1° mai : fête de St Joseph travailleur, la dignité du travailleur

Tout le monde connait l’abbé Pierre, ce prêtre qui a fait tant de bien pour les plus pauvres. Mais personne ne connait son père, alors qu’il aura beaucoup compté dans son cheminement. L’abbé Pierre n’aurait jamais fait tout ce qu’il a fait si, un jour, son père ne lui avait pas fait une sévère remarque concernant son égoïsme. Tout le monde connait Karol Wojtila, devenu le pape Jean-Paul II, mais personne ne connait son père, alors qu’il aura beaucoup compté dans son cheminement. Le jeune Karol ne serait sans doute pas devenu le pape Jean-Paul II si son père ne l’avait pas aidé à entrer un peu plus dans la foi en lui faisant des remarques sur sa manière de servir la messe.

Voilà deux hommes, l’abbé Pierre et Jean-Paul II qui ont tout reçu de leur père, tout ou presque, en tout cas ils ont reçu l’essentiel, et leurs pères, on n’en parle pratiquement plus sauf dans quelques récits bien documentés. Vous voyez immédiatement le rapprochement que nous pouvons faire avec St Joseph. Jésus est encore plus célèbre que l’abbé Pierre et Jean-Paul II, mais, comme eux, il a dû beaucoup recevoir de son père et le fait qu’on n’en parle pas ou si peu n’est pas le signe qu’il n’ait pas eu d’importance. 

Car, c’est bien vrai, on ne parle pas beaucoup de Saint Joseph dans les Evangiles. Pourtant, c’est absolument sûr, comme pour chaque enfant, Jésus a forcément reçu, appris de son père Joseph. Quand les juifs l’appelaient « le fils du charpentier » pour eux, c’était méprisant, pas pour nous puisque ce titre indique justement que Jésus a beaucoup appris de Joseph.

Par exemple, ce que Jésus aura appris de Joseph, c’est le sens du travail, la beauté, la noblesse du travail. C’est ce que veut nous rappeler cette fête de St Joseph travailleur. Ce n’est pas un hasard si, dans l’Evangile, la plupart des paraboles nous montrent des femmes et des hommes au travail. Aux côtés de son père, Saint Joseph, Jésus aura appris que notre manière d’exercer notre travail peut nous parler du Royaume de Dieu. 

Dans la culture grecque, puis romaine, le travail était réservé aux esclaves. Les maîtres consacraient leur temps à s’instruire et à se détendre. D’ailleurs, vous le savez peut-être le mot travail, vient du latin « tripalium » qui veut dire torture, ça en dit long sur la conception qu’on pouvait avoir du travail ! Les Ecritures ont complètement changé ce regard sur le travail. Le livre de la Genèse nous le dit : l’homme a été créé avec la mission de travailler et de conserver le jardin, c’est ce qu’il faut entendre par l’ordre qui est donné par Dieu de dominer la création. Evidemment et le pape François l’a bien montré dans « Laudato Si », par cet ordre de remplir la terre et de la soumettre, Dieu ne donne pas l’autorisation de faire n’importe quoi ! Par cet ordre, l’homme est élevé à une grande dignité, il est établi co-créateur avec Dieu. C’est très beau parce que ça veut dire que le travail devient l’un des moyens pour l’homme d’être associé à Dieu. Il n’y a pas que la prière qui nous associe à Dieu, il y a aussi le travail, le travail bien fait, le travail accompli jusqu’au bout. D’ailleurs Jean-Paul II a donné à ce récit de la Genèse, le si beau titre « d’Evangile du travail. »

Le Christianisme ira encore plus loin que le judaïsme puisque Jésus, le Fils de Dieu, est présenté comme ayant travaillé lui-même de ses mains la plus grande partie de sa vie avant de commencer sa mission … ou plutôt que sa mission a commencé par ce travail. Et on peut dire qu’il a été autant Sauveur dans les années de la vie cachée et laborieuse à Nazareth que dans son ministère public. De ce point de vue, j’aime beaucoup ce que Benoit XVI avait dit aux artisans qui avaient refait son appartement au moment de son élection. Jean-Paul II était resté 25 ans, au bout de 25 ans, ce n’est pas scandaleux de refaire les peintures ! 

Benoit XVI avait donc eu la délicatesse de recevoir ces artisans avant d’emménager et il leur avait dit : « vous êtes les collègues de Notre Seigneur Jésus-Christ ! » Vous vous rendez compte du titre qu’il leur donne ? Collègues de Notre Seigneur parce qu’artisans ! Ce n’est pas rien comme appellation ! Et il va ajouter en direction de ces artisans : « vous vous êtes donnés à fond pour finir le chantier le plus vite possible, votre travail m’encourage, maintenant, moi aussi, en cette heure tardive de ma vie, je dois me mettre au travail ! » Quelles belles paroles qui révèlent qu’un travail bien fait par les uns peut devenir un encouragement puissant pour les autres à mieux faire leur travail. On est loin, vraiment très loin du Tripalium romain qui envisageait le travail comme une véritable torture !

Et c’est pour cela que le chômage est un drame, bien sûr, il y a la question de la subsistance, mais il n’y a pas que ça. Secrètement l’homme a perçu ce que dit une prière : « le travail a été sanctifié par l’auteur du travail »,ce qui lui donne une dimension quasi-sacrée. Quand nous méditons sur le mystère de l’Incarnation dans toutes ses dimensions, nous n’en finirons jamais de nous émerveiller. Celui qui a créé le travail l’a lui-même accompli, en Jésus, et pas quelques jours, quelques semaines, dans un petit CDD, pour voir ce que ça donnait ! Il a travaillé la plus grande partie de sa vie, en proportion de la durée de sa vie, on peut dire que Jésus aura travaillé bien plus longtemps que nous tous ! 

C’est donc aussi pour cela, en raison de cette dimension quasi-sacrée du travail qu’il est si dramatique de constater que le travail est si souvent un lieu de tensions et d’exploitation dans lequel bien des hommes perdent leur dignité. L’un des drames, aujourd’hui, c’est qu’on fait quantité de recherches pour améliorer la compétitivité au travail, pour rendre le travail toujours plus rentable sans beaucoup se préoccuper de l’homme au travail. Or, dans la dimension chrétienne, si le travail revêt un caractère quasi-sacré, c’est parce qu’il est accompli par des hommes que Dieu a voulu hisser à la dignité de co-créateur justement par l’exercice du travail. La réflexion chrétienne sur le travail est une invitation à remettre l’homme au centre de toute réflexion, de toute revendication concernant le travail.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons, en cette fête de St Joseph, que le travail et les travailleurs soient toujours mieux considérés. Demandons-lui de nous aider à faire comprendre que chaque femme, chaque homme, par son travail a été élevé à la dignité de co-créateur.

Laisser un commentaire