6 août : Transfiguration du Seigneur … mais écoutez-le donc !

Il n’y était pas à la Transfiguration, celui qui, dans l’Evangile d’aujourd’hui, nous rapporte cet événement inouï, je veux parler de St Marc. Mais il y en a un qui était et qui, sans nous livrer le déroulé des événements nous a partagé dans l’une de ses lettres ce qu’il a vécu avec les deux autres apôtres qui l’accompagnaient, je veux parler de Pierre. Permettez-moi de vous lire une partie du témoignage qu’il nous donne

Ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur. Car il a reçu de Dieu le Père l’honneur et la gloire quand, depuis la Gloire magnifique, lui parvint une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. 2 P 1,16-18

Pierre a donc conscience que, sur la montagne, ils ont été les témoins oculaires privilégiés de la grandeur de Jésus. Mais l’expérience qu’ils ont vécue est tellement particulière qu’il renonce à la décrire. Oh, lui ou les deux autres, ont bien dû raconter pour que les 3 évangélistes synoptiques puissent rapporter l’événement avec quelques détails. Mais, Pierre, lui, il ne donne que quelques indices qui nous laissent imaginer ce qui s’est passé, il parle de grandeur, de gloire. Par contre, il y a un élément qu’il tient à rapporter, c’est la voix venue du ciel, la voix du Père : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. On comprend sans difficulté qu’ils aient été saisis d’entendre la voix du Père éternel, le Dieu invisible qui tient toute chose dans sa main. Cette voix si rare, elle restera à tout jamais gravée en lui. Mais alors, se pose une question, pourquoi n’a-t-il pas rapporté la totalité de la Parole que Dieu a fait entendre ? En effet, si l’on en croit les synoptiques, Dieu a dit plus que :Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie. Il a dit : Celui-ci est mon Fils, mon bien-aimé ; en lui j’ai toute ma joie, écoutez-le ! Les 3 évangélistes synoptiques ne sont pas tout à fait d’accord entre eux sur le contenu de la parole, tous ne parlent pas de la joie, mais, par contre, tous mentionnent ce que Pierre ne rapporte pas, c’est le dernier verbe : écoutez-le ! S’ils mentionnent tous les 3 ce « écoutez-le ! » c’est qu’il faisait forcément partie des paroles prononcées par la voix du Père, les témoins l’ont dit avec certitude. Alors, pourquoi Pierre, alors que, lui, il était présent, ne rapporte-t-il pas ce « écoutez-le » ?

J’espère que vous n’êtes pas en train de penser que je coupe les cheveux en 4 ! Si j’insiste, c’est parce que les paroles venant de Dieu lui-même sont tellement rares que ce n’est pas le moment d’en oublier la moitié ! Je pense que Pierre sait très bien ce qu’il fait quand, rédigeant sa lettre, il omet ce « écoutez-le ! » D’autant plus qu’au moment où il rédige sa lettre, des petits livrets circulent déjà comportant quelques récits évangéliques dont certains passages sont lus au cours du rassemblement des chrétiens pour la Fraction du Pain. Pierre a donc dû entendre, peut-être même a-t-il lu, lui-même, ce passage avec la totalité de la parole prononcée par le Père. Il sait donc pertinemment que cette parole se terminait par ces mots : écoutez-le !

Paradoxalement, le fait que Pierre n’ait pas rapporté ce « écoutez-le ! » donne encore plus de poids à cette parole. En ne le rapportant pas, Pierre savait que ses lecteurs seraient obligés de se poser la question du sens, de la portée de ce silence. Il savait que tout le monde comprendrait très vite que, lui, Pierre n’avait pas rapporté ces mots pour la simple raison qu’il n’avait pas écouté Jésus. En effet, nous le savons, Pierre, Jacques et Jean, Jésus les prendra, à nouveau avec lui quand, à Gethsémani, il va vivre ces moments si douloureux. Jésus a tellement peur de les affronter seul qu’il demande à Pierre, Jacques et Jean de l’accompagner au plus près et surtout de veiller et prier avec lui car son âme est triste à en mourir. Ces simples paroles auraient dû suffire à garder Pierre, Jacques et Jean éveillés dans une prière de soutien, de compassion. 

Mais ils ont dormi et Jésus a eu beau les réveiller, à chaque fois, ils se sont rendormis. Il leur avait dit : veillez et priez avec moi et ils ne l’ont pas écouté ! Terrible ! Mais encore plus terrible pour Pierre, car Jésus l’avait prévenu également quand il fanfaronnait. 

Il lui avait dit : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. Jésus l’avait prévenu et il ne l’a pas écouté. Ainsi donc, on comprend que Pierre n’ait pas pu rapporter la parole céleste dans sa totalité, il gardera jusqu’à la fin de ses jours, dans son cœur cette blessure : il n’a pas écouté Jésus ! Jésus l’avait prévenu et il ne l’a pas écouté ! Bien avant ces événements, le Père du ciel avait brisé le silence, dans lequel il se tenait habituellement, pour dire à Pierre, Jacques et Jean : vous l’écouterez quand il vous parlera et voilà, ils ne l’ont pas écouté au moment le plus décisif … et comme je viens de le dire, c’est encore plus grave pour Pierre.

Mais, attention, n’allez surtout pas penser qu’en passant sous silence cette parole, Pierre cherche à trafiquer la vérité, qu’il cherche à arranger l’histoire en sa faveur. Non, comme on aime le dire, aujourd’hui, ce silence est un silence assourdissant, c’est-à-dire un silence qui en dit long. Puisque tous les chrétiens savent, en lisant les Evangiles, que Dieu a dit : écoutez-le, quand ils lisent Pierre et qu’ils entendent ce silence, ils entendent comme des sanglots dans ce silence, les sanglots de la blessure de Pierre, une blessure jamais fermée qui tiendra Pierre dans l’humilité jusqu’à son dernier souffle. Oui, il y a des silences qui disent ce que des paroles ne peuvent exprimer et, là, nous sommes en présence de l’un de ces plus beaux silences ! A travers ce silence, Pierre nous livre une confidence douloureuse pour que nous en tirions profit, il nous dit : je ne l’ai pas écouté et je suis tombé, il en sera ainsi pour vous, à chaque fois que vous ne l’écouterez pas, vous aussi, vous tomberez. Il ne peut en aller autrement. 

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de garder la leçon enseignée par ce silence, qu’elle nous obtienne la grâce d’écouter le Seigneur.

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