4 mars : mardi 8° semaine temps ordinaire : l’amour de Dieu est gratuit … quand le comprendrons-nous ?

Nous continuons notre lecture du livre de Ben Sira, le Sage, ce livre de Sagesse écrit vers 200 avant Jésus-Christ. C’est dire que la Révélation a déjà bien progressé puisque depuis des siècles, les prophètes, au nom de Dieu, ont aidé le peuple à mieux comprendre qui est Dieu et comment on entre en relation vraie avec lui. `

On voit bien que la révélation a avancé parce que dans le passage que nous avons entendu, Ben Sira commence à remettre en cause ce qui a été un pilier du judaïsme, je veux parler du système des sacrifices. Dans le judaïsme, mais comme dans toutes les religions de l’époque, il y avait cette idée bien ancrée que les faveurs de Dieu se paient. Si tu veux obtenir de Dieu une grâce, tu ne peux pas te présenter les mains vides pour demander cette grâce. Et plus ce que tu veux demander va être important, plus il te faudra offrir quelque chose de valeur. Pour une petite grâce, une tourterelle, pour une grâce moyenne, une brebis et pour une grande grâce, un bœuf ! 

Et c’est ainsi que le Temple avait fini par devenir un véritable marché aux bestiaux dégageant des bénéfices appréciables pour ceux qui travaillaient dans ce bisness et pour les prêtres qui touchaient pas mal de dividendes en nature !  Nous savons, par les Evangiles, que ça ne plaira pas du tout à Jésus. Non pas que Jésus n’aimait pas les animaux, mais il n’aimait pas qu’on trafique avec Dieu. Il ne pouvait pas supporter l’idée que Dieu ferait payer les grâces qu’il accorde. C’est donc pour cela qu’un jour, il prendra un coup de sang et renversera les tables des changeurs, le but étant de purifier la religion de cette conception si fausse de Dieu. Dieu n’est pas un marchand de tapis avec qui il faudrait négocier pour obtenir les meilleures grâces.

Mais Jésus n’a donc pas été le 1° à remettre en cause ce système, Ben Sira l’avait fait 200 avant lui et, pour être tout à fait honnêtes, les prophètes avaient déjà commencé à le faire. En tout cas, dans la lecture d’aujourd’hui, nous avons entendu ces paroles si fortes : « N’essaye pas d’influencer Dieu par des présents, il ne les acceptera pas ! » Seulement voilà, si vous avez écouté avec attention, vous pourriez me dire qu’il y avait quand même une parole qui semble contredire ce que je viens d’expliquer : « Ne te présente pas devant le Seigneur les mains vides. » C’est vrai ! Mais justement, Ben Sira va expliquer que Dieu ne s’intéresse pas à ce qu’on lui offre habituellement, ces bêtes innocentes sacrifiées à la chaine.

Ce que Dieu attend, c’est tout autre chose. Ecoutez comme c’est révolutionnaire pour l’époque : « On obtient la bienveillance du Seigneur en se détournant du mal ; on offre un sacrifice d’expiation en se détournant de l’injustice. » Et Ben Sira va expliquer de manière très concrète comment remplacer les sacrifices de bestiaux par des sacrifices qui plaisent bien plus à Dieu, il semble donner un tableau de concordance pour qu’on trouve l’équivalence des valeurs : « C’est présenter de multiples offrandes que d’observer la Loi ; c’est offrir un sacrifice de paix que s’attacher aux commandements. C’est apporter une offrande de fleur de farine que se montrer reconnaissant ; c’est présenter un sacrifice de louange que faire l’aumône. » 

Très bien !  Mais nous pourrions nous demander en quoi ça nous concerne ces vieilles histoires ? Depuis belle lurette, nous sommes sortis de cette religion des sacrifices ! Oui, sans doute, mais sommes-nous vraiment sortis du donnant-donnant dans notre relation avec Dieu ? N’agissions-nous pas, dans nos relations avec Dieu, comme des marchands de tapis ?

Et j’oserais presque dire que nous sommes pires que les juifs. Parce que les juifs, eux ils payaient avant, ils payaient pour recevoir … alors que nous, nous promettons de payer, seulement après … quand le Seigneur aura effectué la livraison des grâces demandées ! Si tu m’accordes telle grâce, je ferai ceci ou cela, on promet de payer après … comme ça, si ne marche pas, on ne doit rien ! Comme nous avons du mal à croire en la gratuité de l’amour de Dieu. Dieu ne demande rien pour nous donner son amour et, quand il l’a donné, il n’exige rien en retour : Tout est gratuit ! 

L’amour de Dieu est gratuit ! Dès l’office de Laudes, ce matin, nous l’entendions dans la Parole à travers ces si belles paroles d’Isaïe : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer ; venez acheter du vin et du lait, sans argent et sans rien payer. » 

Et finalement, avec l’Evangile, nous restons bien dans le même thème de la gratuité. Pierre qui est le capitaine de l’équipe apostolique s’avance pour négocier les primes de match ! « Et nous avons tout quitté pour te suivre, qu’est-ce qu’on aura de plus que les autres ? » Pierre a bien du mal à vivre dans le registre de la gratuité, il est dans le donnant-donnant : on a beaucoup donné puisqu’on a tout quitté, donc il serait normal que nous recevions beaucoup plus que les autres ! Et alors, je trouve la réponse de Jésus d’une infinie délicatesse ! Jésus ne s’énerve pas en disant à Pierre qu’il n’a rien compris et qu’il ne comprendra jamais rien ! Non, il répond à Pierre en utilisant son registre : tu veux plus et moi je te dis que tu auras plus, vraiment plus puisque tu auras tout en ayant la vie éternelle, c’est-à-dire tu baigneras éternellement dans la présence et l’amour de Dieu. Peut-il y avoir plus grand ?

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de croire en la gratuité de l’amour de Dieu qui ne réclame que notre cœur comme un amoureux espère le cœur de l’être aimé.

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