouvre et me dit qu’elle laissera ouvert et viendra fermer un pe plus tard. J’apporte une modification à mon texte et veux rejoindre la prairie … mais quelqu’un est passé par là et a fermé … je suis enfermé et ne peux sortir ! J’ai bien mon téléphone, mais je n’ai rentré aucun numéro des membres du Foyer ! Je m’inquiète un peu de savoir combien de temps je vais rester ici avant qu’on ne s’en rende compte ! J’entends du bruit à l’extérieur côté cuisine, je cours vite et travers tous les couloirs (labyrinthe !) je frappe de toutes mes forces à la porte, sur les vitres, je secoue la porte et, ouf, on m’a entendu ! Personne n’a la clé, il faut aller la chercher, mais je suis libéré sans avoir perdu trop de temps ! Le Malin devait essayer de me séquestrer pour que je ne puisse donner mon enseignement !
Vient le moment de mon enseignement. Vous le trouverez dans la rubrique enseignement. Je commence par la salutation traditionnelle en kirundi qui ouvre toute prise de parole : tugire Kristu ! Tout le monde est étonné de m’entendre parler kirundi, surtout le père Amand qui doit traduire et qui en est bien amusé ! Le père Amand est un excellent traducteur, exercice jamais facile ! Je sens que ça doit bien passer, les gens rient quand il faut ! Mais c’est vraiment impressionnant de parler devant une telle foule avec, en plus, le relai de Radio-Maria qui permettra à plusieurs millions (c’est ce qu’on m’a assuré) d’écouter : il y a tous ceux qui n’ont pas pu venir, ceux qui habitent trop loin, les malades, ceux qui sont à l’étranger … Mon Dieu garde-moi dans l’humilité !
Après l’enseignement, il y a le chapelet des 7 douleurs enseigné par Notre Dame de Kibeho et un temps d’intercession pour le pays. Il est prévu que le passage à l’année nouvelle se fasse dans le plus grand silence … c’est le cas ! Nous n’entendons que quelques cris venant d’une boite de nuit proche du Foyer. A propos des boites de nuit, elles ne sont pas contentes du tout de cette veillée, beaucoup sont obligées de fermer en cette nuit … parce qu’elles n’ont pas de clients : tous les jeunes (enfin presque !) participent à la veillée ! Certaines boites de nuit ou des sectes font courir des bruits les jours précédants disant que, cette année, la veillée n’aura pas lieu ! Ils espèrent ainsi que les gens iront chez eux, mais, non, ils viennent quand même !
Après l’intercession, il y a un moment de grande joie qui permet d’échanger nos voeux. Nous tombons dans les bras les uns des autres ! Nous échangeons une belle accolade fraternelle avec le père Amand et tous les membres du Foyer. Beaucoup de gens viennent me souhaiter une bonne année et me remercier pour l’enseignement. Certains téléphonent à leur famille à l’étranger … Vraiment c’est un très beau moment de joie !
Après ce moment si beau, vient le temps de l’adoration. Tous les prêtres présents (nous sommes une dizaine) viennent à la sacristie du Foyer pour que nous puissions accompagner le St Sacrement, il nous faut, à nouveau fendre la foule ! Nous faisons une procession très belle, comme pour les Rameaux, les femmes étendent leurs châles sur le chemin en espérant que le prêtre qui porte Jésus marchera bien dessus ! J’en ai les larmes aux yeux de voir une telle foi ! Le temps d’adoration dure bien plus d’une heure avec des temps de louanges, d’intercession.
Vers 3h30, nous allons commencer la messe.
J’ai oublié de dire que personne ne part dans la nuit ! C’est absolument sûr ! En effet vers 21h45 le père Amand a annoncé que si certains étaient venus un peu par hasard ici, c’était le moment de partir car les portes allaient se fermer pour ne se réouvrir qu’à 6h du matin !
L’abbé Audace qui est prof dans un séminaire et que je connais bien, que j’apprécie bien est venu nous rejoindre. Il devait arriver en fin d’après-midi, mais il a eu un accident de voiture : quelqu’un qui avait bu roulait en pleine gauche et l’a accroché : juste des dommages matériels mais il aurait pu tomber dans un précipice … sur les routes de montagne, il n’y a aucun parapet !
La messe va durer jusqu’à 6h30 du matin environ, une petite pluie arrive juste à la fin, certains commencent à partir, mais beaucoup d’autres se rapprochent du podium et « dansent sous la pluie ! »
Au cours de la retraite où nous avions eu une très forte pluie avec du vent et qui nous mouillait même sous l’abri où nous célébrions la messe, j’avais expliqué aux retraitants que c’est ça la vraie foi : être capable de danser sous la pluie … ce qu’ils faisaient. Danser, chanter, louer quand tout va bien dans notre vie, ce n’est pas trop compliqué … quand les épreuves surviennent, c’est plus compliqué et c’est la grâce qu’il faut demander !
Les servants d’autel font une très belle danse avant la fin de la messe. Ils sont habillés « dans la tenue réglementaire » mais ils sont loin d’être coincés comme ceux de chez nous qui sont habillés dans une pareille tenue !
Je prends le petit déjeuner avec l’un ou l’autre membre de la communauté et Dodo : le repas est prévu vers 14h30. Mais, quand j’arrive dans ma chambre : pas d’électricité ! Il avait fallu couper l’électricité de ce bâtiment pour que toute la puissance soit disponible pour la prairie et on avait oublié de remettre le courant ! Ce qui veut dire que je ne dors pratiquement pas !
A 14h30, repas. Chaque année depuis 5 ans, ce repas est offert par une amie du Foyer. Elle sait que les membres du Foyer se sont beaucoup investis dans la préparation et l’animation de cette nuit et que chacun a besoin de récupérer. Donc, pour les décharger du souci de préparer un repas, elle l’offre et le fait livrer. Cette femme est au Canada depuis 2 ans, mais elle délègue deux amies pour s’en occuper en assurant le financement. C’est une très belle idée qui est très appréciée au Foyer !
Bonne sieste réparatrice l’après-midi et coucher tôt.
2 janvier
Le père Amand m’avait prévenu que nous irions voir l’archevêque. Il avait besoin de le rencontrer avant son départ en France prévu pour l’après-midi.
Nous partons donc pour l’évêché vers 9h30, c’est une chance, il n’y pa pas d’autres visiteurs que nous, la soeur nous dit que l’archevêque va nous recevoir de suite.
Je connaissais bien l’archevêque précédent, Mgr Evariste Ngoyagoye, mais il a enfin peu prendre sa retraite après deux années supplémentaires effectuées à la tête du diocèse. Il a été remplacé par Mgr Gervais Banshimiyubusa. Mais il reste encore administrateur de son ancien diocèse ce qui lui fait un énorme travail. Comme je reste 3 mois, le père Amand tenait à ce que je puisse me présenter à lui.
Il nous accueille chaleureusement et, quand le père Amand lui explique que je suis venu, entre autres choses pour prêcher des retraites pour les prêtres, il me demande tout de suite si je suis d’accord pour prêcher la retraite des prêtres de son ancien diocèse car il n’a encore trouvé personne. Bien sûr, j’accepte, je la prêcherai la dernière semaine de février. Il doit contacter son Vicaire Général pour s’assurer que c’est possible à cette date qui correspond à un trou dans mon planning !
Je laisse le père Amand seul avec son évêque et je vais à la chapelle. Il est 10h, je me dis que leur rencontre ne va pas durer très longtemps puisqu’il est prévu que nous célébrions la messe à 11h au Foyer pour une famille.
A 11h50, le père Amand sort de chez l’évêque ! Il téléphone au Foyer pour dire qu’on arrive !
C’est une bien belle messe que nous allons vivre. Elle est célébrée pour le 27° anniversaire de mariage de Françoise et Isaac. Ce couple a connu des difficultés ces dernières années sur lesquelles je ne peux pas m’étendre dans ce blog. Disons qu’Isaac, un homme pourtant très bien, s’est égaré en suivant par deux fois des »menteurs » au niveau religieux. Isaac a voulu cette messe et organisé cette fête avec sa famille pour fêter, comme dans l’Evangile, son retour dans la maison du Père … et dans sa maison !
Tout cela est évoqué par le père Amand sans aucune retenue, je trouve cela d’une vérité touchante … mais je me demande quand même si Isaac apprécie !
A Table je suis à côté d’Isaac, nous échangeons beaucoup.
Il est cadre dans une ONG irlandaise et désormais, il travaille comme expatrié au Tchad. Il a pu obtenir 3 semaines de congés de suite (ce qui est assez rare dans son ONG) pour pouvoir participer à la retraite de fin d’année, vivre la nuit du 31 au foyer et ainsi faire le point sur sa vie et remettre au Seigneur ses égarements. Je lui fais part de mon admiration à accepter qu’on parle de ses égarements aussi librement devant sa famille ! Il m’explique qu’il a demandé pardon à tout le monde et que désormais, il doit vivre dans l’humilité, or il n’y a pas de meilleur chemin pour se tenir dans l’humilité que d’accepter que sa pauvreté soit dévoilée ! Quel homme ! Mais aussi quelle femme, que son épouse ! Elle a continué à croire en son mari, à prier pour qu’il revienne et que leur couple ne soit pas mis en échec, elle a fait prier ses enfants. Elle est venue fidèlement au Foyer chercher le réconfort, elle a sollicité une communauté religieuse, particulièrement une soeur pour prier pour eux.
Cette soeur est là et prendra la parole pour dire à Isaac combien il a eu de la chance d’avoir une telle épouse !
Le fils ainé a aussi pris la parole pour dire combien il était fier de l’éducation reçue de ses parents et il a invité ses frères et sa soeur à garder ce trésor reçu, particulièrement celui de la prière !
La soeur est arrivée bien après les 4 garçons, le couple de Françoise et Isaac l’a demandée au Seigneur par l’intercession de Marie, ils voulaient une fille et elle est née le jour de la fête de l’Immaculée Conception !
Je vous avoue que tout ça me donne pas mal de larmes quand j’écoute ces prises de paroles qui me sont traduites.
Le repas a duré vers 16h30, je vais faire la sieste … le père Amand a dû partir vite, son vol était à 17h30, il ne sera pas trop en avance, je lui ai dit que j’allais prier pour que l’avion ait du retard … et il a eu du retard !
Gloria qui s’occupe du site internet du Foyer et de la communication m’apporte le nouveau routeur qui devrait me permettre d’avoir plus facilement une connexion. De fait ça marche très bien, comme c’est agréable ! Je vais même pouvoir mettre des photos pour agrémenter le journal !
Le soir, le père Emmanuel nous a rejoints, il est le père du dernier Foyer de Charité qui a été crée il y a à peine plus d’un an. La communauté est encore petite, mais très belle. Je les avais visité l’année dernière et j’espère pouvoir aller les rencontrer cette année !
Super idée ce blog ! C’est chouette de pouvoir suivre les aventures du « Padre », en plus des homélies !
Bonne année 2019 Père Roger, plein de belles rencontres encore, et de moments forts.
UDP, Béatrice.
merci bonne année à vous aussi !